mardi 10 janvier 2012

PAROLE SUR LA MORT 2



CHAPITRE II : LA REVELATION SUR LE PARADIS ET L’ENFER


Ce texte est proposé aux chrétiens orthodoxes qui fréquentent régulièrement les offices de l'Eglise ainsi que les sacrements, qui ont une vie de prière intérieure et qui ont un père spirituel chez qui ils se confessent régulièrement. Pour les autres, nous craignons qu'il provoquera chez eux des réactions négatives et pourraient être peturbés dans leur psyché.


Il pourrait-y avoir des passages difficiles qui, probablement, vont heurter la sensibilité de notre entendement humain. Prière de garder à la mémoire la pensée que Christ est venu sauver ceux qui espèrent en Lui, que la vie a jailli du tombeau et le Seigneur nous l'a accordée par le Saint baptême et les sacrements de l'Eglise.



Moïse, qui vit Dieu, fit le récit de la Genèse de ce monde. Il enseigne que le Seigneur planta le jardin d'Eden vers l'orient et y plaça les deux premiers hommes, ancêtres du genre humain : Dieu prit l'homme et l'établit dans le jardin d’Eden pour le cultiver et pour le garder (Gen.2,15). Selon ce récit, le Seigneur assure, comme il a été dit plus haut, que le Royaume Céleste a été préparé pour les hommes dès la création du monde. Après avoir transgressé le commandement de Dieu, nos ancêtres virent leurs corps et leurs âmes se transformer de façon telle, que rester dans le Paradis devenait impossible. Alors Dieu chassa l'homme du Jardin d'Eden sur la terre et le mit à l'orient du jardin. (Gen.3,23-24). L'expression à l'orient du jardin sous-entend que la terre, par sa beauté, est semblable au Paradis dont elle est une évocation pour l'homme déchu. D'ailleurs, lorsque nous regardons la magnificence de notre lieu d'exil, nous nous exclamons involontairement : c'est le Paradis. La très fertile plaine de Sodome est également comparée (avant sa destruction) au Paradis (Gen.13,10). Moïse nous présente le Paradis comme un jardin vaste et exquis (Gen.2,9). C'est ainsi que l'ont vu de nombreux saints de l'Eglise du Nouveau Testament. C'est bien ainsi qu'il se présente dans la réalité, quoique nos sens grossiers et émoussés par la chute ne nous permettent absolument pas de le voir, n'ayant pas accès à la finesse de sa nature. L'homme ayant été chassé du Paradis, la charge de gardien qu'il assumait à l'origine fut confiée au chérubin (Gen.3,24). Plus tard, l'âme du larron qui confessa le Seigneur fut placée au Paradis (Luc23,43), et à sa suite, les âmes de nombreux chrétiens qui furent jugés dignes du salut. Ceci nous instruit sur la nature du Paradis. Saint Macaire le Grand dit des hommes qui ont acquis la richesse céleste : « leurs concitoyens, c'est-à-dire les esprits des saints et les anges, s'écrient avec admiration : nos frères qui sont sur la terre ont acquis de grandes richesses ! Ces derniers, ayant le Seigneur avec eux au moment de leur mort, partent avec beaucoup de joie vers ceux d'en haut. Les familiers du Seigneur les accueillent, leur ayant préparé des maisons, des jardins et des vêtements éclatants et de grand prix » (HomélieXVI,8).
Saint Grégoire le Sinaïte, se référant à ceux qui ont vu le Paradis, dit qu'il est le ciel inférieur, qu'il est rempli de jardins parfumés plantés par Dieu, que les arbres de ces jardins sont constamment couverts de fleurs et de fruits, qu'en son milieu coule une rivière qui se divise en quatre bras (Gen.2,10). Le Saint Prophète David mentionne aussi l'eau qui se trouve au-dessus des cieux. Par rapport à la terre, les Saintes écritures placent le Paradis à l'orient. Sainte Théodora raconte qu'elle quitta son corps pour se diriger vers l'orient en compagnie des anges qui la conduisaient vers les demeures célestes (Cf. vie de Saint Basile le Nouveau, le 26 mars). Saint Syméon du Mont Admirable et Sainte Euphrosyne de Souzdal virent également le Paradis à l'orient. Les églises orthodoxes sont construites dans la direction de l'orient; c'est aussi dans cette direction que prient les chrétiens orthodoxes et qu'ils enterrent les morts, tournés vers l'Eden. Pour ceux qui ne se satisfont pas de ces détails sur le Paradis, nous citerons ces paroles de Saint Grégoire le Sinaïte : « Ce qui était incompris jusque là, l'Ecriture l'explique maintenant avec simplicité et sans investigations ».
