jeudi 7 mai 2009

TRAITE SUR L'HOMME (Partie I)


Saint Ignace Briantchaninov

INTRODUCTION

Depuis la solitude monastique, je contemple l'ample et splendide création. Je suis étonné et dépassé : partout l'inconcevable, partout la manifestation de l’Esprit qui surpasse tellement mon intellect qu'il ne peut circonscrire aucune de Ses œuvres ou de Ses actions. Je ne puis contempler de la création que ce que mes sens perçoivent : l'existence de la matière est tangible mais sa subtilité échappe à mon entendement limité. Pourtant je sens ‑ que la nature est régie par des lois vastes et sages au contrôle desquelles n'échappe aucune créature, grande ou petite. C'est seulement de façon partielle et superficielle qu'il m’est permis d’accéder à ces lois, afin que de cette connaissance qui représente le fruit d'efforts millénaires et la gloire de l'intelligence humaine, je puisse témoigner de l'existence d'un Esprit absolu et Tout‑Puissant (Rom 1‑20). La nature l'annonce Le prêche tout haut. La notion de Dieu existe naturellement en moi : l'œil pur de l'âme la puise dans la contemplation de la nature. Ceci s'opère de manière indicible et d’ailleurs, plus c'est inconcevable et plus j'avance dans la compréhension. La large voûte céleste est déployée devant moi, les astres parcourent leur trajectoire sans que j'en saisisse le comment; le brin d'herbe qu'on foule négligemment tire de la nature les sucs nécessaires, les décompose et produit une saveur, une odeur, une couleur et des fruits selon son espèce ; près d’elle une autre petite tige élabore, à partir de cette même terre et de ces mêmes sucs des propriétés tout autres; souvent près d'un petit fruit délicieux ou d'une fleur parfumée pousse une herbe au poison mortel et ceci m'est tout aussi incompréhensible.

Au beau milieu de la création, je suis là, moi aussi, L'homme. Qui suis‑je ? Quelles sont l'origine et le but de mon apparition sur terre? Quelle est la raison de cette vie terrestre, de cette errance, brève face à l'éternité, longue et fatigante à mon gré ? J'apparais sur terre sans que je m'en rende compte ni que je le veuille; je suis arraché à cette vie sans mon consentement, à une heure inconnue et imprévisible. J'apparais puis on m'emmène comme un esclave.
Je vis sans connaître mon avenir, ni même ce qui adviendra de moi dans un jour ou dans quelques instants. En permanence dans l'imprévu je suis le jouet des circonstances qui m'entourent et me réduisent en esclavage. Seules des petites habitudes ou une vie irréfléchie me réconcilient avec une situation aussi étrange. Mais tout ceci n'échappe pas à l'œil d’un observateur attentif : Qu'arrivera‑t‑il quand, après avoir passé quelque temps sur cette terre, je disparaîtrai de sa surface, comme tous les autres hommes ? L'instrument de mon départ fait peur: il s'appelle la mort. L’idée de mort est liée à l’idée de fin d’existence, or il y a en moi, involontairement et tout naturellement l’intuition que je suis immortel. Je me sens immortel et j'agis comme tel. Ceux qui meurent en toute lucidité parlent et se comportent comme s'ils changeaient de demeure, et jamais comme S'ils se détruisaient. L'homme est un mystère pour lui‑même.

