samedi 10 octobre 2009

DORMITION DE LA MERE DE DIEU


LA DORMITION DE NOTRE TOUTE-SAINTE SOUVERAINE, MÈRE DE DIEU,

ET TOUJOURS-VIERGE MARIE

(Saint Dimitri de Rostov)



Après l’accomplissement de tous les mystères de notre Rédemption et l’Ascension du Christ, la toute-sainte et toute-bénie Vierge Marie, Mère de Dieu, vécut encore plusieurs années au sein de l’Eglise des premiers temps. Elle se réjouit de son extension dans tout l’univers et vit la gloire de son Fils et de son Dieu répandue partout. Elle assista de son vivant à l’accomplissement des paroles qui prédisaient que toutes les générations la diraient bienheureuse : en effet, le Christ Dieu fut glorifié partout et Sa Mère toute-pure avec Lui. Enfin, elle s’approcha de sa bienheureuse et toute sainte Dormition, chargée d’années, aspirant à quitter son corps pour aller vers Dieu. Elle était depuis toujours embrasée du divin désir de voir la Face très-douce et tant espérée de son Fils, qui siège au ciel à la droite du Père. Consumée bien plus encore que les Séraphins par la flamme de son amour, déversant de ses yeux très saints les torrents de ses pleurs, elle priait avec ferveur le Seigneur de la prendre avec Lui, de l’ôter à cette vallée des larmes, et de la conduire vers les éternelles et célestes réjouissances. Depuis Sion, où elle habitait la demeure de Saint Jean le Théologien, elle allait souvent gravir le Mont des Oliviers d’où le Christ, son Fils et son Seigneur, s’était élevé vers le ciel. Là, elle répandait ses ferventes suppliques.

Un jour qu’elle priait, demandant à être libérée de ce corps pour rejoindre le Christ-Dieu, le Saint Archange Gabriel s’avança, lui qui la servait depuis l’enfance, lui qui l’avait jadis nourrie dans le Saint des Saints, lui qui avait été le messager de l’Incarnation de Dieu, lui qui la gardait sans trêve tous les jours de sa vie. Approchant son visage lumineux, il annonça à la Vierge l’arrivée de la mort, qui devait venir le troisième jour. En prévenant la Toute-Pure de l’heure de sa fin, il s’empressait de la rassurer pour qu’elle n’en fût pas troublée. Aussi se réjouit-elle à l’idée de passer dans la vie éternelle et d’habiter pour toujours auprès de l’immortel Roi de gloire. De la bouche de Gabriel, elle entendit : « Ton fils notre Dieu attend avec les Anges et les Archanges, les Chérubins, les Séraphins, les Esprits célestes et les âmes des justes, pour te prendre, toi Sa Mère, dans Son Royaume Céleste, afin que tu vives et règnes avec Lui dans les siècles des siècles ! »

En raison de la victoire du Christ, la mort n’allait pas posséder le corps endormi de celle dont elle n’avait pas su posséder l’âme. La Toute-Pure allait s’assoupir pour un court moment, et se relever, comme d’un songe, pour secouer l’engourdissement du tombeau, comme on chasse la somnolence de ses yeux. Elle allait goûter la vie éternelle et la gloire, dans la lumière de la face du Seigneur. Elle allait passer au son des voix joyeuses.

Comme gage de ses promesses, le Messager de la bonne nouvelle offrit à la Toute-Pure un sceptre royal du Paradis, une branche de dattier luisante de la grâce céleste, afin qu’elle fût portée devant sa couche, quand son corps très saint et très pur serait conduit vers l’ensevelissement.

Ô, quelle ineffable allégresse gagna la Vierge toute-bénie ! Quelle joie d’être aux cieux avec son Fils et son Dieu, pour jouir toujours de la vision de la Face si chère ! S’inclinant jusqu’à terre, Elle rendit grâce à son Créateur, et dit : « Je n’eusse pas été digne de Te recevoir dans mon sein, Seigneur, si Toi-même ne m’en avais fait la grâce, à moi, Ta servante. J’ai conservé le trésor qui m’a été confié ; c’est pourquoi, ô Roi de gloire, je Te demande de veiller à ce que la géhenne ne me cause aucun tort ! Les cieux et les anges tremblent chaque jour devant Toi, et combien plus l’homme modelé de la terre, qui n’a que ce qu’il reçoit de la bonté de son Seigneur et son Dieu, Lui qui est béni dans les siècles des siècles ! »

La toute-pure Souveraine désirait fortement revoir au moment de sa mort les Saints Apôtres qui s’étaient dispersés dans tout l’univers. Elle pria le Seigneur qu’il en fût ainsi. Elle pria également pour ne pas voir à l’heure du départ le Prince des ténèbres et son épouvantable meute, mais plutôt son Fils et son Dieu escorté des Saints Anges, afin qu’Il prît son âme dans Ses saintes mains, comme Il le lui avait promis. Agenouillée sur le Mont des Oliviers, elle adressait suppliques et actions de grâce, inclinée devant son Dieu et son Créateur. Et voici qu’il y eut un signe miraculeux : les oliviers inanimés se courbèrent jusqu’à terre comme des humains, inclinant leur cime pour manifester leur soumission et leur vénération à la Mère de Dieu. Et voici qu’à chaque prosternation de la Toute-Sainte, les arbres l’accompagnaient.

De retour chez elle, il advint que tout se mit à trembler sous l’effet des forces divines qui l’entouraient invisiblement, et de la très sainte gloire qui émanait de sa personne. Bien sûr son très saint visage luisait toujours sous l’effet de la grâce, plus que celui de Moïse au Sinaï quand il parlait avec Dieu. Là pourtant, il s’illumina d’une gloire indicible.

La Toute-Pure entreprit de préparer son départ. Elle commença par annoncer la nouvelle à Jean, le Disciple bien aimé, qu’elle avait adopté. Elle lui montra le sceptre lumineux de l’ange et lui recommanda de le porter devant sa couche mortuaire. Elle avertit de son départ imminent tous ceux qui servaient dans sa maison. Elle prépara la chambre et la couche, déposa du parfum dans les encensoirs, alluma de nombreux cierges. Elle s’occupa de tout ce qui était nécessaire à l’ensevelissement. Jean envoya sans tarder un message à Saint Jacques, frère du Seigneur et premier Evêque de Jérusalem, ainsi qu’aux parents et aux proches, afin d’annoncer l’imminent départ de la Mère de Dieu et la date de la mort. A son tour, Saint Jacques avertit les fidèles de Jérusalem et des villages environnants.

La Toute-Sainte Souveraine fit alors ouvertement connaître les paroles du Saint Archange, le Messager de la bonne nouvelle, et montra la branche de dattier du divin Paradis, qui brillait de la gloire céleste comme un rayon de lumière. Tous ceux qui s’étaient rassemblés autour de la Mère de Dieu se mirent à pleurer en entendant sa bouche toute-sainte parler de sa mort, de sorte que la maison fut remplie de cris, de pleurs, et de sanglots. Tous prièrent leur très miséricordieuse Souveraine et Mère de ne pas les laisser orphelins. Mais elle leur intima de ne pas pleurer et de se réjouir de sa mort. Elle allait en effet se tenir tout près du trône de Dieu, Le voir face à face, et Lui parler toujours, sans intermédiaire. Elle allait pouvoir plus facilement intercéder pour tous, et adoucir encore Celui dont la bonté était déjà si miséricordieuse. Elle promit à ceux qui pleuraient de ne pas les laisser orphelins. Elle s’engagea à les visiter après sa mort, et avec eux le monde entier, et d’apporter son aide à ceux qui se trouvent dans le malheur. Ces paroles pleines de consolation ôtèrent la tristesse des coeurs, séchèrent les larmes, et apaisèrent les sanglots.

Elle légua ses deux tuniques à deux pauvres veuves qui la servaient depuis toujours avec amour et zèle, et recevaient d’elle leur subsistance. Elle voulut qu’on ensevelît son saint corps à Gethsémani, au pied du Mont des Oliviers, non loin de Jérusalem. Là se trouvaient les sépultures de ses parents, saints Joachim et Anne, ainsi que celle du juste Joseph, le divin fiancé, tout près de la vallée de Jehoshaphat [contraction de Jéhovah shaphot, qui signifie Dieu juge. C’est la vallée du Cédron où se tiendra le Jugement Dernier] qui sépare Jérusalem du Mont des Oliviers et sert de lieu de sépulture à tous les pauvres de la ville.

Comme elle donnait ses directives, il y eut un grand bruit, comme un fort coup de tonnerre. Des nuages s’amoncelèrent autour de la maison. Sur un ordre de Dieu, les Anges venaient de ravir les Saints Apôtres aux confins de l’univers pour les conduire à Jérusalem sur ces nuées, jusqu’au Mont Sion, devant les portes de la maison de la Toute-Sainte Mère de Dieu. S’apercevant les uns les autres, ils se réjouirent, se demandant pour quelle raison le Seigneur les avaient réunis. Alors Saint Jean le Théologien sortit à leur rencontre, les embrassa, versa des larmes de joie, et leur annonça que le moment du départ de la Toute-Sainte était proche. Les Saints Apôtres comprirent que le Seigneur les avait rassemblés à Jérusalem depuis les extrémités de la terre pour assister à la mort de Sa Mère très pure et ensevelir dignement son corps très saint. Une grande tristesse s’abattit sur eux à l’idée de cette séparation.

Ils pénétrèrent dans la maison, trouvèrent la Mère de Dieu assise sur sa couche, débordante d’allégresse spirituelle, et l’embrassèrent.

- Tu es bénie par le Seigneur Qui créa la terre et le ciel !

- Paix à vous, frères élus du Seigneur ! Comment êtes-vous venus ici ?

Ils racontèrent comment l’Esprit de Dieu les avaient ravis et conduits sur des nuages. La Toute-Pure glorifia Dieu d’avoir écouté sa prière. Le Seigneur avait donc réalisé son désir de revoir les Saints Apôtres avant sa mort !

- Le Seigneur vous a conduits ici pour la consolation de mon âme, qui doit quitter ce corps selon la loi de la nature déchue. L’instant arrêté par mon Créateur s’est approché.

- Ô notre Souveraine ! Tant que tu demeurais dans le monde, nous nous réjouissions comme si nous avions devant nos yeux notre Seigneur et Maître. A présent, comment nos coeurs attristés supporteront-ils le chagrin d’être privés de ta présence parmi nous sur la terre? Mais puisque par la volonté du Christ Dieu que tu as enfanté tu vas partir pour le ciel, nous nous réjouissons de Son dessein à ton sujet. Mais nous nous attristons de rester orphelins, car nous ne te reverrons plus, Toi notre Mère et notre Consolatrice !

Et les Saints Apôtres fondirent en larmes.

- Ne pleurez pas, disciples amis du Christ ! Ne troublez pas ma joie par vos larmes ! Réjouissez-vous plutôt avec moi ! Je pars vers mon Fils et mon Dieu... Vous prendrez mon corps tel que je l’ai disposé sur cette couche, vous l’emporterez à Gethsémani, vous l’ensevelirez selon la loi de la nature, puis vous vous remettrez de nouveau au service de la Parole, comme il convient. Et si c’est la volonté du Seigneur, vous pourrez me revoir après mon départ.

Pendant cette conversation, le divin Paul, le Vase d’élection, arriva à son tour. Il salua la Mère de Dieu, et tomba à ses pieds. Ouvrant la bouche, il déversa devant elle les torrents de ses louanges.

- Réjouis-toi, Mère de la Vie et Objet de ma prédication ! Je n’ai pas joui de la vue du Christ mon Seigneur avant Son Ascension, mais il me semble Le voir en Te regardant !

Aux côtés de Saint Paul se tenaient ses disciples Saint Denis l’Aréopagite, l’admirable Hiérothée, Timothée, et d’autres Apôtres du groupe des Soixante-Dix. L’Esprit Saint les avait jugés dignes de recevoir l’ultime bénédiction de Marie, la Vierge toute-bénie, et de procéder à ses funérailles dans une plénitude d’honneur. Les appelant chacun par leur nom, elle les bénit, louant leur foi et le labeur qu’ils déployaient pour prêcher le Christ. Elle souhaita à chacun la béatitude éternelle et pria Dieu pour qu’Il protège le monde et lui accorde la paix.

Le quinzième jour du mois d’août arriva, et avec lui la troisième heure du jour. C’était le moment prévu pour la mort de la toute-sainte Mère de Dieu. Les Saints Apôtres allumaient de nombreux cierges, en glorifiant le Seigneur. La Vierge toute-pure était étendue sur sa couche, parée pour l’occasion, prête pour le bienheureux départ. Elle attendait l’arrivée tant désirée de son Fils et Seigneur.