L'Apôtre Paul fut ravi au Paradis et jusqu'au troisième ciel, dans « mon corps ou hors de mon corps, je ne sais pas » et il y entendit des paroles ineffables qu'il n'est pas permis à l'homme d'exprimer (2Cor.12,3-4). La nature du Paradis, la beauté des cieux, l'abondance de la béatitude et de la grâce, tout cela surpasse de beaucoup tout ce qui, sur la terre, peut être agréable et raffiné. Le Saint Apôtre, pour décrire son extase, parle de choses que « l'œil n'a point vues, que l'oreille n'a point entendues et qui ne sont point montées au cœur de l'homme, des choses que Dieu a préparées pour ceux qui L'aiment et que Dieu nous a révélées par l'Esprit (1Cor.2,9-10) ». Dans ces paroles, on lit hélas une triste vérité : la chute de l'homme est si profonde qu'il ne peut plus se représenter sa béatitude perdue. Son cœur tourné vers le péché a perdu tout appétit pour la jouissance spirituelle. Mais en même temps, les mots de l'Apôtre annoncent une bonne nouvelle : l'Esprit Saint renouvelle ceux qui, par la foi et le repentir, entrent dans le peuple spirituel du nouvel Adam, notre Seigneur Jésus-Christ. Quand l'Esprit Saint fait Sa demeure dans l'homme, Il anéantit le règne du péché, le combat invisible et le désordre ; alors s'installent la paix du Christ et une telle jouissance spirituelle que le cœur, dans son ivresse, perd toute sympathie pour le péché, demeurant en permanence avec Dieu et en Dieu. En établissant le Royaume de Dieu dans l'homme, l'Esprit Saint conduit parfois Son serviteur dans les lieux célestes préparés pour la fête éternelle des justes. De nombreux saints ont été ainsi ravis au Paradis et de là, dans les cieux des cieux, au pied du Trône même du Seigneur où se tiennent les chérubins et les séraphins flamboyants. Tous les témoignages concordent. Saint Syméon du Mont Admirable, par exemple, a vu les magnifiques jardins du Paradis. Il y a rencontré l'âme du larron (le premier homme à avoir été introduit au Paradis après la rédemption) et de notre ancêtre Adam.
Une des visions les plus détaillées dont nous disposions est celle de Saint André le fol-en-Christ, qui passa deux semaines surnaturelles dans la contemplation du monde invisible. Voici ce qu'il raconte à son compagnon, le prêtre Nicéphore « Je me vis dans l'étonnant et magnifique Paradis. L'esprit ravi, je m'interrogeai : qu'est-il arrivé ? Habitant Constantinople, je ne pouvais comprendre comment je m'étais retrouvé là. J'étais vêtu d'un habit clair, tissé d'éclairs, une imposante couronne de fleurs était posée sur ma tête, je portais une ceinture royale. Je me promenai dans le Paradis de Dieu, me réjouissant de sa beauté, dans l'étonnement de l'esprit et du cœur! Dans les nombreux jardins, les cimes des grands arbres se mouvaient en réjouissant la vue. Leurs branches exhalaient un parfum enivrant. Certains fleurissaient en permanence, d'autres étaient parés de feuilles dorées ou de fruits variés d'une beauté et d'un goût indicible. Aucun arbre de la terre ne peut leur être comparé car c'est la main de Dieu qui les a plantés. Ces jardins abritaient un nombre incalculable d'oiseaux aux ailes dorées, ou blanches comme la neige ou encore striées de différentes manières. Sur les branches des arbres, les chants des oiseaux étaient si doux que je ne me connaissais plus, tant mon cœur était réjoui. Ce ramage semblait atteindre les hauteurs célestes. Ces très beaux jardins étaient placés en rangées successives, comme les bataillons d'une armée. Comme je marchais parmi eux, le cœur réjoui, je remarquai une rivière qui les arrosait. Sur la rive opposée se trouvait une vigne aux feuilles dorées dont les grappes s'étalaient largement. Des quatre points cardinaux soufflaient des brises douces et parfumées dont l'haleine agitait les jardins ; les feuilles des arbres bruissaient merveilleusement (Cf Vie de Saint André, le 2 octobre).
Sainte Théodora rapporte des choses semblables au sujet de la demeure de Saint Basile le Nouveau au Paradis : remplie de gloire, ornée de nombreux jardins aux feuilles dorées et aux fruits abondants. Les anges qui guidaient Sainte Théodora lui montrèrent le Paradis en détail : « J'ai vu des habitations nombreuses et très belles, pleines de gloire et de grâce et préparées pour ceux qui aiment Dieu. Ceux qui me conduisaient me montrèrent séparément les demeures des Apôtres, des Prophètes, des Martyrs et de tous les ordres de Saints. Chaque demeure était d'une beauté indicible, semblable à Constantinople par sa longueur et sa largeur, mais incomparablement plus belle, présentant de nombreuses salles très claires non faites de main d'homme. Partout retentissaient des voix pleines d'allégresse et de joie spirituelle, partout l'on voyait des visages en fête. Tous, m'ayant vue, se réjouissaient de mon salut, sortaient à ma rencontre pour m'embrasser et louer Dieu de m'avoir sauvée des filets de l'ennemi » (Vie de Saint Basile le Nouveau, le 26 mars).
Nous affirmons de nouveau que la nature terrestre n'est qu'une pâle image du Paradis, de ses beautés incorruptibles, de sa finesse ineffable, paisible et pleine de grâce. Après le péché de nos ancêtres, la terre fut maudite. Cette malédiction s'exprime en permanence par le désordre et les troubles qui y règnent. Tantôt la terre tremble et anéantit des villes entières, tantôt des eaux féroces engloutissent des contrées, tantôt déferlent les vents, les tempêtes, le tonnerre, la grêle, les éclairs, laissant dans leur sillage leur cortège de destructions. L'humanité vit dans un incessant combat, tant individuel que général, elle endure de multiples souffrances, un labeur sans fin, des péchés innombrables, des crimes terribles, un désordre babylonien. La vertu s'y taille péniblement un asile, précaire. L'impitoyable et insatiable mort fauche les générations qui sont aussitôt remplacées par d'autres, en vertu de la loi de multiplication instaurée par le Créateur pour le genre humain. La mort continuera son œuvre jusqu'à périr avec le monde qu'elle s'acharne à détruire. Les animaux qui peuplent la terre se dressent les uns contre les autres et se dévorent sans pitié. Les éléments eux-mêmes vivent sous la loi d'une inimitié implacable et sont en proie aux luttes intestines.