Est‑il possible que ce mystère soit définitivement scellé ? Oui !
Le péché et la chute de l'homme l’ont scellé. Tant que je demeure dans ma chute, l'homme reste pour moi une énigme : ma raison, dénaturée et pervertie par le mensonge est impuissante à la résoudre. Je ne comprends ni mon âme ni mon corps et la connaissance que je crois posséder ne résiste à aucun examen approfondi. Les sages de ce monde, imbus d'eux-mêmes, ayant prononcé sur l'homme un enseignement arbitraire et vain, s'égarent dans les ténèbres du leurre, remplaçant la vérité par leurs suppositions. Ils entraînent à leur suite d'autres aveugles. Notre Seigneur Jésus Christ, le Dieu‑Homme, a dévoilé pour nous ce qui est accessible et utile de ce "mystère dans lequel sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science" (Col.2,3). La révélation divine nous accorde une connaissance encore relative de l'homme : en effet Dieu nous accorde seulement de nous voir et de nous connaître nous-mêmes, ce qui est indispensable pour l'œuvre du repentir et du salut, c'est à dire pour notre béatitude éternelle. Mais la raison essentielle de notre existence et la condition de cette existence, l'être lui‑même, ne sont connus que de Dieu. Les actes du Créateur ne peuvent être compris ni même expliqués. Seul Dieu possède la connaissance complète et parfaite, connaissance séparée par un fossé infranchissable des connaissances partielles des créatures.

Eclairés par la lumière de la Parole de Dieu qui jaillit de la Sainte Ecriture et des écrits des Pères, nous proposerons ici l'enseignement sur l'homme de l'Esprit Saint, nous le proposerons dans la pauvreté de nos capacités et de notre réussite spirituelle. Nous n'accorderons aucune attention à la raison faussée de l'homme déchu et des démons qui par orgueil estiment être les seuls instruits et sains d'esprit. Agissant ainsi, nous suivrons le commandement de l'Esprit qui par l'Apôtre a ordonné aux chrétiens :"Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie par la philosophie et par une vaine tromperie, s'appuyant sur la tradition des hommes, sur les rudiments du monde et non sur le Christ". (Col.2,8).

DEFINITION DE L'HOMME

Qu'est‑ce que l'homme ? A cette question, l'Apôtre répond :"Vous êtes le temple du Dieu Vivant" et comme Dieu l'a dit : " j'habiterai au milieu de vous et j'y marcherai ; Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple" (2Cor.6,15). Les saintes Ecritures qualifient l'homme de maison, de demeure, de vase. L'homme qui refuse d'être la maison de Dieu, le réceptacle de la grâce divine, devient la demeure du péché et de satan. Le Sauveur a dit :"Lorsque l'esprit impur est sorti d'un homme, il va par des lieux arides, cherchant du repos et il n'en trouve point. Alors il dit : je retournerai dans la maison d'où je suis sorti et, quand il arrive, il la trouve vide, balayée et ornée. Il s'en va et il prend avec lui sept autres esprits plus méchants que lui, ils entrent dans la maison, s'y établissent et la dernière condition de cet homme est pire que la première" (Matt. 12,43 ‑45). L'homme ne peut pas ne pas être tel qu'il a été créé, une maison, un vase. Il ne lui est pas donné de demeurer seul avec lui-même, sans communion avec Dieu, ce serait contre nature. Il n'existe lui-même que par la grâce agissante de Dieu et en repoussant cette dernière, il devient étranger à lui même et s'asservit involontairement aux esprits déchus.

Contemplant avec vénération la liberté laissée par Dieu aux hommes de réussir tant dans le bien que dans le mal pendant toute leur vie terrestre, l'Apôtre dit : "Comme des pierres précieuses, édifiez‑vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce, afin d'offrir des victimes spirituelles agréables à Dieu par Jésus Christ" (1Pierre.2,5). "Dans une grande maison il n'y a pas seulement des vases d'argent, mais il y en a aussi de bois et de terre; les uns sont des vases d'honneur et les autres sont d'un usage vil. Si donc quelqu'un se conserve pur, en S'abstenant de ces choses, il sera un vase d'honneur, sanctifié, utile à son maître, propre à toute œuvre" (2Tirn.2,20‑21).