Soudain, la demeure fut embrasée de la lumière ineffable de la gloire divine, qui assombrit la clarté des cierges. Les disciples s’effrayèrent de cette splendeur descendant du ciel. Et voici que le Christ s’avança, le Roi de Gloire, entouré d’une foule innombrable d’Anges, d’Archanges, de Puissances Célestes, d’âmes de Justes, saints Ancêtres, et Prophètes, qui jadis avaient parlé de la Toute-Sainte Vierge. Le Seigneur s’approcha de Sa Mère. Voyant son Fils, la Toute-Pure Lui adressa ce chant coutumier :

- Mon âme magnifie le Seigneur, et mon esprit se réjouit en Dieu mon Sauveur, car Il a jeté les yeux sur l’humilité de Sa servante !

Se relevant de sa couche, elle alla promptement à la rencontre de son Seigneur et s’inclina devant Lui. Il la regarda de Ses yeux aimants et dit :

- Viens, ma toute-proche ! Viens, ma colombe ! Viens, ma perle de grand prix ! Entre dans la demeure de la vie éternelle !

S’inclinant de nouveau, elle répondit :

- Béni est Ton Nom de gloire, Seigneur mon Dieu ! Tu as bien voulu me choisir, moi Ton humble servante, pour accomplir le Mystère ! Souviens-Toi de moi dans Ton Royaume éternel, ô Roi de Gloire ! Tu sais combien je T’ai aimé de tout mon coeur. J’ai conservé le trésor que Tu m’avais confié. A présent, reçois mon âme dans la paix, et protège-la du monde des ténèbres ! Qu’elle n’ait pas à redouter les attaques de Satan !

Le Seigneur la rassura de Ses douces paroles, l’enjoignit de pas craindre la puissance de Satan qu’Il avait piétiné, et l’invita à monter hardiment de la terre vers le ciel. Elle répondit joyeusement :

- Mon coeur est prêt, ô Dieu, mon coeur est prêt !

Puis, pour la seconde fois, elle dit : « Qu’il me soit fait selon Ta parole ! » Ensuite elle s’allongea sur sa couche, et se réjouit beaucoup de voir la Face lumineuse de son Fils, notre Seigneur bien-aimé. Brûlant d’amour et de joie spirituelle, elle remit son âme entre Ses mains, sans souffrance, comme en sombrant dans un très doux sommeil. Celui qu’elle avait engendré sans corruption et enfanté sans douleurs prit tendrement son âme très sainte, et ne permit pas à son corps de voir la corruption.

Aussitôt retentit joyeusement le chant si doux des Anges, qui reprenait souvent les paroles de Gabriel : « Réjouis-Toi, pleine de grâce, le Seigneur est avec Toi, tu es bénie entre toutes les femmes ! » Solennellement accompagnée de tous les ordres célestes, l’âme très sainte fut conduite au ciel dans les mains du Seigneur.

Les yeux des Apôtres furent dignes de cette divine vision, eux qui jadis avaient contemplé avec attendrissement l’Ascension du Seigneur sur le Mont des Oliviers. Après le premier effroi, les disciples s’inclinèrent devant le Seigneur qui enlevait au ciel l’âme de Sa Mère. Entourant la couche et versant des larmes, ils virent le visage de Marie la Toute-Sainte rayonner comme le soleil. Le corps très pur exhalait un indicible parfum surpassant toutes les senteurs de ce monde. Ce parfum, aucune langue humaine ne saurait le décrire. Tous embrassèrent le saint corps avec crainte et révérence, le vénérant avec honneur, se sanctifiant à son contact, et percevant dans le coeur l’ineffable joie spirituelle qui émanait de la toute-sainte Mère de Dieu. Au seul contact de la Toute-Pure, les malades recouvraient la santé, les yeux des aveugles s’éclairaient, les oreilles des sourds s’ouvraient, les pieds des boiteux s’affermissaient, les esprits impurs s’enfuyaient, et tout mal disparaissait.

Après tous ces événements merveilleux, on mit en branle le cortège qui devait conduire au tombeau le corps de Marie, si agréable à Dieu. Tout d’abord, Saint Pierre, Saint Paul et Saint Jacques, suivis des autres Coryphées, soulevèrent la couche sur leurs épaules. En tête, Saint Jean le Théologien portait le sceptre rayonnant et royal. Le reste de l’assemblée marchait autour des saints Apôtres avec des cierges et des encensoirs, rythmant le chant funèbre. Saint Pierre entonnait, et tous suivaient en parfait accord. On chanta le psaume de David, « quand Israël sortit d’Egypte », ponctuant chaque verset d’un Alléluia. Puis on ajouta d’autres psaumes et chants solennels d’action de grâce, guidé par l’Esprit Saint qui dirigeait les lèvres des chanteurs. Le corps agréable à Dieu de la Vierge toute-pure fut porté glorieusement à travers Jérusalem, de Sion jusqu’à Gethsémani. Un cercle de nuages s’était formé au-dessus de la couche, telle une grande et claire couronne auréolée d’une lumière peu commune. Au dessus de cette nuée se faisait entendre un chant très doux, que tous pouvaient percevoir. La nuée accompagna la Toute-Sainte jusqu’au tombeau.

En cours de route, un événement affligeant eut lieu. Le peuple de Jérusalem, constitué en majorité de juifs incroyants, fut alerté par ces chants inconnus. Voyant le cortège, il sortit des maisons, s’étonnant qu’une telle gloire et qu’un tel honneur fussent accordés à la Mère de Jésus. Apprenant cela, les grands prêtres, ivres de jalousie et de colère, dépêchèrent leurs serviteurs, leurs soldats, et toute une foule brandissant des armes et des pieux, afin de disperser ceux qui portaient le corps de Marie, de tuer les disciples de Jésus, et de brûler leurs dépouilles. Quand ceux qui se préparaient à ce méfait s’approchèrent avec fureur, armés pour le combat, le cercle de nuage qui couronnait la couche mortuaire s’abaissa jusqu’à terre, protégeant les saints Apôtres et ceux qui les accompagnaient. Ainsi, le chant funèbre était perçu de tous, mais ceux qui cherchaient à nuire ne pouvaient rien voir. Les Saints Anges, qui se tenaient invisiblement au-dessus du très saint corps et du choeur des fidèles, frappèrent de cécité les méchants qui se cognaient contre les murs de la ville, cherchant des mains secourables.

Il arriva cependant que par un dessein mystérieux, Dieu voulut accomplir un plus grand miracle. Un des grands prêtres vit le nuage se soulever, dévoilant la multitude des fidèles portant des cierges autour des Apôtres, et la couche de la Toute-Sainte. Renouant en lui-même avec l’ancienne jalousie à l’égard de notre Seigneur, il se dit : « Quel honneur pour ce corps qui as enfanté le menteur, qui a détruit la Loi de nos Pères ! » Profitant de sa forte corpulence, il se précipita avec fureur sur la couche pour renverser le corps très-pur de notre Souveraine. Mais lorsque les mains insolentes atteignirent leur but, elles furent tranchées par un ange, qui brandissait l’épée invisible de la vengeance de Dieu, et pendirent lamentablement à la couche. Le grand prêtre s’écroula. Puis, prenant conscience de son péché, il s’écria tristement :

- Malheur à moi !

Et se tournant vers les Apôtres, il ajouta :

- Ayez pitié de moi, serviteurs du Christ !

Le Saint Apôtre Pierre ordonna l’arrêt du convoi et dit :

- Tu as eu ce que tu voulais ! Comprends donc que le Seigneur est le Dieu des vengeances ! Le Dieu des vengeances va agir avec hardiesse ! Nous ne pouvons guérir ta blessure. Et notre Seigneur, contre lequel vous vous êtes injustement élevés, et que vous avez tué, ne voudra t’accorder la guérison que si tu crois en Lui de tout ton coeur, et si ta bouche confesse Jésus comme Messie et Fils de Dieu !

Aussitôt le grand prêtre s’écria :

- Je crois qu’Il est le Christ, le Sauveur du monde, annoncé par les Prophètes ! Nous aussi, nous avions commencé par croire en Lui, mais par jalousie, nous sommes tombés dans les ténèbres de la méchanceté, et nous n’avons pas voulu confesser la grandeur de Dieu. Nous avons injustement comploté Sa mort. Mais par la puissance de la Divinité, Il est ressuscité le troisième jour, nous couvrant tous de honte, nous qui L’avions haï. Nous nous sommes efforcés de cacher Sa Résurrection en soudoyant les gardes, mais nous n’avons pu y parvenir, car le bruit s’était répandu partout.

Après cette confession brûlante de repentir, les saints Apôtres et les fidèles se réjouirent avec tous les anges, car il y a de la joie pour un seul pécheur qui se repent. Pierre commanda au grand prêtre d’appliquer ses bras au bout des mains tranchées qui pendaient sur la couche, et d’invoquer le nom de la Toute-Sainte Mère de Dieu. Ayant ainsi fait, le grand prêtre fut guéri sur-le-champ. Ses membres redevinrent sains. Seule une sorte de fil rouge indiquait le passage du glaive. Le nouveau converti se prosterna devant la couche, adora le Christ Dieu né de la Vierge toute pure, et magnifia longtemps celle qui L’avait enfanté, offrant de généreuses louanges tirées des prophéties la concernant, ou concernant le Christ son Fils. Tous furent émerveillés de la guérison, et de ces paroles très sages qui chantaient la gloire du Christ, et louaient la toute-pure Mère de Dieu.

Le grand prêtre se joignit aux Saints Apôtres et accompagna le cortège jusqu’à Gethsémani. Nombre de ceux qui avaient été aveuglés prirent conscience de leur péché et montrèrent du repentir. Guidés jusqu’à la Mère de Dieu pour toucher avec foi sa sainte couche, ils retrouvèrent la vue et la santé des yeux de l’âme.

Les Apôtres et la multitude des fidèles parvinrent au village de Gethsémani. Ils déposèrent près du tombeau la couche portant le corps très saint. Alors s’élevèrent de nouveau les cris et les lamentations du peuple. Tous pleuraient d’être orphelins. Tous pleuraient d’avoir été privés d’un tel bien. Chacun se prosternait devant le corps de la toute-sainte Mère de Dieu, l’embrassait, l’arrosait de ses larmes, et lui donnait un dernier baiser. C’est à grand peine qu’on parvint à la mettre au tombeau le soir venu. Et lorsqu’une grande pierre vint sceller la sépulture, la foule ne put s’éloigner, tant l’amour l’attachait à la Mère de Dieu.

Les Saints Apôtres s’attardèrent trois jours durant au village de Gethsémani, chantant et psalmodiant nuit et jour sur le tombeau de la Vierge toute-pure. Pendant ces trois jours, on pouvait entendre dans le ciel les voix très douces des armées célestes, qui chantaient et louaient Dieu, et magnifiaient Sa Mère.

Par un décret de la providence, il advint que l’Apôtre Thomas était absent lors de l’ensevelissement glorieux de la Vierge toute-pure. C’est seulement le troisième jour qu’il arriva à Gethsémani. Il fut fort triste de n’avoir pas été digne, comme les autres Saints Apôtres, de la dernière bénédiction et de l’ultime baiser de la toute-pure Mère de Dieu. Il s’attrista aussi de n’avoir pu voir la gloire divine, et les admirables mystères qui survinrent lors de la Dormition de la Toute-Sainte, et sur le chemin qui avait conduit son corps au tombeau. Les Saints Apôtres, compatissant à sa douleur, se consultèrent, et décidèrent d’ouvrir le sépulcre, afin de lui permettre de voir le corps de notre Souveraine la Mère de Dieu, de se prosterner devant lui, et d’embrasser ses lèvres pour soulager sa peine et trouver un remède à sa tristesse. Lorsqu’ils soulevèrent la pierre, ils furent effrayés, car la tombe était vide. Le corps de la Mère de Dieu n’y reposait plus. On ne pouvait y voir que le linceul, qui exhalait un parfum sublime et puissant. Les Apôtres étaient dans la plus grande perplexité. Ils embrassèrent avec révérence le linceul, versèrent des larmes, et prièrent de concert le Seigneur de bien vouloir leur révéler ce qui était advenu du corps très pur. Parvenus au soir, ils s’assirent et se fortifièrent par un peu de nourriture.

Notre toute-sainte Souveraine, notre Mère à tous, avait jadis apporté la joie à tout l’univers, lors de sa Nativité. Lors de sa Dormition, elle ne voulut peiner personne. Bien plus, elle entendait consoler chacun par sa miséricorde, même ses ennemis, elle qui est la Mère miséricordieuse du Roi de bonté.

Au moment du repas, les Apôtres avaient adopté une pieuse coutume : ils laissaient parmi eux une place vide, dont l’emplacement était marqué par la présence d’un coussin. Ils déposaient sur ce coussin un morceau de pain, dénommé la part du Seigneur. Après le repas, ils se levaient, rendaient grâce, élevaient la part du Seigneur en glorifiant le Nom de la très-sainte Trinité, et terminaient leur prière en disant : « Seigneur Jésus-Christ, aide-nous ! » Puis ils mangeaient la part du Seigneur comme une bénédiction. Ils avaient cette sainte habitude non seulement lorsqu’ils étaient ensemble, mais aussi quand chacun d’entre eux se trouvait seul.