Tout ici-bas souffre, combat et court à la destruction. Quel trouble terrible et sans répit dans cet affrontement universel et acharné ! Tout ceci n'est pas immédiatement perceptible pour ceux qui vivent au cœur de la tourmente, mais la chose est évidente dans le calme de la solitude monastique pour le pèlerin que Dieu a placé «face à l'orient», dans les regrets et les soupirs, brûlant de désir pour son Seigneur (Saint Pierre Damascène).
Si cette terre maudite par Dieu, ce lieu d'exil, de malheur, de tentations, de crimes, de mort, condamné par Dieu à être brûlé, offre à nos yeux sa beauté ravissante, que doit être le Paradis, que Dieu destine à ceux qui L'aiment pour la jouissance éternelle. L'œil charnel n'a point vu, l'oreille charnelle n'a point entendu et ne sont point montées au cœur entaché par la sensualité, ces choses que Dieu a préparées pour ceux qui l'aiment. Et à nous, Dieu nous les a révélées par l’Esprit (1 Cor.2,9-10).
Saint André fut ravi non seulement au Paradis, mais également.au troisième ciel, comme le Saint Apôtre Paul. Voici ce qu'il dit, après la description du Paradis, citée plus haut : « Après cela, je fus saisi de terreur en me retrouvant au-dessus du firmament céleste. Un jeune homme au visage semblable au soleil me précédait. En le suivant je vis une Croix magnifique, qui avait l'aspect d'un arc-en-ciel. Autour d'elle se tenaient des chanteurs semblables à des flammes de feu qui louaient merveilleusement le Seigneur crucifié. Le jeune homme qui me précédait s'approcha de la Croix, la baisa, et me fit signe d'en faire autant. Je tombai devant la Sainte Croix avec une joie mêlée de crainte et je l'embrassai avec ferveur. Je fus alors rempli d'une ineffable douceur spirituelle et je sentis un parfum plus fort encore qu'au Paradis. Dépassant la Croix, je regardai l'abîme en dessous de moi. J'avais la sensation de marcher dans les airs. Je pris peur et criai à mon guide : je crains de tomber dans les profondeurs ! Se tournant vers moi, il me dit : ne crains pas, il nous appartient de monter plus haut, Puis il me tendit la main. Dès que je l'eus saisie, nous nous trouvâmes au-dessus du second firmament. Je vis là des hommes étonnants, et la quiétude d'une fête joyeuse inexprimable en langage humain. Après cela nous entrâmes dans une-flamme magnifique qui brillait sans brûler. Je pris peur de nouveau, mais mon guide se tourna vers moi en me tendant la main : il nous faut monter encore plus haut ! A ces mots, nous parvînmes au-dessus du troisième ciel où je vis la multitude des Puissances Célestes qui chantait et louait Dieu. Nous arrivâmes devant un rideau scintillant comme l'éclair, auprès duquel se tenaient de grands et terribles jeunes gens semblables à des flammes de feu. L'éclat de leurs visages était plus brillant que celui du soleil et leurs mains brandissaient une arme flamboyante. Autour d'eux se tenait avec crainte une foule innombrable de l'armée céleste. Alors le jeune homme qui me guidait me dit : lorsque sera relevé le rideau, tu verras le Seigneur Christ, prosterne-toi devant le trône de Sa gloire ! Ayant entendu cela, je me mis à trembler de peur, tout en ressentant une joie indicible. Quand le rideau fût tiré par une main flamboyante, je vis mon Seigneur, comme en son temps le prophète Isaïe, assis sur un trône haut et magnifique, entouré de séraphins. Il était vêtu de pourpre, Son visage rayonnait d'une lumière ineffable. Il tourna Ses yeux vers moi avec amour. Le voyant, je me prosternai devant Lui, saluant le terrible et très lumineux trône de Sa gloire. Il est impossible d'exprimer la joie qui me gagna en voyant Sa face. Aujourd'hui encore, lorsque je me remémore cette vision, je ressens une joie indicible. Tout tremblant, j'étais prosterné devant le Seigneur, m'étonnant de Sa si grande miséricorde. M'avoir permis, à moi l'impur et le pécheur, de me tenir devant Lui pour voir Sa beauté divine. A la pensée de mon indignité, je fus pétri de componction. Devant la grandeur de mon Seigneur, je répétai les paroles du Prophète Isaïe : Malheur à moi, Je suis perdu car je suis un homme aux lèvres impures et mes yeux ont vu le Roi, l’Eternel des armées (Isaïe6,5). J'entendis alors mon Créateur très miséricordieux me dire de Sa bouche très pure et très douce trois paroles divines qui apportèrent tant de douceur à mon cœur, qui attisèrent tant mon amour pour Lui que je fondis comme la cire sous cette chaleur spirituelle. En moi s'accomplirent les paroles de David : Mon cœur est comme de la cire, il se fond au milieu de mes entrailles (Ps.21,3). Les armées célestes entonnèrent ensuite un chant magnifique. Après cela, je me retrouvai sans savoir comment marchant dans le Paradis. La pensée me vint que je n'avais pas vu la Toute-Sainte Mère de Dieu. Un homme lumineux comme les nuées qui portait une croix me dit : Tu voulais voir la Très Sainte Reine des Puissances Célestes ? Aujourd'hui, Elle n'est pas ici. Elle est partie dans le monde misérable pour aider les hommes et consoler les affligés. J'aurais pu te montrer sa sainte demeure mais il n'est plus temps : tu dois retourner d'où tu es venu, ainsi l'a ordonné le Seigneur. Alors qu'il disait cela, j'eus l'impression de m'endormir profondément. En me réveillant, je me retrouvai à l'endroit même où j'étais auparavant ».