La liberté est accordée mais la volonté de Dieu reste immuable : "Ce que Dieu veut, c'est votre sanctification, c'est que vous vous absteniez de l'impudicité; c'est que chacun de vous sache posséder son corps dans la sainteté et l'honnêteté, sans vous livrer à une convoitise passionnée, comme font les païens qui ne connaissent pas Dieu ; ... Car Dieu ne nous a pas appelés à l'impureté, mais à la sanctification. Celui qui rejette ces préceptes ne rejette pas un homme mais Dieu qui vous a aussi donné son Esprit Saint" (IThess.4,3‑8). C'est dans le christianisme que l'homme devient la demeure de Dieu; c'est l'Esprit Saint qui construit et orne cette demeure : "Vous êtes édifiés pour être une habitation de Dieu en Esprit" (Eph.2,22). Qu'il est désirable pour l'homme d'accomplir la volonté de Dieu en acceptant la dignité qui lui est proposée 1 Cette dignité était un don de Dieu lors de la création de l'homme; perdue après la chute, elle redevient un don de Dieu par la rédemption. "Je fléchis les genoux devant le Père ... afin qu'Il vous donne, selon la richesse de Sa gloire, d'être puissamment fortifiés par Son Esprit dans l'homme intérieur et que Christ habite en vous par la foi" (Eph.3, 14, 16‑17). Cette dignité est instituée et accordée par Dieu, la repousser entraîne la perdition éternelle.

Que nos frères bien-aimés, moines et ascètes chrétiens en général, qui désirent accomplir leur exploit ascétique avec justesse et conformément à la volonté Dieu, accordent de l’attention à la définition de l'homme que nous venons de donner. Le but de notre propos est d’exposer et d’expliquer en quoi consiste le juste exploit ascétique: cet exploit, arrêté d’avance par l'Esprit Saint, réside dans le renouvellement de l'ascète par la grâce divine, ascète qui devient le temple de Dieu, Père, Fils et Esprit. Saint Marc l’ascète qualifie "d’inexpérimenté» l'homme qui ne connaît pas le christianisme par expérience, qui ne sent pas que le Christ a fait sa demeure en lui. L’Apôtre invite les serviteurs du Christ à la juste ascèse, comme à une chose nécessaire : "Souffre avec moi comme un bon soldat de Jésus Christ... L'athlète n'est pas couronné s'à n'a pas combattu selon les règles" (2Tim.2,3‑5).

Il est naturel que l'enseignement sur l'homme de l'Ecriture Sainte soit prêché de façon unanime par les Pères de l'Église Orthodoxe.: "Nous sommes la maison de Dieu selon la parole des prophètes, de l'Evangile et des Apôtres", nous dit Saint Marc l'ascète, de même que Saint Jean Chrysostome affirme : "La grâce de l’Esprit Saint fait de nous des temples de Dieu si nous menons une vie pieuse et devenons capables de prier en tout lieu. Nos offices divins ne sont pas comme jadis chez les juifs, liés à un rituel complexe: il ne s'agit plus de venir au temple, d’acheter un pigeon, de porter dans ses mains du bois et du feu, de s'approcher de l'autel avec un sacrificateur et d'autres choses encore. Maintenant où que vous soyez, l'autel, le sacrificateur et le sacrifice sont préparés pour vous : vous êtes vous-mêmes la table, le célébrant et l'offrande.