Ainsi ce soir-là, à Gethsémani, alors que leur esprit était tout entier préoccupé de savoir où pouvait bien se trouver le très-saint corps de la Mère de Dieu, la fin du repas arriva. Ils élevèrent comme à l’accoutumée la part du Seigneur, et glorifièrent la très-sainte Trinité. Et voici que retentit dans l’air le chant des anges. Levant les yeux, les Saints Apôtres virent la toute-pure Vierge et Mère de Dieu, qui se tenait, vivante, au milieu d’une multitude d’anges, illuminée d’une gloire ineffable. La Toute-Sainte leur dit : « Réjouissez-vous, car je suis avec vous jusqu’à la fin des jours ! » Remplis de joie, au lieu de prononcer l’habituel « Seigneur Jésus-Christ, aide-nous ! », ils dirent : « Très-sainte Mère de Dieu, aide-nous ! » Et à partir de ce moment-là les Saints Apôtres, et toute l’Eglise avec eux, furent assurés que la toute-pure Mère de Dieu avait été ressuscitée le troisième jour par son Fils et son Dieu, et conduite au ciel avec son corps. S’en retournant au sépulcre, ils prirent la tunique, qui allait devenir une consolation pour les affligés et un témoignage véridique du fait que la Mère de Dieu s’était bien relevée du tombeau.

Il ne convenait pas en effet que le Tabernacle de la Vie fût retenu par la mort et laissé dans la corruption des autres créatures, lui qui avait enfanté dans une chair incorruptible l’Auteur de toutes les créatures. Le Législateur n’ignora pas Sa propre loi, et comme un Fils aimant, il honora comme Lui-même Sa Mère sans tache, la ressuscitant le troisième jour pour la conduire dans le monde céleste, suivant la prophétie du divin David : « Lève-Toi Seigneur, pour entrer dans Ton repos, Toi et l’Arche de Ta sainteté ! » Ces paroles prophétiques trouvèrent ainsi un double accomplissement : à la Résurrection du Seigneur et lors de la résurrection de la Mère de Dieu. Comme celui de son Fils, le tombeau de la Mère de Dieu, taillé dans le rocher, est vide jusqu’à aujourd’hui, et offert à la vénération des fidèles. La providence divine fit en sorte que Saint Thomas ne fût pas présent pour la Dormition de la toute-pure Mère de Dieu. Ainsi le tombeau fut ouvert, et l’Eglise assurée de la résurrection de la Toute-Sainte. Ainsi la Résurrection du Christ avait été attestée par le manque de foi de Thomas.

Ainsi eut lieu la Dormition de notre Souveraine toute-pure et toute-bénie, la Mère de Dieu. Ainsi fut enseveli son corps immaculé. Ainsi advinrent sa résurrection glorieuse et sa montée au ciel dans la chair. Après ces admirables et divins mystères, les Saints Apôtres s’en retournèrent, emportés sur les nuées, vers les pays de leur prédication.

Et maintenant, comment décrire notre Souveraine, la Vierge toute-pure et Mère de Dieu, lorsqu’elle vivait sur cette terre ? Voici ce que dit Saint Ambroise : « Dans sa chair comme dans son esprit, la Vierge était humble. Ses discours étaient sages. Elle était assidue à la lecture, vigilante dans le labeur, lente à parler, et chaste dans sa conversation. Elle s’entretenait avec les hommes comme si elle parlait avec Dieu. Elle n’offensait personne, souhaitait du bien à chacun, ne méprisait aucun homme, fut-il misérable, ne se moquait de personne, et magnifiait tout ce qu’elle voyait. Tout ce qui sortait de ses lèvres était porteur de grâce, ses actes avaient quelque chose de virginal. Sa tenue trahissait la perfection intérieure, la compassion, l’absence de méchanceté ».

Mais à côté de ce caractère si saint, quelle était son apparence ? Voici ce que rapportent Epiphane et Nicéphore : « Elle était digne, constante en toute chose, parlant peu, et seulement si c’était nécessaire, se contentant plutôt d’écouter. Elle n’en était pas moins éloquente, et savait rendre à chacun honneur et vénération. Elle s’adressait à tous sans rire ni trouble, et, mieux encore, sans colère. Sa taille était moyenne. Son visage avait le teint d’un grain de blé, ses cheveux étaient châtains, son regard perçant, et ses prunelles comme les fruits de l’olivier. Ses sourcils étaient inclinés et bien noirs, son nez assez grand, sa bouche comme la fleur de seigle, pleine de douces paroles. Son visage, ni rond ni pointu, était légèrement allongé. Ses doigts étaient très longs. Elle était étrangère à toute vantardise, simple, incapable de simuler quoi que ce soit, sans mollesse aucune, d’une grande humilité. Ses vêtements étaient simples, confectionnés dans une étoffe naturelle, comme le montre aujourd’hui encore son saint voile. Une abondante grâce divine accompagnait chacun de ses actes ».

Et comment est-elle à présent, dans les cieux, à la droite du trône de Dieu ? Il faudrait entendre à ce sujet les bouches des anges, des archanges, et des justes, qui se tiennent devant elle, et se rassasient de la Face de Dieu et de son doux visage ! Ceux-là peuvent parler d’elle suivant leur dignité. Et nous, qui glorifions le Père, le Fils et le Saint Esprit, Dieu unique dans la trinité des personnes, glorifions aussi la toute-pure Mère de Dieu, et vénérons-la avec ferveur, elle qui est glorifiée et magnifiée par toutes les générations dans les siècles, amen !

Tout ce qui concerne le début de la vie de la toute-pure Vierge et Mère de Dieu a été décrit en partie dans les homélies sur les autres fêtes : la Conception, la Nativité, l’Entrée au Temple, l’Annonciation, la Nativité du Christ, et la Sainte Rencontre. Nous ajouterons ici, après le récit de sa Dormition, quelques mots sur la vie de notre Souveraine après l’Ascension du Christ.

Saint Luc écrit dans les Actes des Apôtres qu’après l’Ascension du Seigneur, Ses disciples quittèrent le Mont des Oliviers pour Jérusalem, et pénétrèrent dans la Chambre Haute où s’était tenue la Sainte Cène. Là, dans un même esprit, ils persévérèrent dans la prière et les suppliques en compagnie des femmes, et de Marie, la Mère de Jésus. Après le départ du Seigneur, la Toute-Sainte devint leur unique consolation, leur soulagement dans la tristesse. Elle les affermit et les instruisit dans la foi. Tout ce qu’elle avait gardé dans son coeur des paroles et des miracles, depuis la bonne nouvelle de Gabriel concernant la conception sans semence et la naissance du Christ de son sein virginal, en passant par la petite enfance du Seigneur, jusqu’à Sa vie avant le baptême de Jean, tout cela, elle le fit savoir aux aimables disciples de son Fils. Comme elle tenait de l’Esprit Saint des révélations élevées sur la divinité du Christ et sur le sens de Ses oeuvres, elle put faire le récit détaillé des actes accomplis par la puissance de Dieu avant que le Seigneur ne se fît connaître au monde. Et tout cela fortifia grandement la foi les Apôtres.

Ils priaient donc ensemble dans la Chambre Haute, attendant la venue de l’Esprit Saint que le Seigneur avait promis d’envoyer du Père, et se préparaient à en recevoir les dons. Dix jours après l’Ascension du Christ, quand eut lieu cette descente du très saint Esprit comme des langues de feu sur les Saints Apôtres, le Consolateur commença par reposer sur la très-digne et très-précieuse Vierge, qui était déjà pour Lui une demeure aimée et agréable, un séjour permanent. La Vierge toute-bénie reçut une plus grande part de l’Esprit Saint que les Apôtres. Plus grand est le vase, plus il peut contenir. Comme le proclame l’Eglise, la Vierge toute-pure est pour l’Esprit Saint un réceptacle plus grand que tous les autres, plus grand encore que les Apôtres, les Prophètes, et les Saints : « En vérité, tu es plus élevée que tous, ô Vierge Pure, car tu as contenu, bien plus que tous, les grâces de l’Esprit Saint ! »

Dès que le Seigneur eut dit sur la Croix « Voici ton fils ... voici ta Mère », la Vierge toute-pure s’installa dans la maison du Saint Apôtre Jean le Théologien, sur le Mont Sion. Le disciple la prit chez lui et la servit comme sa propre mère. Après avoir reçu l’Esprit Saint, les Apôtres ne se dispersèrent pas aussitôt dans le monde entier, mais demeurèrent longtemps à Jérusalem, comme en témoignent les Actes. Après la mort du premier martyr Stéphane, il y eut une grande persécution contre l’Eglise de Jérusalem. Les Apôtres mineurs et les fidèles partirent dans toute la Judée et la Samarie, laissant les chefs des Apôtres. Protégés par Dieu, ces derniers restèrent près de dix ans dans la ville sainte, jusqu’au moment où le roi Hérode leva la main pour persécuter l’Eglise. Si certains Apôtres quittaient momentanément Jérusalem, ( Pierre et Jean partirent pour la Samarie ; Pierre guérit Enée le paralytique à Lydda, ressuscita Tabitha à Joppé, baptisa le centurion Corneille à Césarée, fonda le premier trône apostolique à Antioche ; Jacques, frère de Jean, se rendit en Espagne ) ils y revenaient toujours pour le salut du peuple israélite et l’affermissement de la première des Eglises, leur Mère à toutes. Comme le chante Saint Jean Damascène : « Réjouis-toi, Sainte Sion, mère des Eglises, demeure de Dieu, toi la première à recevoir la rémission des péchés ! » Mais les Apôtres retournaient aussi à Jérusalem pour y rencontrer la toute-sainte Vierge et Mère du Seigneur et entendre ses divines paroles. Ils voyaient en elle le représentant du Christ, et contemplaient son digne et très-saint visage comme s’il eût été le visage du Sauveur Lui-même. Ils écoutaient ses douces paroles remplies d’une ineffable joie spirituelle, oubliant leurs peines et leurs malheurs. Leurs coeurs jouissaient du miel des discours de la toute-sainte Mère de Dieu.

Une foule de nouveaux baptisés, venant de pays lointains, s’empressait à Jérusalem pour voir la Mère de leur Dieu et entendre ses très-saints discours. Comme celle du Christ-Sauveur, la gloire de Sa Mère immaculée atteignit les extrémités de la terre, comme en témoigne l’épître de Saint Ignace le Théophore, envoyée d’Antioche à Saint Jean le Théologien : « Nous avons ici de nombreuses femmes qui désirent voir la Mère de Jésus, et tentent chaque jour le voyage pour lui rendre visite, toucher les seins qui ont allaité le Seigneur Jésus, et apprendre d’elle certains mystères. Sa renommée de Vierge et Mère de Dieu, comblée de toutes grâces et de toutes vertus, est parvenue jusqu’à nous. On dit qu’elle traverse gaiement les persécutions et les malheurs, qu’elle ne s’afflige ni de la pauvreté ni de la privation, qu’elle ne s’irrite pas contre ceux qui lui font du mal mais leur dispense plutôt davantage ses bienfaits, qu’elle est douce lors des événements heureux, miséricordieuse à l’égard des pauvres qu’elle aide comme elle le peut. Quand des gens se montrent hostiles à notre foi, elle sait leur résister avec vigueur. Elle enseigne aux fidèles la piété nouvelle, la révérence, et les bonnes oeuvres. Elle aime par dessus tout les humbles et se montre humble elle-même à l’égard d’autrui. Tous ceux qui l’ont vue la louent beaucoup. Elle reste patiente quand les chefs des juifs et les pharisiens se moquent d’elle. Des hommes dignes de foi nous ont rapporté que chez Marie la Mère de Jésus, la sainteté unit la nature humaine à celle des anges. Tout ceci suscite chez nous le vif désir de voir cet étonnant et céleste miracle ». Dans une autre épître destinée à Saint Jean le Théologien, Saint Ignace le Théophore écrit : « Si cela m’était possible, je voudrais venir chez toi voir les fidèles rassemblés là-bas, et surtout la Mère de Jésus. On dit que tous la trouvent étonnante, digne, et très aimable. Tous désirent la voir. Qui ne voudrait voir cette Vierge et s’entretenir avec celle qui a enfanté le vrai Dieu ? »

Ces lettres montrent le grand désir des saints de voir la sainteté de Marie, la Vierge toute-pure. On comprend que ceux qui en furent dignes pouvaient se dire bienheureux. En vérité, bienheureux sont les yeux qui l’ont vue, après le Christ-Sauveur, et les oreilles qui ont été dignes d’entendre les paroles vivifiantes sortant de sa bouche inspirée ! De quelles consolations et de quelles grâces ne furent-ils pas remplis !