La vision de Saint André montre que le Paradis est la région céleste la plus proche de la terre, le premier ciel. Au-dessus de lui se trouvent d'autres cieux chantés par David le Pneumatophore, qui les appelle cieux des cieux (Ps.148,4). Dans les demeures célestes séjournent à présent pour leurs mérites les âmes des justes. Ils y retourneront avec leur corps après la Résurrection. Ceci aura lieu sur des nuées, à la rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur (1Thes.4,17). Sur eux se répétera ce qui advint à Adam, racheté et rendu au genre humain par le Sauveur, arraché à la terre et transporté au Paradis. Non seulement les âmes, mais les saints corps aussi, renouvelés et recréés par le Dieu-Homme, seront capables d'être conduits au ciel, comme le corps du premier homme.
La vision de Saint André et toutes les visions analogues appuient et éclairent les paroles de Saint Macaire le Grand citées plus haut : les anges et les âmes ont bien une forme et un aspect. L'aspect du corps et celui de l'âme sont tellement proches que Saint André ne comprenait pas s'il avait été ravi dans son corps ou hors de son corps. Citons ses propres paroles transmises par le prêtre Nicéphore dans le récit détaillé de sa vie : « Je me suis vu comme incorporel parce que je ne sentais pas mon corps ». Ensuite, le saint parle de son vêtement et énumère les membres du corps, puis il dit : « il semble que j'étais dans mon corps, mais je ne sentais pas mon poids ; je ne ressentais aucun besoin corporel pendant les deux semaines que le ravissement a duré. Cela me fait croire que j'étais hors du corps. Dieu, qui connaît les cœurs, sait tout cela avec certitude ». Le Saint a vu des anges à l'aspect humain et des jeunes gens lumineux avec qui il a parlé. L'ange qui le guidait lui a tendu le bras à plusieurs reprises. Les anges qui se tenaient devant le rideau avaient l'aspect de jeunes hommes de grande taille, terribles, brandissant une arme flamboyante. En parlant de ces anges, en détaillant leurs membres, leurs visages, leurs yeux, leurs mains, leurs pieds, le Saint s'est efforcé de décrire leur nature même, les qualifiant de corps incorporels. A notre époque, on utiliserait un mot comme gazéiformes... Saint André a perçu le lien entre la nature des demeures célestes et celle de leurs habitants incorporels. Cette nature est bien au-dessus de ce que peut imaginer un homme charnel, cloué à la terre, qui n'a été ni renouvelé ni éduqué par l'Esprit Saint, donc incapable de pénétrer les mystères du siècle à venir.
L'enfer, quant à lui, se trouve à l'intérieur de la terre. Les mots grecs (hadès) et (tartare) évoquent un endroit situé très bas, dans les profondeurs. Géhenne est un nom propre juif désignant un profond ravin situé près de Jérusalem.
Ayant décidé de bannir Adam du Paradis, Dieu exposa les châtiments terrestres que celui-ci aurait à subir jusqu'à son retour à la terre d'où il avait été tiré : Tu es poussière et tu retourneras à la poussière (Gen.3,19). Il n'est pas dit ici qu'il retournerait à la terre uniquement par le corps. La sentence prononcée contre celui qui a osé s'élever contre Dieu est plus terrible qu'il n'y parait au premier abord. La Sainte Eglise pense d'avantage à l'âme lorsqu'elle interprète cette sentence. L'homme entier, corps et âme, est condamné à être inhumé dans la terre. Cette sentence pèse très lourd sur l'âme puisqu'elle conserve des pensées et des sensations après la mort, alors que le corps trouve le repos dans une absolue insensibilité. Dans son homélie pascale, Saint Athanase le Grand dit : « La nature humaine, unie à la nature divine en la Personne du Sauveur, a fait trembler l'enfer. En rencontrant Celui qui venait lui ravir les morts, l'enfer s'écria : Pourquoi dénatures-Tu la décision que tu as prise toi-même au Paradis ? Pourquoi détruis-Tu la sentence prononcée contre la nature humaine et amplement justifiée? Je connais cet arrêt prononcé contre les hommes tu poussière et tu retourneras à la poussière ».
Les justes de l'Ancien Testament, comme le montrent clairement les Saintes Ecritures, placent toujours l'enfer dans les entrailles de la terre. C'est en pleurant que je descendrai vers mon fils au séjour des morts (Gen.37,35), dit le Saint Patriarche Jacob lorsqu'on lui annonce à tort la nouvelle de la mort de Joseph, son fils préféré. Et Job, le grand souffrant : Que je respire un peu, avant que j'aille, pour ne plus revenir, dans le pays des ténèbres et de l'ombre de la mort, pays d'une obscurité profonde, où règnent l'ombre de la mort et la confusion, et où la lumière est semblable aux ténèbres (Job10,20-22). Moïse, le Législateur inspiré par l'Esprit Saint, annonce ainsi la colère de Dieu contre Koré et ses complices : Si ces gens meurent comme tous les hommes meurent; s'ils subissent le sort commun à tous les hommes, ce n'est pas l'Eternel qui m'a envoyé ; mais si l'Eternel fait une chose inouïe, si la terre ouvre sa bouche pour les engloutir avec tout ce qui leur appartient, et qu'ils descendent vivants dans le séjour des morts, vous saurez alors que ces gens ont méprisé l'Eternel. Comme il achevait de prononcer ces paroles, la terre qui était sous eux se fendit. La terre ouvrit sa bouche et les engloutit, eux et leurs maisons, avec tous les gens de Koré et tous leurs biens. Ils descendirent vivants dans le séjour des morts, eux et tout ce qui leur appartenait ; la terre les recouvrit, et ils disparurent au milieu de l'assemblée (Nom.16,29-33). Le Prophète David chantait au Seigneur : Car Ta miséricorde est grande envers moi et Tu as retiré mon âme du plus profond de l'enfer (Ps.85,13). Lorsque l'âme du Saint Prophète Samuel fut invoquée par une magicienne sur l’ordre du roi d'Israël Saül qui souhaitait connaître l'issue de la bataille qu'il s'apprêtait à engager, la femme déclara : Je vois un dieu qui monte de la terre c'est un vieillard qui monte et il est enveloppé d'un manteau (1Sam.28,1314). Ailleurs, lé Prophète Isaïe dit à satan : Tu as été précipité dans le séjour des morts, dans les profondeurs de la fosse (Isaïe14,15). Le prophète Ezéchiel, parlant au Nom de Dieu, s'exprimé de la même façon sur l'ange déchu : Par le bruit de sa chute, j’ai fait trembler les nations quand Je l'ai précipité dans le séjour des morts, avec ceux qui descendent dans la fosse; tous les arbres d'Eden ont été consolés dans les profondeurs de la terre, les plus beaux et les meilleurs du Liban, tous arrosés par les eaux. Eux aussi sont descendus avec lui dans le séjour des morts, vers ceux qui ont péri par l'épée. Ils étaient à son bras et ils habitaient à son ombre parmi les nations. A qui ressembles-tu ainsi en gloire et en grandeur parmi les arbres d'Eden ? Tu seras précipité avec les arbres d'Eden dans les profondeurs de la terre. Tu seras couché au milieu des incirconcis, avec ceux qui ont péri par l'épée. Voilà Pharaon et toute sa multitude, dit le Seigneur, l‘Eternel (Ez.31,16-18). On observera que le Prophète appelle l'ange déchu pharaon, et qu'il le compare à l'arbre d'Eden ; les autres anges, entraînés dans la perdition par leur chef, sont aussi comparés aux arbres d'Eden, eu égard à leur état d'avant la chute.