"Vous êtes le temple du Dieu Vivant" (2Cor.6,16). Il convient donc d'orner cette demeure, en expulsant toute pensée coupable pour devenir un membre précieux du christ. Le temple de l'Esprit. "Personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, à savoir Jésus Christ" (lCor.3,1 1) "En Lui tout l'édifice ... s'élève" (Eph.2,2 1). En examinant l'œuvre avec attention, on voit que son fondement est une vie vigilante et juste. L'Edifice s'élève en un temple saint dans le Seigneur".(Eph.2,21‑22). Quel est cet édifice?
Un temple prédestiné à être la demeure de Dieu. "Chacun d’entre vous est un temple et tous en général, vous formez le temple dans lequel habite Dieu, comme dans le Corps du Christ, comme dans un temple spirituel" (St.Jean Chrysostome). A la suite de Saint Paul, Saint Isaac le Syrien, évêque de Ninive et ermite de Mésopotamie, déclare :"J'ose affirmer que nous sommes le temple de Dieu. Purifions son temple car Il est Pur, afin qu'Il désire venir y demeurer. Sanctifions‑le, parce qu'Il est Saint. Ornons‑le par de belles et bonnes œuvres. Encensons‑le en procurant à Dieu du repos par l'accomplissement de Sa volonté, par une prière pure venant du cœur qu'il est impossible d'acquérir en communiant fréquemment au monde et à ses agissements (une telle perversion du cœur éloigne le recueillement d’une prière attentive : pour obtenir celui‑ci, il faut confier tous ses soucis à Dieu). Alors la nuée de la gloire de Dieu couvrira l'âme et la lumière de Sa grandeur jaillira dans le cœur" (propos 68). Le ciel sera en toi si tu es pur : à l'intérieur de toi tu verras les anges avec leur lumière et Leur Maître avec eux. Le trésor de l'humble est au dedans de lui : c’est le Seigneur (propos 8). Le temple de la grâce, c'est celui qui est un avec Dieu et demeure préoccupé de son Jugement.

Que signifie demeurer préoccupé de son jugement ? Rien «autre que de rechercher en permanence tous les moyens pour procurer à Dieu du repos (l'homme procure à Dieu du repos lorsqu'il est soumis à Sa volonté et à l'Evangile), de s'affliger en permanence, de s'attrister de la faiblesse de notre nature qui nous empêche d'atteindre la perfection, de garder en permanence le souvenir de Dieu (par la prière incessante), comme l'a dit le bienheureux Basile. Par la prière recueillie exempte de distraction, la volonté de Dieu devient manifeste pour l'âme. Par le souvenir incessant de Dieu, l'âme devient la demeure de Dieu. (propos 89). On demanda à Saint Isaac comment l'ascète pouvait sentir qu'il avait atteint la perfection de cette vie. S'appuyant sur sa profonde expérience, il répondit "Ceci a lieu quand l'hésychaste peut demeurer en permanence dans la prière. Celui qui a atteint cela a atteint la cime de la vertu et est ainsi devenu la demeure de l'Esprit Saint.

Si quelqu'un n'a pas avec certitude reçu la grâce du Consolateur (en dehors de tout leurre démoniaque) , il ne peut demeurer ainsi dans la prière. l'Ecriture dit (Rom. 8,26) que lorsque l’Esprit vient habiter en l'homme, il ne cesse de prier car l'Esprit Lui‑même prie en lui. Alors la prière ne s'interrompt ni pendant le sommeil, ni en état de veille, mais quoi que l'homme fasse, le parfum de cette prière se répand sans effort dans le cœur. Alors la prière ne quitte pas l'ascète mais demeure en permanence en lui. Même si elle paraît cesser un bref instant, elle agit toujours secrètement". En accord avec les autres Pères, Saint Isaac enseigne que le Christ prend place dans nos cœurs par le saint baptême, comme une semence dans la terre. Ce don renferme en lui toute perfection mais suivant la vie que nous menons, nous le développons ou nous l'étouffons. Ainsi, ce don resplendit de toute sa beauté chez ceux qui ont travaillé les commandements évangéliques et ceci, à la mesure de leur travail.

Saint Macaire le Grand revient très souvent sur le dessein du créateur dans ses discours sur la perfection chrétienne. Il qualifie également l'homme de demeure, de temple, de vase ou de trône de la Divinité. Il précise que le Père Céleste a bien voulu demeurer en quiconque Le prie et croit en Lui. (Jn. 14,2 1). Telle est la miséricorde infinie du Père ! Tel est l'inconcevable amour du Christ ! Telle est la bienveillante et ineffable bonté de Dieu ! L'homme intérieur est à l'image de l'homme extérieur: un vase parfait et très précieux que Dieu a aimé plus que toutes les créatures. Comme notre intellect est le trône de la Divinité, l'Esprit est le trône de notre intellect. Après la transgression, satan et les puissances des ténèbres se sont assis sur le corps, le cœur et l'intellect d’Adam. Pour détruire leur royaume, le Seigneur a pris chair de la Vierge Marie, il les a déposés de leur trône (la raison et les pensées de l'homme) et a purifié l'intellect.