Notre Seigneur a laissé Sa Mère vivre sur la terre, afin que par sa présence, ses conseils, ses enseignements, et ses prières ferventes à son Fils et son Dieu, l’Eglise combattante se multiplie, s’affermisse et acquière la hardiesse de résister jusqu’au sang pour son Seigneur. La Mère de Dieu apportait à chacun force et consolation de l’Esprit Saint ; elle priait pour tous. Lorsque les Saints Apôtres furent arrêtés, elle adressa à Dieu une prière pleine de componction, et un ange du Seigneur fut envoyé la nuit pour ouvrir les portes de la prison. Quand le premier martyr Stéphane fut conduit à la mort, elle suivit de loin la foule. Alors qu’on le lapidait dans la vallée de Iosaphat, près du torrent du Cédron, elle était avec Jean le Théologien sur une colline proche, et priait ardemment le Seigneur pour qu’Il fortifiât le Protodiacre dans les souffrances, et reçût son âme entre Ses mains. Quand Paul s’acharna sur l’Eglise, elle adressa de si ferventes prières à Dieu pour le persécuteur, qu’Il changea le loup sauvage en doux agneau, l’adversaire en apôtre, le persécuteur en disciple et docteur de l’univers.

Et quels autres bienfaits l’Eglise primitive n’a-t-elle pas reçus de la toute-pure Mère de Dieu, tel un petit enfant de sa mère ? Quelle grâces n’a-t-elle pas puisées dans cette source intarissable, jusqu’à ce qu’élevée par le renfort de la grâce, elle eût atteint l’âge mûr et se fût tellement affermie que les portes de l’enfer ne pouvaient plus rien contre elle ? La Mère de Dieu était remplie de joie, comme une mère qui se réjouit pour ses enfants (Ps.112,9). Tous les jours, elle voyait la multiplication des enfants de l’Eglise : au début, la prédication de Pierre gagna trois mille âmes, puis ce fut cinq mille, puis des multitudes... Plus tard elle apprit que l’Eglise du Christ gagnait tout l’univers. Ceux qui s’en retournaient à Jérusalem après la prédication venaient tout lui raconter. Comme elle se réjouissait de ces bonnes nouvelles, louant son Fils et son Dieu !

Mais voilà qu’Hérode déclencha une persécution contre l’Eglise, et fit décapiter Jacques, le frère de Jean, qui rentrait d’Espagne. Il se saisit aussi de Pierre, qu’il mit en prison en lui réservant le même sort. Après la libération miraculeuse du Prince des Apôtres, les premiers parmi les Apôtres décidèrent à leur tour de quitter Jérusalem pour fuir les juifs. Ils se dispersèrent dans le monde entier, après avoir tiré au sort les pays de mission. Avant leur départ, ils composèrent le symbole de la foi, afin que tous plantent dans leur coeur d’une même voix la sainte foi dans le Christ. Ils partirent tous pour ces contrées lointaines, sauf Saint Jacques, le frère du Seigneur, qui avait été nommé premier évêque de Jérusalem par le Christ Lui-même.

Saint Jean le Théologien quitta Jérusalem avec la toute-pure Mère de Dieu, s’éloignant momentanément pour fuir les malheurs que provoquaient les juifs jaloux, et cédant la place à la colère, à la cruelle persécution, et aux martyrs. Pour ne pas rester inactifs, ils partirent pour Ephèse, que Jean avait tirée au sort. Il existe une épître destinée au clergé de Constantinople et rédigée lors du Troisième Grand et Saint Concile Oecuménique, qui se tint à Ephèse contre Nestorius. Elle contient les phrases suivantes : « Nestorius, auteur de cette hérésie impie, convoqué par les Saints Pères et Evêques du Concile à Ephèse, où jadis demeurèrent Jean le Théologien et la Sainte Vierge et Mère de Dieu Marie, s’exclut lui-même, troublé par sa mauvaise conscience, et n’osa pas venir. En raison de quoi, après avoir été convoqué trois fois de suite, il fut condamné par le juste jugement du Saint Concile et des divins Pères, et fut déchu de toute dignité sacerdotale »

La Vierge toute-pure se rendit à Ephèse et dans d’autres villes et contrées pour visiter les nouveaux baptisés. Elle alla à Antioche pour rencontrer Saint Ignace le Théophore, comme elle le lui avait promis par écrit : « Je viendrai jusqu’à toi avec Jean, afin de te voir, toi et ceux qui sont avec toi ». Il est dit qu’elle alla aussi à Chypre pour rendre visite à Lazare, le ressuscité du quatrième jour qui était évêque du lieu, et sur le Mont Athos. Rapportons ici le récit du moine Stéphane l’Athonite :

« Après l’Ascension de notre Seigneur Jésus-Christ, les disciples étaient réunis à Sion avec Marie, la Mère de Jésus, attendant le Consolateur, selon l’ordre du Seigneur qui leur avait prescrit de ne pas s’éloigner de Jérusalem et d’attendre la réalisation de Sa promesse. Plus tard, ils tirèrent au sort les pays dans lesquels chacun d’entre eux allait prêcher l’Evangile de Dieu. La Toute-Pure dit alors :

- Je veux moi aussi tirer au sort avec vous, afin de ne pas rester démunie du pays que Dieu voudra bien m’accorder.

Les Apôtres acquiescèrent avec crainte et révérence à la parole de la Mère de Dieu, et le sort lui désigna la terre d’Ibérie. La toute-pure Mère de Dieu reçut la nouvelle avec joie. Aussitôt après avoir reçu l’Esprit Saint sous la forme d’une langue de feu, elle voulut s’en aller sur cette terre. Mais l’ange de Dieu lui dit :

- Ne t’éloigne pas de Jérusalem pour le moment, mais restes-y pour un temps ! Le sort s’éclaircira dans les derniers jours ! Pour un temps, il te faudra peiner sur une terre que Dieu voudra bien t’indiquer.

Et la Toute-Pure demeura un long moment à Jérusalem. Or Lazare, le ressuscité du quatrième jour, résidait dans l’île de Chypre où il avait été sacré évêque par l’Apôtre Barnabé. Dans son grand amour, il souhaitait revoir la Mère toute-pure de notre Seigneur qu’il n’avait pas vue depuis longtemps, mais il n’osait se rendre à Jérusalem par crainte des juifs. Ayant compris cela, la Mère de Dieu lui écrivit pour le consoler, et lui commanda de lui envoyer un bateau afin qu’elle pût venir à Chypre lui rendre visite. A la lecture de la lettre, Lazare se réjouit beaucoup. Touché d’une telle humilité, il s’empressa d’envoyer vers elle un bateau et un courrier. La toute-pure Marie s’en fut sur la mer en compagnie de Jean, le disciple vierge, et d’autres frères qui les suivaient avec révérence. Le navire appareilla pour Chypre. Mais soudain, un vent contraire se leva, et le navire fut détourné de sa route vers une crique abritée du Mont Athos. Ceci fut pour la Mère de Dieu la petite peine que l’ange avait prédite.

La Sainte Montagne était alors pleine d’idoles ; on y trouvait un grand temple et un sanctuaire d’Apollon. Là s’accomplissaient divinations, magies, et autres artifices démoniaques. Les grecs révéraient beaucoup ces lieux, où ils venaient de fort loin pour adorer le dieu, et recevoir une réponse des devins qu’ils consultaient. Lorsque la Mère de Dieu accosta, un grand cri jaillit de toutes les idoles de la péninsule :

- Descendez la montagne vers la crique de Clément, vous tous qui avez été séduits par Apollon, et accueillez Marie la Mère du grand Dieu Jésus !

C’est ainsi que les démons qui habitaient les idoles, contraints par une force divine, annoncèrent la Vérité contre leur volonté, comme jadis les Gadaréniens qui crièrent au Seigneur : qu’y a-t-il entre nous et Toi, Fils de Dieu ? Es-Tu venu ici pour nous tourmenter avant le temps ? Entendant cela, le peuple surpris accourut vers la crique et aperçut le bateau de la Mère de Dieu. Il accueillit la Toute-Sainte avec honneur, lui demandant comment elle avait enfanté Dieu et quel était son nom. Ouvrant sa bouche divine, elle annonça en détails la bonne nouvelle de Jésus-Christ, et tous adorèrent le Dieu qu’elle avait enfanté et la vénérèrent. La Toute-Pure accomplit de nombreux miracles, et le peuple, qui avait trouvé la foi, se fit baptiser. Choisissant un chef parmi ses compagnons de voyage, elle l’établit maître des nouveaux baptisés. Puis, se réjouissant en esprit, elle dit :

- Ce lieu, désigné par le sort, m’a été confié par mon Fils et mon Dieu !

Puis elle bénit la foule et ajouta :

- Que la grâce de Dieu demeure sur ce lieu et sur ceux qui y vivront avec foi et piété en accomplissant les commandements de mon Fils et mon Dieu ! Les biens nécessaires à la vie terrestre seront abondants pour eux, sans qu’il faille fournir trop d’efforts. La vie céleste leur sera préparée. La miséricorde de mon Fils ne tarira pas ici jusqu’à la fin des siècles ! Quant à moi, je serai la Protectrice de ce lieu et son fervent Intercesseur devant Dieu !

Ayant dit cela, elle bénit de nouveau le peuple et s’embarqua pour Chypre avec Jean et sa suite.

Parvenue dans l’île, elle trouva Lazare dans une grande tristesse. Inquiet du retard de la Mère de Dieu, il craignait que la tempête ne lui eût causé quelque tort. Il ignorait en effet ce qui était arrivé par la providence de Dieu. Mais la présence de la Mère de Dieu eut tôt fait de changer son affliction en joie. La Toute-Sainte lui offrit une omophore et des manchettes qu’elle avait confectionnés elle-même pour l’occasion, et lui annonça tout ce qui était arrivé à Jérusalem et au Mont Athos, remerciant Dieu pour tout. Elle séjourna quelque temps à Chypre, consola et bénit l’Eglise du lieu, puis reprit la mer pour Jérusalem ».

Dans la ville sainte, la Mère de Dieu habita de nouveau la maison de Jean à Sion, protégée par la toute-puissante main de Dieu des synagogues jalouses et déicides, qui ne cessaient de combattre le Fils de Dieu et ceux qui croyaient en Lui. En aucune façon, ces méchants juifs n’auraient supporté que la Mère de Jésus restât en vie si la Providence ne l’avait protégée, et ils se seraient certainement évertués à la faire périr. Mais les infidèles ne purent mettre la main sur le Tabernacle de Dieu, comme jadis à Nazareth sur son Fils Lui-même, lorsqu’Il fut conduit par une foule pleine de fureur au sommet de la montagne sur laquelle la ville était sise, pour être précipité du haut de la falaise. Passant au milieu d’eux, Il s’était éloigné sans que les juifs furieux ne pussent poser sur lui leurs mains de bourreaux. Ils ne purent toucher Celui que leurs yeux voyaient, car ils étaient retenus par la force invisible de Dieu. Son heure n’était pas encore venue... La Vierge toute-pure vécut donc au milieu d’un grand nombre d’ennemis haineux comme une brebis parmi les loups, comme un lys au milieu des ronces, en répétant fort à propos les paroles de son ancêtre David : le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurai-je crainte ? Le Seigneur est le protecteur de ma vie, devant qui tremblerai-je ? Si une armée campe contre moi, mon coeur ne craindra pas, si un combat s’engage contre moi, alors même je garderai l’espérance ! et encore : si je vais au milieu des ténèbres de la mort, je ne craindrai aucun mal car Toi, mon Fils et mon Dieu, Tu es avec moi.

Saint Denis l’Aréopagite, qui avait été baptisé à Athènes par le Saint Apôtre Paul et était demeuré auprès de lui pendant trois ans, vint aussi à Jérusalem visiter et vénérer la Mère de Dieu, avec la bénédiction de son maître. Ayant vu celle qu’il avait tant désiré rencontrer, il fit part de sa joie spirituelle au Coryphée des Apôtres dans une lettre : « Il me semble impossible, et je le confesse devant Dieu, ô mon guide et mon excellent maître, qu’en dehors du Dieu très-haut, on puisse trouver plus de force divine et d’admirable grâce, d’ailleurs inconcevables par l’esprit de l’homme, qu’en cette personne, que j’ai vue non seulement des yeux du corps, mais aussi de ceux de l’âme. J’ai vu de mes yeux la Mère du Christ Jésus notre Seigneur : elle est, à l’image de Dieu, plus sainte que tous les esprits célestes. La grâce de Dieu, la magnanimité du Prince des Apôtres, et la bonté indescriptible de la Vierge miséricordieuse elle-même, m’ont permis de la voir. Je confesse devant la toute-puissance de Dieu, devant la grâce du Sauveur, devant la dignité glorieuse de la Vierge Sa Mère, que lorsqu’aux côtés de Jean, Prince des Evangélistes et des Prophètes, qui, tout en demeurant dans la chair, rayonne comme le soleil dans le ciel, je fus introduit devant la face de la Vierge toute-sainte, créée à l’image de Dieu, une lumière vive et sans borne m’illumina non seulement extérieurement, mais aussi et surtout intérieurement, me remplissant de parfums si dignes et admirables que mon faible corps et mon esprit ne purent supporter les signes et les prémices de toutes ces béatitudes et gloires éternelles. Mon coeur et mon esprit s’épuisèrent devant cette grâce et cette gloire divines. Je témoigne par Dieu, qui vécut dans le sein virginal, que si je n’avais pas eu en mémoire dans mon esprit nouvellement éclairé tes divins enseignements, j’aurais pensé qu’elle était le vrai Dieu, et je l’aurais adorée comme il convient de L’adorer. Aucune gloire, aucun honneur, ne peut être conçu dans l’esprit d’un homme glorifié par Dieu, à la mesure de la béatitude que j’ai goûtée en cet instant-là, moi l’indigne. Comme je fus fortuné et bienheureux d’avoir été rendu digne de ce moment-là ! Je remercie pour cela le Dieu très-haut et très-bon, la Vierge divine, l’extraordinaire Apôtre Jean, ainsi que toi, Prince de l’Eglise et maître victorieux, de m’avoir manifesté avec miséricorde un tel bienfait ! » On comprend à la lecture de ces lignes quelle grâce divine émanait du visage de notre toute-pure Souveraine lorsqu’elle vivait sur la terre, et combien s’illuminaient les âmes et se réjouissaient les coeurs de ceux qui la voyaient dans la chair. Une multitude innombrable de nouveaux baptisés hommes et femmes, convergeait vers elle de tous les horizons, recevant ses dons, comme d’une vraie mère, de manière égale et impartiale. Sa grâce réjouissait et enrichissait chacun, guérissant les malades, affermissant les faibles, consolant les affligés, fortifiant la foi, apportant l’assurance de l’espérance, la douceur divine, l’amour, et l’amendement des pécheurs.