Le Nouveau Testament situe l'enfer au même endroit. Annonçant Sa descente aux enfers, par Son âme et dans Sa divinité inséparable de cette dernière, le Dieu-Homme dit : Le Fils de l'Homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre (Mt.12,40). Le bienheureux Théophylacte de Bulgarie commente ce passage en disant que le Seigneur a accompli cette prophétie en descendant dans les profondeurs de la terre jusqu'à l'enfer. Selon les paroles de l'Apôtre Pierre, Il est allé prêcher aux esprits en prison (1Pi.3,19). Saint Jean Damascène dit : « L'âme déifiée du Christ est descendue en enfer pour que la lumière brille sur ceux qui, sous la terre, reposent dans les ténèbres et l'ombre de la mort, de la même façon que le Soleil de Justice s'était levé sur ceux de la terre » (La Foi Orthodoxe, Livre III, ch. XXIX).
Dans le XIVème enseignement catéchétique de Saint Cyrille de Jérusalem, nous lisons : « Dans Son Evangile, Notre Seigneur Jésus-Christ a dit : de même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre d'une baleine, le Fils de l'homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre (Mt.12,40). Le récit concernant Jonas est très proche de ce que l'Evangile dit de Jésus : en effet, tous deux furent envoyés pour prêcher le repentir. Mais par la suite, les récits divergent : Jonas fuit devant l'avenir incertain alors que Jésus resta prêcher un repentir salutaire; Jonas fut précipité involontairement dans le ventre de la baleine alors que Jésus entra de son plein gré dans la baleine spirituelle pour que la mort rejette ceux qu'elle avait engloutis. Ainsi fut accomplie l'Ecriture : Je les rachèterai de la puissance du séjour dès morts, Je les délivrerai de la mort (Osée13,14). Dans les entrailles de la baleine, Jonas priait en disant : Dans ma détresse, j'ai invoqué l'Eternel et Il m'a exaucé, du sein du séjour des morts, j'ai crié et Tu as entendu ma voix (Jonas2,3). Bien qu'enfermé dans la baleine, il se disait en enfer et préfigurait le Christ qui devait y descendre après lui. Un peu plus loin la prophétie est encore plus claire : je suis descendu jusqu'aux racines des montagnes, les barres de la terre m'enfermaient pour toujours (Jonas2,7). S'il se trouvait dans le ventre de la baleine, où pouvaient être les montagnes ? Il voyait donc clairement qu'il préfigurait Celui qui allait être déposé dans un tombeau taillé dans la pierre. Alors qu'il était en mer, Jonas portait l'image du Christ descendu dans les profondeurs de la terre .