La Vierge toute-pure sortait souvent de la maison de Jean pour visiter les lieux que son très-aimable Fils avait sanctifiés de Sa présence et de Son sang. Elle visitait Bethléem où Il était né d’elle d’une manière ineffable, sans briser le sceau de sa virginité. Elle faisait le tour de tous les lieux où souffrit volontairement notre Seigneur, les arrosant des larmes abondantes de son amour maternel, et disant : « Là fut tué mon Fils très-aimable, là Il fut couronné d’épines, de là Il sortit en portant Sa croix, là Il fut crucifié ». Près du sépulcre, gagnée par une joie indicible, elle disait : « Là, Il fut enseveli, et ressuscita glorieusement le troisième jour ».

Et il est encore écrit ceci : certains juifs haineux annoncèrent aux grands-prêtres et aux scribes que Marie, la Mère de Jésus, se rendait chaque jour au Golgotha et au sépulcre où son Fils avait été déposé, pliant les genoux et s’affligeant. Aussi plaça-t-on une garde près du tombeau pour en interdire l’accès aux chrétiens. Il est manifeste que la pieuse coutume de visiter les lieux saints et d’y adorer le Christ Dieu qui voulut souffrir pour nous avait été instaurée par la Mère de Dieu elle-même, bientôt suivie par les fidèles. Une garde fut donc placée par les scribes et les grands-prêtres, qui respiraient encore la menace et le meurtre, afin d’interdire à tous l’accès du sépulcre de Jésus et de tuer Sa Mère Marie. Mais Dieu aveugla les yeux des gardes afin qu’ils ne voient pas Marie. Elle continua donc selon son habitude à se rendre en ces lieux, sans que les gardes ne pussent pas la voir, elle ou ses compagnons. Après quelque temps, ils allèrent jurer aux grands-prêtres et aux scribes que personne ne venait plus visiter le sépulcre.

La Mère de Dieu se rendait aussi fréquemment sur le Mont des Oliviers, d’où notre Seigneur était monté au ciel. S’agenouillant, elle embrassait les empreintes que les pieds du Christ avaient laissées sur la pierre. Elle priait là son Fils et son Dieu qu’Il voulût bien la prendre avec Lui, elle aussi, car bien plus encore que Saint Paul, elle voulait être délivrée de la chair et vivre avec le Christ. Souvent elle répétait les paroles de David : Quand irai-je et paraîtrai-je devant la Face de Dieu ? Mes larmes ont été mon pain jour et nuit (Ps.41,3-4), quand verrai-je mon Fils tant aimé, quand irai-je vers Celui qui est assis à la droite du Père, quand me présenterai-je devant le trône de Sa gloire, quand pourrai-je me rassasier de la vue de Sa face ? Ô mon doux Fils, ô mon Dieu ! Il est temps d’être miséricordieux pour Sion, il est temps d’être miséricordieux pour Ta mère, qui s’attriste dans cette vallée des larmes, privée de la vue de Ta très-sainte face ! Fais sortir mon âme de la prison de ce corps ! Comme le cerf languit auprès des eaux vives, ainsi mon âme Te désire, ô Dieu ! (Ps.41,2) Que je sois rassasiée lorsqu’apparaîtra Ta gloire !

La Vierge toute-pure avait pris l’habitude de s’attarder sur le Mont des Oliviers, dans le village de Gethsémani, sur le flanc d’un petit coteau planté d’un verger, dont Zébédée avait jadis fait l’acquisition, et qui était désormais l’héritage de Saint Jean le Théologien. Notre Seigneur avait prié et transpiré le sang dans ce verger avant Sa passion volontaire, et Il y était tombé à genoux sur Sa face devant Son Père céleste. Par la suite, c’est dans ce même verger que Sa Mère toute-pure répandait ses ferventes prières, à genoux aussi, face contre terre, inondant le sol de ses larmes. C’est là qu’elle fut informée, par l’intermédiaire de l’ange, de son transfert imminent vers le ciel, et fut consolée. Avant sa mort, la Vierge toute-pure eut deux apparitions de l’ange, selon le récit de l’historien de l’Eglise, Georges Kedrinos : la première fois, quinze jours avant sa Dormition, et la seconde, trois jours avant. C’est à cette dernière occasion qu’elle reçut la branche du dattier du paradis que Saint Jean le Théologien porta ensuite devant sa couche mortuaire.

Certains ont écrit, comme Saint Meliton, évêque de Sardes, que Saint Jean le Théologien était à Ephèse avant la Dormition de la toute-sainte Mère de Dieu, et qu’il fut, comme les autres Apôtres, ravi sur une nuée pour assister aux funérailles de la Toute-Pure. Mais d’autres, comme Métaphraste et Sophronios, affirment avec assurance que Saint Jean ne s’était pas éloigné de la Mère pleine de grâces, dont il était devenu le fils adoptif, et qu’il la servit toujours comme un fils sincère sert sa mère, la gardant dans sa maison jusqu’à sa mort bienheureuse. Il lui arrivait cependant de s’éloigner pour de courtes périodes dans les villes environnantes comme en témoignent les Actes, mais il le faisait toujours avec l’accord et la bénédiction de la Mère de Dieu. Pendant ses brèves absences et jusqu’au retour de Saint Jean, c’est Saint Jacques le frère du Seigneur et premier évêque de Jérusalem qui veillait sur la Toute-Pure, lui qui en aucun cas ne quittait son trône épiscopal. Si, selon le récit de certains, le Théologien fut ravi sur les nuées à l’instar des autres Apôtres, c’est probablement depuis quelque ville proche.

Qu’on sache également que la Dormition de la toute-pure Vierge et Mère de Dieu doit être fêtée solennellement le quinzième jour du mois d’août ! Cette solennité fut instituée sous le règne du pieux empereur byzantin Maurice. En fêtant ainsi son joyeux transfert vers les cieux, glorifions aussi Celui qui naquit d’Elle et la conduisit au ciel dans la gloire, le Christ notre Dieu, glorifié avec le Père et l’Esprit Saint pour les siècles des siècles, amen !

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vendredi 2 octobre 2009

VIE DE SAINT PAUL


LAVIE, LES EXPLOITS ET LES SOUFFRANCES DU SAINT ET GLORIEUX APÔTRE PAUL,


DIGNE DE TOUTES LOUANGES


(Synaxaire de Saint Dimitri de Rostov - 29 juin)



Avant qu’il ne devînt Apôtre, Saint Paul s’appelait Saul. Né à Tarse en Cilicie, il était de race juive et appartenait à la tribu de Benjamin. Ses nobles parents vécurent d’abord à Rome et vinrent ensuite s’établir à Tarse, avec le titre honorifique de citoyens romains. C’est pourquoi par la suite, Paul reçut le qualificatif de romain. On peut ajouter ici que sa famille comptait le premier martyr Stéphane. Dans sa jeunesse, ses parents le placèrent à Jérusalem pour y faire l’apprentissage des livres saints et de la Loi de Moïse sous la direction du célèbre maître Gamaliel. Au cours de ses études, il avait à ses côtés son ami Barnabé qui devint lui aussi Apôtre du Christ. Ayant bien approfondi la Loi de ses pères, il montra pour elle un zèle ardent, et s’attacha aux pharisiens.


A cette époque, les saints Apôtres propageaient la Bonne Nouvelle du Christ à Jérusalem et dans les villes et contrées alentour, suscitant de grandes discussions avec les pharisiens, les sadducéens, les scribes et les docteurs de la Loi. Ces prédicateurs du Christianisme furent rapidement haïs et persécutés par tous ces juifs. Saul haïssait également les saints Apôtres, et ne voulait même pas les entendre prêcher le Christ. Il se disputait avec Barnabé, devenu Apôtre, et ne cessait de blasphémer la Vérité. Quand son parent, Saint Stéphane, vint à être lapidé par les juifs, non seulement il ne montra aucun regret en voyant versé le sang innocent de sa propre famille, mais il approuva le meurtre, et garda les vêtements des juifs qui frappaient le martyr. Ayant par la suite reçu pleins pouvoirs des sacrificateurs et des anciens, Saul persécuta l’Eglise du Christ, faisant irruption dans les maisons des fidèles, traînant hommes et femmes en prison.


Non content de persécuter les fidèles de Jérusalem, il se rendit à Damas avec des lettres du Sacrificateur. Respirant menace et carnage, il avait l’intention de débusquer les hommes et les femmes croyant au Christ, de s’emparer d’eux et de les conduire dans les liens à Jérusalem. Ceci se passait pendant le règne de l’empereur Tibère.


Alors que Saul s’approchait de Damas, une lumière venant du ciel brilla soudain autour de lui. Il tomba à terre et entendit une voix lui dire :


- Saul, Saul, pourquoi Me persécutes-tu ? Saisi d’effroi, il répondit :


- Qui es-Tu, Seigneur ?


- Je suis Jésus que tu persécutes. Il te serait dur de regimber contre les aiguillons ! Tremblant d’épouvante, Saul ajouta :


- Seigneur, que veux-Tu que je fasse ?


- Relève-toi, entre dans la ville et l’on te dira ce que tu dois faire !


Les soldats qui accompagnaient Saul furent effrayés d’entendre cette voix sans voir personne. Quand Saul se releva, il ne voyait plus rien. Ses yeux charnels étaient frappés de cécité, mais ses yeux spirituels commençaient à s’ouvrir. On le conduisit par la main à Damas où il demeura trois jours, constamment en prière, sans voir, ni manger, ni boire.


A Damas vivait le Saint Apôtre Ananie. Le Seigneur lui apparut dans une vision, lui ordonnant d’aller trouver Saul dans la maison d’un certain Judas, pour rendre la lumière à ses yeux charnels par l’imposition des mains, et à ses yeux spirituels par le baptême. Ananie répondit toutefois :


- Seigneur, j’ai entendu beaucoup de monde parler de cet homme et dire tout le mal qu’il a fait à Tes saints à Jérusalem. Il est ici avec pleins pouvoirs des grands prêtres pour enchaîner tous ceux qui invoquent Ton Nom !


- Va sans crainte, car il est le vase que j’ai choisi pour porter Mon Nom devant les nations païennes, les rois, et les fils d’Israël. Je lui dirai ce qu’il aura à souffrir pour Mon Nom !


Obéissant à l’ordre du Seigneur, Ananie s’en alla trouver Saul et lui imposa les mains. Des sortes d’écailles tombèrent de ses yeux. Baptisé sur-le-champ, il fut rempli de l’Esprit Saint qui le sanctifia pour le ministère apostolique. Son nom fut changé en Paul.


Paul prêcha aussitôt Jésus Fils de Dieu dans les synagogues. Tous ceux qui l’entendaient s’étonnaient : « N’est-ce pas celui qui, à Jérusalem, persécutait ceux qui invoquent le Nom de Jésus ? N’était-il pas venu ici pour les lier et les conduire devant les principaux sacrificateurs ? »


Avec le temps, Paul prenait de plus en plus d’assurance et troublait les juifs de Damas en leur démontrant que Jésus est le Christ. Au comble de la colère, ils se concertèrent pour le tuer et firent garder nuit et jour les portes de la ville afin qu’il ne pût leur échapper. Mais Ananie et les disciples de Damas eurent vent du complot. Ils le conduisirent de nuit sur les remparts de la ville et le firent descendre le long de la muraille dans une corbeille.


Paul quitta Damas pour l’Arabie, ainsi qu’il l’écrivit plus tard aux Galates : « Je ne consultai ni la chair, ni le sang, je ne montai point à Jérusalem vers ceux qui furent Apôtres avant moi, mais je partis pour l’Arabie. Puis je revins encore à Damas. Trois ans plus tard, je remontai à Jérusalem pour faire la connaissance de Pierre ».


A Jérusalem, Paul souhaitait rencontrer les disciples du Seigneur, mais ceux-ci le craignaient, ne pouvant croire qu’il fût des leurs. Finalement, il rencontra le Saint Apôtre Barnabé qui comprit sa conversion, se réjouit de ce revirement, et le conduisit chez les Apôtres. Paul leur raconta comment il avait vu le Christ sur le chemin de Damas, ce qu’Il lui avait dit, et comment il s’était enhardi pour le Nom de Jésus. Son récit emplit les Apôtres d’une sainte joie et ils glorifièrent le Seigneur Christ.


A Jérusalem, Saint Paul engagea la controverse avec les juifs et les grecs. Un jour qu’il se tenait en prière dans le temple, il eut une extase et vit le Seigneur qui lui dit :


- Hâte-toi de sortir de Jérusalem car ils ne recevront pas ici ton témoignage sur Moi !


- Les juifs savent bien que je faisais mettre en prison ceux qui croyaient en Toi, et que je les faisais frapper dans les synagogues. Ils savent aussi que lorsqu’on répandait le sang de Stéphane Ton témoin, j’étais présent, j’approuvais le meurtre et je gardais les vêtements de ceux qui le tuaient !


- Va, Je t’enverrai au loin vers les nations !


Après cette vision, bien qu’il eût aimé rester encore quelques jours à Jérusalem pour jouir de la vue et de la conversation des Apôtres, Paul dut partir, car ceux avec qui il avait argumenté sur le Christ étaient furieux et cherchaient à le tuer. Les frères le conduisirent donc à Césarée d’où il partit pour Tarse.


Paul prêcha la Parole de Dieu dans cette ville jusqu’à l’arrivée de Barnabé qui le conduisit à Antioche. Il y resta une année entière à enseigner dans l’église, et convertit au Christ beaucoup de gens, à qui il donna le nom de chrétiens. Après cette année, Paul et Barnabé revinrent en Palestine pour annoncer aux Saints Apôtres que la grâce de Dieu agissait à Antioche, ce qui réjouit fort l’Eglise de Jérusalem. Ils ramenaient avec eux les nombreux dons des fidèles d’Antioche pour les frères pauvres ou infirmes de Judée. En effet, selon la prophétie de Saint Agabus, (un des Soixante-Dix) une grande famine s’était déclarée sous le règne de l’empereur Claude.


Par la suite, Paul et Barnabé quittèrent de nouveau Jérusalem pour Antioche où ils vécurent un certain temps dans le jeûne et la prière, célébrant la Divine Liturgie et prêchant la Parole de Dieu, jusqu’à ce que l’Esprit Saint les envoie prêcher aux nations. L’Esprit Saint déclara en effet aux anciens de l’Eglise d’Antioche : « Mettez-moi à part Barnabé et Saul pour l’oeuvre pour laquelle Je les ai appelés ! ». Après avoir jeûné et prié, ils leur imposèrent donc les mains et les laissèrent partir.


Poussés par l’Esprit Saint, ils descendirent à Séleucie et s’embarquèrent pour Chypre. A Salamine, ils annoncèrent l’Evangile dans les synagogues. Ayant traversé l’île jusqu’à Paphos, ils rencontrèrent un magicien et faux prophète juif dénommé Elymas ou Bar-Jésus, qui vivait aux côtés du proconsul Sergius Paulus, un homme avisé. Ce proconsul fit appeler Paul et Barnabé et manifesta son désir d’entendre la Parole de Dieu. Ayant écouté les Apôtres, il crut. Mais Elymas le magicien s’interposa et chercha à le détourner de la foi. Alors Paul, empli du Saint Esprit, regarda le magicien et dit : « Ô, homme plein de toutes espèces de ruse et de fraude ! Fils du diable ! Ne cesseras-tu pas de pervertir les voies droites du Seigneur ? Voici que maintenant la main du Seigneur est sur toi, tu seras aveugle, tu ne verras plus le soleil pour un temps ! ». Obscurité et ténèbres tombèrent sur le magicien qui chercha à tâtons quelqu’un pour le guider. Voyant cela, le proconsul fut frappé de l’enseignement du Seigneur. De nombreuses personnes crurent à sa suite et l’Eglise du Christ s’agrandit.


Paul et ses compagnons s’embarquèrent à Paphos pour Pergé de Pamphylie d’où ils partirent pour Antioche de Pisidie (qu’il ne faut par confondre avec Antioche-la-Grande de Syrie). Là ils prêchèrent le Christ. Comme de nombreuses personnes croyaient, les juifs envieux poussèrent les anciens de la ville (qui vivaient dans l’impiété grecque) à chasser sans égards les Saints Apôtres de la ville et de ses limites. Ces derniers, secouant la poussière de leurs pieds, se rendirent à Iconium où ils prêchèrent avec assurance, amenant à la foi une multitude de juifs et de grecs, non seulement par leurs paroles, mais aussi par les signes et miracles que leurs mains accomplissaient. C’est là qu’ils convertirent Sainte Thècle la vierge pour la fiancer au Christ. Les juifs incrédules incitèrent de nouveau les grecs et leurs chefs à rejeter les Apôtres et à les lapider. Cependant ces derniers eurent vent de l’affaire et purent s’enfuir en Lycaonie, à Lystres, à Derbé et leurs environs où ils prêchèrent.


Il y avait là un boiteux de naissance qui ne pouvait aucunement marcher. Par le Nom du Christ ils le mirent sur ses pieds et d’un bond, il marcha. Devant ce miracle le peuple proclama haut et fort en langue lycaonienne : « Les dieux sont descendus parmi nous sous forme humaine ! ». Ils appelèrent Barnabé Zeus et Paul Hermès, et des jeunes gens amenèrent taureaux et couronnes pour leur offrir un sacrifice. Voyant cela, Paul et Barnabé déchirèrent leurs vêtements et crièrent à la foule : « Pourquoi agissez-vous ainsi ? Nous sommes des hommes de la même nature que vous ! ». Et ils leur parlèrent du Dieu unique, Créateur de la terre et de la mer, qui offre les pluies du ciel et les saisons fertiles, qui donne la nourriture en abondance, et remplit de joie le coeur des hommes. Mais c’est à grand peine que ces paroles les empêchèrent de leur offrir un sacrifice.


Alors qu’ils demeuraient à Lystres, des juifs vinrent d’Iconium et d’Antioche pour inciter la foule à s’écarter des Apôtres en les accusant de mensonge. Ils firent si bien qu’ils poussèrent les habitants à un mal plus grand encore : ils lapidèrent Paul, qui détenait la Parole, et le laissèrent pour mort à l’extérieur de la ville. Il put cependant se relever, retourner dans la ville et retrouver Barnabé, avec lequel il partit le lendemain matin pour Derbé. Après y avoir prêché la Bonne Parole et instruit de nombreuses personnes, ils retournèrent à Lystres, à Iconium et à Antioche de Pisidie, fortifiant les âmes des disciples et les exhortant à demeurer fermes dans la foi. Priant et jeûnant, ils nommèrent des anciens pour chaque Eglise et les recommandèrent au Seigneur en Lequel ils avaient cru. Ensuite, ils traversèrent la Pisidie pour se rendre en Pamphylie, annoncèrent la Parole du Seigneur à Pergé, puis descendirent à Attalie. De là, ils s’embarquèrent pour Antioche de Syrie où l’Esprit les avait envoyés au début de leur ministère pour prêcher la Parole du Seigneur. A Antioche, ils rassemblèrent l’Eglise et racontèrent ce que Dieu avait fait d’eux et des païens qu’ils avaient convertis au Christ.


Peu de temps après, les juifs convertis et les grecs d’Antioche eurent une discussion sur la circoncision. Les uns disaient qu’il était impossible d’être sauvé sans être circoncis, les autres trouvaient la chose trop pénible. Paul se rendit à Jérusalem avec Barnabé pour traiter de cette question avec les Apôtres et les anciens, et leur annonça comment Dieu avait ouvert aux païens les portes de la foi, nouvelle qui réjouit beaucoup tous les frères de Jérusalem. Les Saints Apôtres et les anciens se réunirent donc et décidèrent d’abroger la circoncision de l’Ancien Testament, désormais inutile devant la grâce. Ils commandèrent de s’abstenir de la viande sacrifiée aux idoles et de l’impudicité, et de n’offenser en rien le prochain.


Après cela, ils renvoyèrent Paul et Barnabé à Antioche avec Jude et Silas, où ils demeurèrent assez longtemps avant de se séparer de nouveau pour aller vers les païens. Barnabé se rendit à Chypre avec Marc son parent. Quant à Paul, il choisit Silas et partit dans les villes de Syrie et de Cilicie pour y fortifier les Eglises. Parvenu à Derbé et à Lystres, il dut circoncire son disciple Timothée à cause des murmures des juifs. De là, il gagna la Phrygie et la Galatie, puis traversa la Mysie jusqu’à Troas, avec l’intention de gagner la Bithynie, ce que l’Esprit Saint ne lui permit pas de faire.


Alors que Paul se trouvait à Troas avec ses disciples, il eut une vision nocturne : un homme qui avait l’apparence d’un Macédonien se tint devant lui pour le prier de venir aider son pays. Paul comprit que le Seigneur l’y appelait à prêcher la Bonne Nouvelle.


Ayant quitté Troas avec ses disciples, Paul atteignit Samothrace, puis, au matin, Néapolis. Il atteignit ensuite la ville de Philippes, en Macédoine, où vivaient des romains. Il y baptisa une marchande de pourpre dénommée Lydie, après lui avoir enseigné la foi au Christ. Elle l’invita à demeurer dans sa maison avec ses disciples.


Un jour, alors que Paul se rendait à l’église avec ses disciples pour la prière, une jeune fille vint à leur rencontre. Cette jeune fille était possédée d’un esprit malin divinateur duquel ses maîtres tiraient grand profit. Suivant Paul et ses compagnons, elle criait sans relâche : « Ces hommes sont les serviteurs du Dieu Tout-Puissant qui nous annoncent la voie du salut! » Elle harcela Paul de cette façon pendant de nombreux jours. Celui-ci, excédé, finit par se retourner et chasser l’esprit en invoquant le Nom du Christ. Les maîtres de la jeune fille, voyant s’évaporer la source de leurs gains, se saisirent de Paul et de Silas et les conduisirent devant les princes et les stratèges en disant : « Ces hommes troublent notre ville ! Ce sont des juifs qui enseignent des coutumes que pour nous, romains, il ne convient ni d’accepter ni de suivre ! » . Les stratèges arrachèrent leurs vêtements et les firent bastonner, leur occasionnant de nombreuses blessures, puis ils les firent jeter en prison. Vers minuit, alors qu’ils priaient, la prison trembla, ses portes s’ouvrirent et les liens des prisonniers furent rompus. Voyant cela, le geôlier crut au Christ et conduisit les prisonniers chez lui, lava leurs plaies, et se fit baptiser avec toute sa maisonnée. Ensuite, il leur prépara un repas, après quoi ils retournèrent tous dans la prison. Au matin, les stratèges se repentirent d’avoir fait battre des innocents et ils envoyèrent des hommes les libérer, leur donnant la possibilité de partir où ils le souhaitaient. Mais Paul leur dit : « Après nous avoir battu publiquement et sans jugement, nous qui sommes citoyens romains, ils nous ont jetés en prison ! Et voilà que maintenant, ils nous en font sortir secrètement ! Il n’en sera pas ainsi ! Qu’ils viennent eux-mêmes nous mettre en liberté ! » Les messagers s’en retournèrent auprès des stratèges pour leur rapporter les paroles de Paul. Ceux-ci eurent peur en apprenant que les prisonniers qu’ils avaient battus étaient des citoyens romains. Ils vinrent donc les supplier de quitter la ville. Quittant leur cellule, Paul et ses compagnons se rendirent à la maison de Lydie où ils avaient séjourné à leur arrivée : ils y consolèrent les frères qui y étaient rassemblés et les embrassèrent. Puis ils partirent pour Amphipolis et Apollonie.


Par la suite, ils parvinrent à Thessalonique où ils convertirent une grande multitude de gens en prêchant la Bonne Parole. Les juifs jaloux rassemblèrent quelques méchants hommes et attaquèrent la maison de Jason où habitaient les Apôtres. Ne les ayant pas trouvés, ils s’emparèrent de Jason et de quelques autres frères, et les traînèrent devant les magistrats. Ils les accusèrent de s’opposer à César en invoquant un autre Roi dénommé Jésus. Jason eut bien du mal à se libérer de cette calamité. De leur côté, les saints Apôtres s’étaient cachés en attendant de pouvoir quitter la ville de nuit pour se rendre à Bérée. Mais là aussi, la méchante jalousie des juifs ne laissa pas Paul en paix. En effet, les juifs de Thessalonique apprirent que Paul prêchait aussi la Parole de Dieu à Bérée, et ils vinrent y soulever le peuple contre lui. Le Saint Apôtre dut de nouveau prendre la fuite en direction de la mer, non qu’il eût peur de la mort, mais parce que les frères le priaient instamment de préserver sa vie pour le salut d’une multitude. Silas et Timothée restèrent à Bérée pour affermir la foi des prosélytes, car les juifs en voulaient uniquement à la tête de Paul.