Dans son homélie sur le Samedi Saint, Saint Epiphane de Chypre décrit à son tour le salut des hommes par le Dieu-Homme. Citons-en quelques passages : « Pourquoi un tel silence sur la terre ? Que signifient ce calme et ce grand silence ? Ce grand silence, c'est celui du Roi plongé dans le sommeil. La terre est saisie de crainte et se tait car Dieu s'est endormi dans Sa chair. Dieu s'est endormi dans Sa chair et l'enfer prend peur. Dieu s'endort pour un moment et ressuscite ceux qui dormaient de toute antiquité, depuis Adam. A présent, c'est le salut pour ceux qui sont sur la terre et pour ceux qui, depuis toujours, sont sous la terre: A présent, c'est le salut du monde entier, visible et invisible. A présent, nous assistons à une double venue du Christ, une double visite pour les hommes, une double providence : Dieu vient du ciel sur la terre et Il va de la terre sous la terre. Les portés de l'enfer s'ouvrent : vous qui dormez depuis toujours, réjouissez-vous ! Vous qui êtes dans les ténèbres et à l'ombre de la mort, recevez la grande lumière ! Le Seigneur est avec les esclaves, Dieu est avec les morts, la Lumière sans déclin est avec ceux qui sont dans les ténèbres, le Libérateur est avec les captifs, Celui qui est plus haut que le ciel est avec ceux qui sont dans les profondeurs de la terre. Le Christ est parmi les morts : descendons avec Lui pour connaître les secrets de ce lieu, Pour comprendre le mystère de Dieu sous la terre et Ses miracles, pour écouter la bonne nouvelle qu'Il apporte à ceux qui sont en enfer et ce qu'Il ordonne avec autorité à ceux qui sont dans les liens. Sortez, dit-Il, vous qui êtes dans les ténèbres, et soyez éclairés ! Sortez et levez-vous, vous qui êtes couchés et à toi, Adam, Je te l'ordonne : lève-toi, toi qui dors ! Ce n'est pas pour que tu restes lié à l'enfer que Je t'ai créé. Ressuscite d'entre les morts ! Je suis la Vie des hommes et la Résurrection ! Pour toi, ton Dieu s'est fait ton fils ; pour toi, Moi ton Seigneur, J'ai pris l'aspect d'un esclave ; pour toi, Moi qui suis plus haut que les cieux, Je suis venu sur la terre et sous la terre. Lève-toi et sors d'ici ! Levez-vous et quittez ce lieu ! Quittez les ténèbres pour la lumière éternelle, les souffrances pour l'allégresse ! L'esclavage pour la liberté ! La prison pour la Jérusalem céleste, les liens pour Dieu, les profondeurs de la terre pour le ciel ! »
Lors de la célébration solennelle du samedi Saint, l'Eglise chante le salut opéré par le Dieu-Homme qui a souffert pour nous, qui a vaincu la mort par Sa mort, qui a détruit les portes de l'enfer et ressuscité l'humanité en Lui et par Lui. Les textes liturgiques de ces offices expriment comme un fait entendu des vérités concernant la localisation de l'enfer et du Paradis. Après les six psaumes des matines, on chante deux tropaires émouvants et d'une grande poésie, qui décrivent la mise au tombeau du Seigneur et Sa descente aux enfers : « Le noble Joseph descendit du bois Ton Corps très pur, l'enveloppa d'un linceul immaculé et le déposa, couvert d'aromates, dans un sépulcre neuf» ; « Lorsque Tu descendis dans la mort, ô Vie Immortelle, l'enfer fut mis à mort par l'éclat de Ta divinité. Lorsque Tu fis sortir les morts des abîmes, les puissances célestes clamèrent : Christ notre Dieu, Donateur de vie, gloire à Toi ! ». Après cela tous les célébrants (et dans les monastères toute la communauté) se rendent au milieu de l'église avec des cierges allumés, se placent devant l'Epitaphion, et commencent à lire à haute voix les louanges au Seigneur intercalées entre les versets du psaume 118. Nous rapportons ci-dessous certaines de ces louanges concernant l'enfer.
- Comme au soir se couche l'astre radieux, Tu caches Ton éclat sous la terre, ô Christ, pour arracher les morts à leur profond sommeil, dans les enfers dont Tu dissipes les ténèbres (86).
- Celui qui tient la terre dans le creux de Sa main est retenu sous la terre par Son corps, libérant les morts de l'emprise de l'enfer (17). - Tu es descendu sur terre pour chercher Adam que Tu voulais sauver : mais, comme Tu ne le trouvais pas sur terre, ô Maître, Tu es allé le chercher jusqu'en enfer (25).
- Quelle douceur et quelle joie donne Ta venue à ceux qui résident en enfer, quand Ta clarté dissipe les ténèbres (48).
- Ayant déposé Ta vie librement, Tu descends sous terre, ô Sauveur, rendant la vie à tout le genre humain, pour le ramener glorieusement au Père (53).
- Ayant écouté la voix du Père, ô Verbe, Tu es descendu jusqu'au fond du sombre enfer et Tu as ressuscité tout le genre humain (59). - Bien que l'homme soit l'ouvrage de Tes mains, Tu t'incarnes et Tu descends dans le tombeau pour y relever les héritiers d'Adam, les ressuscitant par la force de Ton bras (80).
- Lorsque Dieu se promena au Paradis, Adam eut peur, mais lorsqu'il Le vit venir aux enfers, il accueillit avec joie sa délivrance (88).
- Tout en venant assumer notre humanité, Tu es demeuré dans le sein du Père, ô Christ, et Tu es descendu aux enfers (117).
- Lève-Toi, ô Dieu compatissant, fais-nous sortir du gouffre de l'enfer en nous ressuscitant (166).
- Lorsque Tu descends sous terre, ô Jésus, après avoir librement déposé Ta vie, les mortels obtiennent le pardon de leur faute ; Tu les reconduis de la terre aux cieux (46).
- Même si on T'a vu mort, ô Jésus, tu es vivant comme Dieu, et Tu reconduis de la terre aux cieux ceux qui en étaient tombés (47).
Dans les deux derniers passages cités, l'Eglise annonce publiquement et ouvertement où se trouvent l'enfer et le Paradis. Les hommes, en la personne de leurs ancêtres, furent précipités du Paradis sur la terre. Le Paradis se trouve donc bien au ciel. Dans le canon des matines du Samedi Saint, on chante : « Pour que tout l'univers fut rempli de Ta gloire, Tu descendis au plus profond de la terre » (Odel,Trop.3). Plus loin, d'autres choses sont précisées : le Seigneur se montra aux habitants de l'enfer, Il s'unit à eux, l'enfer fut rempli d'amertume à Sa venue, Son âme ne resta pas aux enfers, l'enfer se lamenta et fut frappé en plein cœur en recevant Celui dont le côté fut blessé. Le synaxaire du Samedi Saint indique que l'on fête ce jour l'ensevelissement du Seigneur et Sa descente aux enfers, descente opérée dans Son âme incorruptible séparée du corps par la mort. L'expression « aux enfers » désigne dans tout l'office un profond abîme situé au beau milieu de la terre.
L'office de la Sainte Pâque localise l'enfer et le Paradis aux mêmes endroits. A la sixième ode du canon, nous lisons : « Au plus profond de la terre Tu es descendu, Tu as brisé les verrous qui nous retenaient captifs ». Le synaxaire indique : « Ce jour, après avoir délivré la nature humaine des dépôts de l'enfer, le Seigneur l'a reconduite au ciel et a rétabli son ancien avoir d'incorruptibilité. Toutefois, Il n'a pas ressuscité tous ceux qu'Il a trouvés en enfer, mais ceux qui ont bien voulu croire en Lui. Il a délivré et reconduit au ciel les âmes des Saints retenus de force en enfer depuis les débuts de la création ».
L'ancien avoir, c'est-à-dire le Paradis, se trouve bien au ciel, comme en témoignent les versets suivants : « Par Ta Résurrection, Seigneur, le Paradis s'est ouvert de nouveau » (2ème stichère du lundi soir de la Semaine Lumineuse) et « Tu as rétabli pour nous la montée au ciel » (ler verset 'du mardi soir de la Semaine lumineuse).
Les offices divins de l'Eglise Orthodoxe placent tous l'enfer au centre de la terre. Ceci est connu de tous et accepté par tout le monde, si bien qu'on a rarement éprouvé le besoin d'en donner une définition précise. C'est sans doute le meilleur témoignage rendu à cette vérité. L'Eglise chante par exemple : « Le voile se déchira quand Tu fus crucifié, ô Sauveur, et la mort rejeta tous les morts qu'elle avait engloutis. L'Hadès fut mis à nu lorsqu'il vit Ta descente au plus profond de l'enfer » (matines de la 4ème semaine après Pâque) et aussi : « Lorsque Tu entras dans le sein de la terre avec ton âme, ô Sauveur, l'enfer s'empressa de relâcher les âmes qu'il avait capturées. Elles chantèrent alors une hymne d'action de grâce à Ta puissance » (matines de la 4ème semaine après Pâque). Et ailleurs : « Toi qui es descendu au plus profond de la terre et qui as sauvé l'homme en l'élevant par Ton Ascension, nous Te louons » (9ème ode du canon de l'Ascension) ; « Trompé par le serpent, Adam fut précipité dans le gouffre de l'enfer, mais Toi, ô Dieu compatissant, Tu descendis le chercher et Tu le portas ressuscité sur Tes épaules » .(2ème trop., 6ème ode des matines d'un des dimanches après Pâque ) ; « Quand Tu parvins devant les portes de l'enfer, Seigneur, Tu les brisas, et celui qui s'y trouvait prisonnier S'écria : quel est Celui-ci ? Au souterrain séjour Il n'est pas condamné, mais Il a brisé la prison de la mort comme une ombre » (laudes des matines dominicales du 8ème ton) ; « En ce jour, l'Hadès et la mort tremblent devant l'Un de la Trinité. La terre chancelle, et les portiers de l’enfer sont saisis de frayeur à Ta vue » (Ikos des matines dominicales du 7ème ton) ; « Comme Jonas qui jadis atteignit les profondeurs de la mer et passa trois jours dans les entrailles du monstre marin, je T'appelle-moi aussi : fais-moi sortir de l'enfer souterrain, ô mon Sauveur ! » (6ème ode des matines dominicales du ton 2) ; « Que je n'aille pas au pays des lamentations et que je ne voie pas le lieu des ténèbres, ô Christ et Verbe de Dieu ! » (4ème ode des matines du dimanche de Carnaval) ; « Il n'y a pas de repentir en enfer, et l'indulgence n'y trouve pas de place ; le ver n'y dort pas, la terre y est obscure et tout assombrie » (Enterrement des prêtres).
Saint Jean Climaque recommande à l'athlète de la piété de se souvenir en permanence de l'infinie profondeur des fournaises infernales, des terribles abîmes souterrains, des passages étroits, afin que son âme soit arrachée par de tels souvenirs à la volupté qu'elle a faite sienne (L'Echelle, degré 7).
Saint Athanase le Grand, Saint Basile le Grand, Saint Cyrille d'Alexandrie et beaucoup d'autres pères localisent l'enfer dans les entrailles de la terre : c'est là l'enseignement de l'Eglise Orthodoxe.
Notre compatriote Saint Dimitri de Rostov dit : « Au terrible Jugement Dernier, le Christ notre Dieu dira aux pécheurs : Retirez-vous de Moi maudits, allez dans le feu éternel ! A ce moment-là, la terre s'ouvrira, comme elle s'ouvrit sous Koré, Dathan et Abiron au temps de Moïse. Les pécheurs tomberont en enfer, et la terre se refermera sur eux. Ils seront enfermés dans l'enfer souterrain comme dans un vase de fer, et ne pourront en sortir jusqu'à la fin des siècles » (Enseignement sur l'entrée à Jérusalem de notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus-Christ).
Saint Jean Chrysostome dit : « Tu demandes à quel endroit sera la géhenne? Je suppose qu'elle sera en dehors de ce monde-ci. De même que les rois tiennent leurs prisons et leurs mines à l'écart, la géhenne se tiendra en dehors de ce monde. Ne cherchons pas où elle se trouve mais plutôt les moyens de l'éviter » (Commentaire sur l'Epître aux Romains). Cette citation de Saint Jean Chrysostome ne contredit en rien le fait de voir l'enfer au milieu de la terre, au contraire. Quel moyen plus commode de le dissimuler au regard des hommes que de l'enterrer dans les profondeurs de la terre ? Par ailleurs, Luc (16,22) se lit dans certaines éditions grecques de la façon suivante : le riche mourut aussi et fut enterré en enfer, exprimant le fait qu'il descendit en enfer par son âme. C'est d'ailleurs ainsi que le bienheureux Théophylacte commente le passage. Ce que Saint Jean Chrysostome rejette dans la question qui lui a été posée, c'est la curiosité. Il ne repousse pas la réflexion sur l'enfer ! On peut même dire qu'il l'encourage, puisqu'elle conduit à la crainte de Dieu et à l'éloignement du mal ! Aussi nous incite-t-il à nous y adonner en permanence, à garder toujours sous les yeux la géhenne de feu qui attend les pécheurs. Dans les siècles qui ont suivi Saint Jean Chrysostome, l'Eglise a exprimé avec précision la doctrine de l'enfer ; elle l'a exposée ouvertement dans les textes et les chants liturgiques.