Paul s’embarqua sur un navire en partance pour Athènes. Constatant que cette ville était pleine d’idoles, il fut irrité de voir tant d’âmes se perdre. Il se mit donc à débattre avec les juifs dans les synagogues, et avec les grecs et leurs philosophes sur les places publiques. Ces derniers le conduisirent à l’Aréopage (c’est ainsi qu’on appelait le lieu situé près du temple d’Arès où l’on prononçait les condamnations à mort). Certains avaient dans la tête d’entendre des nouveautés mais d’autres, comme l’a dit Saint Jean Chrysostome, attendaient l’occasion de le livrer au jugement, aux souffrances et à la mort, au cas où ils viendraient à entendre de sa bouche quelque chose qui méritât le châtiment. Il entama son discours par une allusion à un autel d’Athènes dédié à un Dieu inconnu, et leur parla du vrai Dieu qu’ils ne connaissaient pas en disant : « Le Dieu que vous révérez sans le connaître, c’est Celui-là que je vous annonce ! ». Et il leur présenta le Dieu qui avait créé le monde entier. Puis il aborda le sujet du repentir, du jugement et de la résurrection des morts. En entendant parler de résurrection des morts, certains se moquèrent, mais d’autres voulurent en savoir davantage... A l’issue de ce discours, Paul quitta l’Aréopage sans condamnation, et la Parole de Dieu s’appropria quelques âmes : quelques hommes s’attachèrent en effet à l’Apôtre, dont Denis l’Aréopagite, une femme honorable dénommée Damaris, et d’autres qui demandèrent à recevoir le baptême.


Paul quitta ensuite Athènes pour Corinthe où il demeura chez un juif dénommé Aquilas. Timothée et Silas vinrent de Macédoine le rejoindre et c’est ensemble qu’ils servirent la Parole. Aquilas et sa femme Priscilla étaient fabriquants de tentes. Paul apprit leur métier et put ainsi gagner sa nourriture et celle de ses compagnons par le travail de ses mains. Comme il le dira plus tard aux Thessaloniciens : « Nous n’avons mangé gratuitement le pain de personne. C’est dans le travail et la peine que nous avons été nuit et jour à l’oeuvre, pour n’être à la charge d’aucun d’entre vous » (2Thes.,3,8). Chaque samedi, il discutait avec les juifs dans les synagogues, démontrant que Jésus est véritablement le Christ, le Messie. Mais les juifs contestaient et l’injuriaient, si bien qu’il finit par secouer ses vêtements et dire : « Que votre sang retombe sur votre tête ! J’en suis pur ! A présent, je vais chez les païens ! » Comme il s’apprêtait à quitter Corinthe, le Seigneur lui apparut de nuit dans une vision et lui dit : « Ne crains point car Je suis avec toi, et personne ne mettra la main sur toi pour te faire du mal car J’ai un peuple nombreux dans cette ville ! ». C’est ainsi que Paul demeura un an et six mois à Corinthe et y enseigna la Parole de Dieu aux juifs et aux grecs. De nombreuses personnes se firent baptiser, notamment Crispus, le chef de la synagogue, qui crut au Seigneur avec toute sa famille. Mais certains juifs s’accordèrent pour attaquer Paul et le traîner au tribunal du frère du philosophe Sénèque, le proconsul Gallion, qui déclara : « S’il avait commis quelque injustice je l’aurais jugé, mais je ne veux pas prendre parti dans les controverses sur les paroles de votre loi ! ». Et il les chassa du tribunal sans juger Paul. Celui-ci demeura encore assez longtemps à Corinthe, puis il embrassa les frères et s’embarqua pour la Syrie avec ses compagnons. Aquilas et Priscilla le suivirent, et ils accostèrent à Ephèse.


Là, ils prêchèrent la Parole de Dieu. Paul accomplit de nombreux miracles, non seulement en imposant les mains aux malades, mais aussi par l’intermédiaire de linges imbibés de sa sueur. On appliquait ces derniers sur des malades qui étaient ainsi guéris de leurs maux ou bien délivrés des démons. Voyant ceci, quelques exorcistes juifs ambulants décidèrent d’invoquer à leur tour le Nom de Jésus pour délivrer une personne possédée par des esprits malins. Ils dirent : « Nous vous conjurons par ce Jésus que Paul prêche ! ». Mais les esprits malins répondirent : « Nous connaissons Jésus et nous savons qui est Paul, mais vous, qui êtes-vous ? » Et le possédé se jeta sur eux, les maîtrisa, les battit, et les blessa de telle manière qu’ils s’enfuirent nus. Cette anecdote fut connue de tout Ephèse, semant la peur chez les juifs, si bien que le Nom de Jésus fut magnifié et que de nombreuses personnes crurent en Lui. Il se trouva même un certain nombre de ceux qui avaient pratiqué l’art de la magie pour venir à la foi : ce faisant, ils rassemblèrent leurs livres de magie et les brûlèrent aux yeux de tous. Or, la valeur de ces livres fut estimée à cinquante mille pièces d’argent. Ainsi, la Parole de Dieu croissait en puissance.


Après cela, Paul conçut le projet de partir pour Jérusalem et précisa : « Quand je m’y serai rendu, il conviendra que je voie aussi Rome ! ». Il quitta donc Ephèse après un séjour de trois ans, qui se termina par d’importants désordres provoqués par les adorateurs d’Artémis. Puis il se rendit à Troas avec ses compagnons et y resta sept jours. Alors qu’ils étaient dans cette ville, les disciples se rassemblèrent le premier jour de la semaine pour rompre le pain, après quoi Paul entreprit avec eux un long entretien qui se prolongea jusqu’à minuit. La chambre dans laquelle avait lieu la réunion était fortement éclairée ; un jeune homme s’endormit sur le bord d’une fenêtre, tomba du troisième étage et mourut. Paul descendit, se pencha sur lui, le prit dans ses bras et dit : « Ne vous troublez pas ! Son âme est en lui ! ». Il remonta dans la chambre et on ramena le jeune homme vivant. L’entretien se poursuivit jusqu’à l’aube et Paul partit après avoir embrassé les fidèles. Parvenu à Milet, il envoya chercher les anciens de l’Eglise à Ephèse, car il ne voulait pas y retourner lui-même pour ne pas retarder davantage son arrivée à Jérusalem. Comme les anciens arrivaient, il leur dit : « Prenez garde à vous-mêmes, veillez sur tout le troupeau sur lequel l’Esprit Saint vous a établi évêques, et paissez l’Eglise que le Seigneur s’est acquise par son propre sang ! ». Et il leur prédit que des loups cruels s’introduiraient parmi eux après son départ. Il leur parla également du voyage qu’il projetait d’entreprendre : « Je vais à Jérusalem, lié par l’Esprit Saint, sans savoir ce qui m’attend. L’Esprit Saint m’a seulement prévenu que des liens et des tribulations m’attendent. Je ne considère cependant pas ma vie comme précieuse, l’essentiel étant que j’accomplisse avec joie ma course et le ministère que j’ai reçu du Seigneur ! » Et comme il ajoutait : « Maintenant, voici que je m’en vais et qu’aucun d’entre vous ne verra plus mon visage ! », tous fondirent en larmes, se jetèrent à son cou, l’embrassèrent, s’affligeant de ce qu’il avait dit qu’ils ne reverraient plus jamais son visage, et l’accompagnèrent jusqu’au navire. Il donna à chacun un dernier baiser et commença son voyage. Après avoir traversé de nombreuses villes et régions côtières et avoir mouillé dans plusieurs îles, il accosta à Ptolémaïs et parvint à Césarée. Il logea là chez le Saint Apôtre Philippe, l’un des sept diacres, où il reçut la visite d’un prophète dénommé Agabus. Ce dernier prit la ceinture de Paul, se lia les pieds et les mains et dit : « Ainsi parle l’Esprit Saint ! Les juifs de Jérusalem lieront ainsi l’homme auquel appartient cette ceinture ! Ils le livreront aux mains des païens ». En entendant cela, les frères en larmes prièrent Paul de ne pas monter à Jérusalem. Mais celui-ci répondit : « Qu’avez-vous à pleurer et me briser le coeur ? Non seulement je veux être lié, mais je suis prêt à mourir à Jérusalem pour le Nom du Seigneur Jésus ! » Les frères se turent, puis conclurent en disant : « Que la volonté de Dieu soit faite! ».


Sur ce, Paul monta à Jérusalem avec ses disciples, parmi lesquels se trouvait Trophime d’Ephèse, un grec converti au Christ. A Jérusalem, Paul fut reçu avec amour par le Saint Apôtre Jacques, frère du Seigneur, et par tous les fidèles de l’Eglise. Ces jours-là, des juifs d’Asie vinrent à Jérusalem pour la fête. Ils haïssaient Paul et s’étaient élevés partout contre lui en Asie. L’ayant aperçu en ville en compagnie de Trophime d’Ephèse, ils allèrent trouver les grands sacrificateurs, les scribes et les anciens, l’accusant de détruire la loi de Moïse en ordonnant de ne pas se faire circoncire et en prêchant partout le Christ crucifié. Ils s’excitèrent ainsi les uns les autres pour se saisir de lui. Le jour de la fête, les juifs d’Asie le virent dans le temple, l’accusèrent, soulevèrent le peuple contre lui et se saisirent de lui en criant : « Peuple israélite, au secours ! Voici celui qui prêche partout contre notre peuple, contre la loi, contre ce lieu, et qui blasphème ! Il a même profané ce lieu saint en y introduisant des grecs ! » Ils pensaient en effet que Paul était entré au temple avec Trophime. Toute la ville s’agita, les gens accoururent et se saisirent de Paul, le traînèrent hors du temple et fermèrent les portes derrière lui. Leur intention était de le mettre à mort à l’extérieur pour ne pas souiller le lieu saint. A ce moment-là, le tribun de la cohorte qui gardait la ville apprit que tout Jérusalem s’était soulevé. Il accourut avec ses soldats et les centurions. Voyant les soldats et le tribun, les gens cessèrent de frapper Paul. Le tribun ordonna qu’on se saisît de lui, le fit lier par deux chaînes de fer et lui demanda qui il était et quel mal il avait commis. Le peuple criait de le tuer. Le tumulte était tel que le tribun ne put comprendre la faute de Paul. Il fit donc conduire le prisonnier dans la forteresse. Les soldats s’exécutèrent, traversant cette multitude qui réclamait la mort. Alors qu’ils arrivaient sur une hauteur, Paul demanda au tribun l’autorisation de dire quelques mots au peuple, et le tribun la lui accorda. Paul s’adressa au peuple en langue hébraïque en disant : « Frères et pères ! Ecoutez ce que j’ai maintenant à vous dire pour ma défense !... ». Et il leur parla de son zèle de jadis pour la Loi de Moïse. Puis il raconta comment, sur le chemin de Damas, il fut illuminé par une lumière céleste et vit le Seigneur qui l’envoya vers les païens. Mais le peuple ne voulut pas écouter plus longtemps et cria au tribun : « Ote de la terre un tel homme ! Il n’est pas digne de vivre ! » Ils poussèrent des cris, jetèrent leurs vêtements, lancèrent de la poussière en l’air et exigèrent avec fureur la mort de Paul. Le tribun fit entrer ce dernier dans la forteresse et il lui fit donner le fouet pour savoir pour quel motif le peuple criait ainsi contre lui. Pendant qu’on le fouettait, Paul s’adressa au centurion qui se tenait à ses côtés :


- Vous est-il permis de battre ainsi de verges un citoyen romain qui n’est même pas condamné ?


A ces mots, le centurion s’approcha du tribun et lui dit :


- Regarde ce que tu vas faire ! Cet homme est citoyen romain !


Le tribun s’approcha de Paul et lui dit :


- Es-tu romain ?


- Oui !


- C’est avec beaucoup d’argent que j’ai acquis ce droit de citoyenneté !


- Moi, c’est de naissance !


Sur ce, le tribun fit délier Paul. Le lendemain matin, il convoqua les principaux sacrificateurs et les anciens et fit appeler le prisonnier. Fixant le sanhédrin du regard, Paul dit :


- Frères ! C’est en toute bonne conscience que je me suis conduit jusqu’à ce jour devant Dieu !


A ces mots, le souverain sacrificateur Ananie ordonna à ceux qui se tenaient près de Paul de le frapper sur la bouche. Alors Paul lui dit :


- Dieu te frappera, muraille blanchie ! Tu es assis pour me juger suivant la loi et tu violes la loi en ordonnant de frapper un innocent !


Paul comprit que cette assemblée était composée en partie de pharisiens et en partie de sadducéens, c’est pourquoi il s’écria devant le sanhédrin :


- Frères ! Je suis pharisien et fils de pharisien ! C’est à cause de l’espérance dans la résurrection des morts que je suis mis en jugement !