Dans les premiers temps du Christianisme, sous le règne de Julien l'Apostat, le zèle aveugle déployé par les païens pour maintenir l'idolâtrie faisait couler à flots le sang innocent des chrétiens. C'est à cette époque que Saint Patrice, évêque de la ville de Prousse, chef-lieu, de la Bithynie, fut martyrisé et exécuté (19 mai 343). Le gouverneur de cette ville (qui fut aussi le bourreau du saint évêque) avait l'habitude de prendre des bains dans les sources chaudes et médicinales situées près de la ville. Le tremblement de terre qui détruisit la Prousse en 1854 détruisit aussi ces sources, si l'on en croit les journaux de l'époque. C'est près de ces sources que le saint évêque fut interrogé et mis à mort. Comme le gouverneur attribuait aux idoles qu'il adorait les vertus curatives des eaux; Saint Patrice lui tint le discours suivant: « Eblouissant gouverneur ! Tu veux savoir la vérité sur l'origine de ces eaux, leur cheminement et leur chaleur : je peux te la dévoiler, si tu m'écoutes avec patience ! L'esprit de celui qui confesse le saint Christianisme pour adorer le seul vrai Dieu s'ouvre à la compréhension des mystères divins ! Moi-même, pécheur que je suis et pourtant serviteur du Christ, je connais la vérité sur ces eaux !
Le Créateur savait que les hommes qu'Il allait créer L'irriteraient en refusant l'adoration qui Lui est due, et qu'ils fabriqueraient des idoles inanimées pour les adorer. Aussi prépara-t-Il deux lieux pour transférer les hommes à la fin de leur vie terrestre. Il para le premier d'une lumière éternelle et le dota de biens abondants et ineffables ; Il réserva au second des ténèbres impénétrables, un feu inextinguible et des châtiments sans fin. Il destina le premier endroit à ceux qui s'efforcent de Lui être agréables en accomplissant Ses commandements, et le second à ceux qui irritent leur Créateur par une vie mauvaise, se rendant passible du châtiment. Ceux qui sont dignes d'habiter les lieux clairs y vivront pour toujours dans une joie incessante et éternelle ; les autres seront précipités dans les lieux obscurs pour Connaître les tortures éternelles. Après avoir créé séparément le feu et l'eau, la lumière et les ténèbres, le Créateur leur assigna des lieux précis. On trouve le feu et l'eau au-dessus de la voûte céleste aussi bien que sous la terre. L'eau de la surface de la terre s'appelle mer, et l'eau souterraine abîme. Pour les besoins des hommes et des animaux qui peuplent la terre, les eaux jaillissent de ces abîmes par des sortes de tuyaux de conduite, constituant des sources, des puits et des rivières. Celles qui côtoient le feu souterrain sortent chaudes, et les autres gardent leur fraîcheur naturelle. A certains endroits, les eaux abyssales se transforment en glace. Le feu souterrain est destiné à la souffrance des âmes impies. L'eau souterraine qui s'est transformée en glace s'appelle tartare (Je crains. le tartare car il ne participe pas à la chaleur, dit Saint Cyrille d'Alexandrie). Vos dieux et leurs adorateurs sont soumis aux souffrances éternelles dans le tartare, et, comme l'a chanté un de vos poètes, les confins de la terre et de la mer ne sont rien d'autre que les ultimes limites où Iapet et Saturne ne se réjouissent ni des rayons du soleil, ni de la fraîcheur des vents. Cela signifie que le soleil ne réchauffe ni n'éclaire vos dieux prisonniers du tartare, pas plus que le vent ne rafraîchit ceux qui sont jetés au feu. Le tartare est plus profond que tous les gouffres souterrains. Pour se convaincre de l'existence du feu souterrain destiné aux impies, il suffit d'aller voir en Sicile le feu qui sort des profondeurs de la terre ».
Sainte Théodora, mentionnée plus haut, fut conduite dans les profondeurs de la terre pour y voir les terribles et insoutenables souffrances infernales destinées aux pécheurs, après sa visite des demeures du Paradis. .
Jadis, le soldat carthaginois Taxiote passait sa vie dans le péché. Lorsque survint une épidémie de peste, il se repentit à la vue de la multitude des mourants et partit s'installer en dehors de la ville. Il commit cependant l'adultère avec la femme du laboureur chez qui il logeait. Peu après, il fut Mordu par un serpent et mourut sans avoir eu le temps de se repentir. On l'enterra dans le monastère voisin et son âme fut capturée par les démons lors de l'épreuve de l'adultère. Ils l'entraînèrent sous la terre, qui s'ouvrit à son passage, et la conduisirent par des appontements étroits et nauséabonds jusqu'aux prisons de l'enfer où les pécheurs sont enfermés dans les ténèbres et les souffrances éternelles. Il ressuscita six heures après son enterrement et eut beaucoup de peine à revenir à lui. Fondant en larmes, il raconta à l'archevêque de Carthage, Taraise, tout ce qui était advenu après sa mort.

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