Lorsqu’il eut dit cela, une vive discussion s’éleva entre pharisiens et sadducéens et l’assemblée se divisa. Les sadducéens disaient qu’il n’y a pas de résurrection, pas plus que d’ange ni d’esprit, alors que les pharisiens affirmaient le contraire. Une grande clameur ne tarda pas à s’élever, car les pharisiens avouaient ne trouver aucun mal en cet homme alors que les sadducéens pensaient le contraire, et ce fut la discorde. Le tribun, craignant que Paul ne fut mis en pièces, ordonna de le faire sortir et de le conduire dans la forteresse. La nuit suivante, le Seigneur apparut à Paul et lui dit : « Prends courage ! De même que tu as témoigné de Moi à Jérusalem, il faut que tu Me rendes témoignage à Rome ! ».


Le jour suivant, certains juifs ourdirent un complot et firent voeu de s’abstenir de nourriture et de boisson jusqu’à ce qu’ils aient tué Paul. Ils étaient en tout plus de quarante hommes. Ayant eu vent de l’affaire, le tribun envoya Paul sous bonne escorte à Césarée chez le gouverneur Félix. Les principaux sacrificateurs, aussitôt avertis, se rendirent à Césarée pour calomnier Paul devant le gouverneur. Pourtant, ils ne parvinrent pas à obtenir sa mort, car aucune faute justifiant une telle sentence ne pouvait lui être imputée. Toutefois, le gouverneur garda Paul en prison pour être agréable aux juifs. Deux ans s’écoulèrent ainsi, jusqu’à ce que Félix fût remplacé par Porcius Festus. Les principaux sacrificateurs demandèrent au nouveau gouverneur d’envoyer Paul à Jérusalem, en préparant un guet-apens pour le tuer en chemin. Festus demanda à Paul s’il voulait se rendre à Jérusalem pour y être jugé et celui-ci répondit : « Je me trouve ici devant le tribunal de César où je dois être jugé. Si j’ai commis quelque crime méritant la mort, je ne refuse pas de mourir. Mais si on ne trouve pas en moi ce qui a poussé ceux de Jérusalem à me calomnier, alors personne ne pourra me livrer à eux car j’en appelle à César ». Sur ce, Festus délibéra avec le conseil puis déclara à Paul : « Tu en as appelé à César, tu iras devant César ! ».


Quelques jours plus tard, le roi Agrippa arriva à Césarée et demanda à voir Paul. Une fois devant lui et Festus, Paul parla du Seigneur Christ, et leur raconta comment il avait été amené à la foi. Comme Agrippa lui disait : « Encore un peu et tu vas faire de moi un chrétien ! », Paul rétorqua : « Qu’il s’en faille de peu ou de beaucoup, plaise à Dieu que non seulement toi, mais tous ceux qui m’écoutent aujourd’hui deviennent tels que je suis moi-même, à l’exception de ces chaînes ! ». Sur ces paroles, le roi, le gouverneur et leur suite se retirèrent en se disant les uns aux autres : « Cet homme n’a rien fait qui mérite la mort ou la prison ! ». Agrippa dit à Festus : « Cet homme aurait pu être relâché, s’il n’en avait pas appelé à César ! ». C’est ainsi qu’on décida d’envoyer Paul à Rome devant César et qu’il fut remis avec d’autres prisonniers entre les mains du centurion Julius de la cohorte Augusta. Ils embarquèrent sur un navire et le voyage commença.


La route ne fut pas sans difficultés, à cause des vents contraires. Parvenus en vue de la Crète et d’un lieu dénommé Bons-Ports, Paul devina l’avenir et suggéra de s’arrêter là pour passer l’hiver. Mais le centurion préféra écouter l’avis du timonier et de l’armateur, et ils continuèrent leur route. De nouveau en pleine mer, une tempête très violente s’éleva. On ne vit ni le soleil ni les étoiles pendant deux semaines, au point de perdre toute idée de l’endroit où l’on se trouvait. Malmenés par les vagues, désespérés, les voyageurs ne mangeaient rien, attendant la mort. Le navire comptait en tout deux cent soixante-seize âmes. Une nuit Paul les consola : « Mes amis, il aurait fallu m’écouter et ne pas quitter la Crète ! Toutefois, je vous exhorte à ne pas perdre courage car aucun de vous ne périra. Seul le navire sera perdu. Cette nuit, un ange de Dieu m’est apparu et m’a dit : Ne crains pas, Paul, il faut que tu comparaisses devant César et voici que Dieu t’a donné tous ceux qui naviguent avec toi. C’est pourquoi, mes amis, rassurez-vous ! J’ai confiance en Dieu qu’il en sera ainsi ». Puis il les exhorta à prendre un peu de nourriture et ajouta : « Ne craignez pas, car pas un cheveu de vos têtes ne sera perdu ! ». Ayant dit cela, il prit du pain, rendit grâce à Dieu et mangea. Tous, réconfortés, prirent un peu de nourriture. Comme le jour se levait, ils aperçurent la terre sans toutefois savoir de quel lieu il s’agissait. Ils dirigèrent le navire vers la côte. Parvenu près du rivage, le navire s’échoua. La proue, prise sur un récif, s’immobilisa, tandis que la poupe se brisait sous la violence des vagues. Les soldats se concertèrent pour tuer les prisonniers afin qu’aucun d’eux ne s’enfuît, mais le centurion, qui voulait sauver Paul, les empêcha d’exécuter leur dessein et ordonna à ceux qui savaient nager de se jeter à l’eau les premiers pour gagner la terre. Les autres quittèrent le navire à leur suite, qui sur des planches, qui sur des débris flottants. Tous atteignirent vivants la terre. Ils apprirent que l’île sur laquelle ils avaient échoué s’appelait Malte. Les barbares qui peuplaient l’île leur témoignèrent beaucoup de bienveillance. Ils firent un grand feu à cause du froid et de la pluie qui tombait, pour permettre aux naufragés de se réchauffer. Comme Paul ramassait des broussailles pour alimenter le feu, une vipère, réveillée par la chaleur, se suspendit à sa main. Quand les barbares virent le serpent suspendu à la main de Paul, ils se dirent : « Assurément, cet homme est un meurtrier puisque la justice de Dieu n’a pas voulu le laisser vivre après qu’il eût été sauvé de la mer ! » Mais Paul secoua le serpent dans le feu sans subir aucun mal. Les gens pensaient le voir enfler et mourir sous l’effet du venin. Après avoir attendu longtemps sans que rien ne se produisît, ils changèrent d’avis et pensèrent qu’ils avaient affaire avec un dieu.


Le personnage principal de l’île, un certain Publius, reçut les naufragés et s’occupa d’eux pendant trois jours. Son père, souffrant des intestins et de la fièvre, était alité. Entrant chez lui, Paul pria le Seigneur, lui imposa les mains et le guérit. Là-dessus, les autres malades de l’île accoururent et furent tous guéris par Paul. Ils séjournèrent trois mois dans l’île, puis prirent un autre navire qui les conduisit à Syracuse, et de là à Rhegium (Reggio) et à Puteoli (Pouzzoles), après quoi ils atteignirent Rome.


Apprenant l’arrivée de Paul, les frères de Rome vinrent à sa rencontre jusqu’au Forum d’Appius et aux Trois-Cavernes. Paul se réjouit en les voyant, et rendit grâce à Dieu. A Rome le centurion qui accompagnait les prisonniers depuis Jérusalem les remit au stratège, qui permit à Paul d’habiter seul, sous la garde d’un seul soldat. Paul résida ainsi à Rome deux ans, recevant tous ceux qui venaient lui rendre visite et prêchant le Royaume de Dieu et tout ce qui concerne notre Seigneur Jésus-Christ, sans obstacle et avec grande audace.


Tout ce que nous avons raconté jusqu’ici de la vie et des labeurs de Saint Paul nous vient des actes des Apôtres écrits par Saint Luc. Il parle lui-même de ses souffrances ultérieures dans l’épître aux Corinthiens : « Pour les travaux, bien plus, pour les coups bien plus, pour les emprisonnements, bien plus. Souvent en danger de mort; cinq fois j’ai reçu des juifs quarante coups moins uns, trois fois j’ai été battu de verges, une fois lapidé, trois fois j’ai fait naufrage, j’ai passé un jour et une nuit dans l’abîme, et souvent j’ai cheminé sur les routes ». De même qu’il avait arpenté la terre et la mer dans toutes ses dimensions au cours de ses voyages, il contempla l’Auteur Divin en étant ravi jusqu’au troisième ciel. Car le Seigneur, pour consoler son Apôtre des pénibles labeurs supportés en Son Nom, lui révéla les biens célestes que l’oeil n’a point vus, et lui fit entendre des paroles ineffables qu’il n’appartient pas à l’homme de rapporter.


Eusèbe de Pamphylie, évêque de Césarée de Palestine, a copié les actes de l’Eglise. Il nous a laissé le récit des derniers exploits du Saint Apôtre Paul. Il raconte qu’après avoir été incarcéré deux ans à Rome, il fut finalement déclaré innocent et libéré. Par la suite, il prêcha la Parole de Dieu tant à Rome que dans d’autres régions d’occident.


Saint Siméon Métaphraste rapporte qu’après son emprisonnement, Saint Paul resta encore quelques années à Rome pour y prêcher le Christ, puis quitta la capitale pour entreprendre des voyages en Gaule, en Espagne et en Italie, éclairant de la lumière de la foi les nombreux païens qu’il tirait du leurre des idoles. Alors qu’il était en Espagne, une femme noble et riche qui avait entendu parler de la prédication des Apôtres voulut le voir, et exhorta son mari Probus à inviter le saint chez eux. Alors que Saint Paul entrait dans leur demeure, cette femme, dénommée Xanthippe, vit sur le front de l’Apôtre cette inscription en lettres d’or : Paul, Apôtre du Christ. Ayant vu ce que personne d’autre ne put voir, elle se jeta avec crainte aux pieds de l’Apôtre, confessa le Christ comme seul vrai Dieu, et demanda le baptême. Elle le reçut donc, suivie de son mari Probus, de toute leur maison, du gouverneur de la ville, et de nombreuses autres personnes.


Après avoir visité ces pays occidentaux et les avoir éclairés de la lumière de la sainte Foi, Paul revint à Rome d’où il écrivit une lettre à son disciple Timothée en disant : « Je sers déjà de libation et le moment de mon départ approche. J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course, j’ai gardé la foi. Désormais m’est réservée la couronne de justice que le Seigneur me donnera ce jour-là ! ».


Le supplice du Saint Apôtre est décrit de manières différentes par les divers auteurs ecclésiastiques. Nicéphore Kalliste dans son livre d’histoire écclésiastique, ch.56, écrit que Saint Paul souffrit la même année et le même jour que le Saint Apôtre Pierre en aidant ce dernier à vaincre le mage Simon. Saint Siméon Métaphraste rapporte, quant à lui, que Saint Paul souffrit plusieurs années après la mort de Simon le mage, pour avoir converti deux concubines de Néron à une vie pure. D’autres auteurs disent bien que les deux Apôtres souffrirent le même jour, un 29 juin, mais à un an d’intervalle, Paul l’année qui suivit celle où Pierre fut crucifié. On raconte aussi que Paul fut mis à mort pour avoir exhorté les femmes et les vierges à mener une vie chaste et pure.


Quoi qu’il en soit, comme Saint Paul et Saint Pierre vécurent plusieurs années ensemble à Rome et en occident, il est tout à fait possible que Paul soit venu aider Pierre à Rome dans son combat contre le mage Simon au cours de son premier séjour à Rome, puis, au cours d’un second séjour, l’ait de nouveau aidé dans son oeuvre de salut en enseignant aux hommes ainsi qu’aux femmes à mener une vie chaste et pure. Ces exhortations rendirent furieux l’empereur Néron, homme impie et mauvais, si bien qu’il fit rechercher les deux Apôtres pour les mettre à mort. Pierre, en tant qu’étranger, fut crucifié, et Paul, en tant que citoyen romain, fut condamné à avoir la tête tranchée, car il ne convenait pas qu’il mourût de manière honteuse. On ne sait pas s’ils moururent la même année, mais en tout cas, leurs morts eurent lieu toutes les deux un vingt-neuf juin.


Quand la sainte tête de Paul fut tranchée, il en coula du sang et du lait. Les fidèles prirent son saint corps pour le déposer au même endroit que celui de Saint Pierre. C’est ainsi que mourut le vase élu du Christ, le maître des païens, le prédicateur universel, le visionnaire des hauteurs célestes et des biens du Paradis, offrant aux anges et aux hommes un spectacle étonnant. Grand ascète et grand-souffrant, Paul porta dans son corps les marques de son Seigneur, lui le prince des Apôtres, et fut de nouveau placé, cette fois-ci sans son corps, au troisième ciel, pour y être présenté à la Lumière Trinitaire avec son collaborateur et ami, cet autre prince des Apôtres, le Saint Apôtre Pierre. Ils quittèrent ainsi l’Eglise qui crie vers Dieu pour l’Eglise victorieuse, et fêtèrent dans les acclamations et la joie du témoignage et de la glorification, le Père, le Fils et le Saint Esprit, Dieu Un dans la Trinité, auquel il convient que nous pécheurs, nous offrions honneur, gloire, adoration et gratitude, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.

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