Notre nature peut communier avec les démons et les esprits malins ou avec les anges et l'Esprit Saint. Frères, scrutez donc votre conscience : avec qui êtes‑vous en communion ? Les anges ou les démons ? Etes‑vous la demeure de Dieu ou celle du diable ?

Pour nettoyer une maison souillée, il faut d'abord évacuer les impuretés puis ensuite orner la maison, la remplir de parfums et de trésors : de même faut‑il purifier d’abord notre cœur de satan afin que l'Esprit puisse venir y reposer. Les âmes qui cherchent un compagnon de voyage, c'est à dire la sanctification de lEsprit Saint, s'attachent de tout leur amour au Seigneur, vivent en Lui, Le prient, dirigent vers Lui leurs pensées, dédaignent tous les biens de ce monde. Elles deviennent alors dignes de recevoir l'huile de la grâce. Ensuite, elles peuvent vivre sans obstacle, étant en tout agréables à l'Epoux. Mais les âmes qui laissent leurs pensées ramper sur la terre abandonnent leur raison à la terre, et pire encore, se considèrent comme les véritables fiancées de l'Epoux, étant trompées par leur présomption.

Seule la vérité évangélique plait à Dieu, à l'exclusion de toute vérité terrestre. Ces âmes trompées ne sont pas nées d'en haut, elles n'ont pas reçu l'huile de la grâce. Une maison dans laquelle le Maître n'habite pas se remplit de saletés et d'odeurs fétides. Ainsi l'âme dans laquelle ne demeurent pas le Seigneur et Ses anges se remplit‑elle des ténèbres du péché et de mauvaises et humiliantes passions. Malheur au chemin sur lequel personne ne passe, où ne retentit le son d'aucune voix humaine, il deviendra le repaire des bêtes 1 Malheur à l'âme dans laquelle le Seigneur ne marche pas et d'où Il ne chasse pas de Sa voix les esprits du mal! Malheur à la maison inoccupée! Malheur à la terre en jachère 1 Malheur au navire sans timonier, il se brise et périt dans les vagues et la tempête ! Malheur à l'âme sans son véritable timonier, le Christ ! Se trouvant sur les vagues du sombre océan des passions et des esprits du mal, souffrant des intempéries, elle est exposée à sa perte ! Malheur à l'âme que le Christ ne cultive pas avec soin pour y produire les bons fruits de l'Esprit ! Délaissée, elle se couvre d'épines et de chardons et sera jetée au feu ! Malheur à l'âme dans laquelle le Christ ne demeure pas, elle se remplira de la mauvaise odeur des passions et des péchés.

LA CREATION DU MONDE

Conformément à notre définition de l'homme, nous avons l'intention de présenter, selon nos moyens, la merveilleuse architecture de ce temple raisonnable de Dieu, son histoire spirituelle et morale, depuis sa création jusqu'à la fin du monde. L'homme par son histoire attestera que seule la destination assignée par le Verbe de Dieu lui est naturelle.

L'homme fut crée par Dieu et cet acte du Créateur acheva la création du monde, c'est à dire de l'univers visible et invisible; Dieu prépara une demeure, la terre, pour sa créature. Par sa Parole, Il a tout extrait du néant. Parfait dans Sa sagesse, Il n'eut besoin ni de réflexion, ni de méditation : tout apparut par Sa pensée, par Sa Parole. Il créait de nouvelles créatures de celles déjà créées par Sa seule Parole. Sa pensée est Sa Parole et Sa Parole est Sa pensée. "Il a parlé et ils ont été faits, Il a commandé et ils ont été crées" (Ps 148,5). A Sa voix apparurent le ciel, la terre, les astres; les eaux se séparèrent de la terre et s'installèrent à leur place, puis la terre se couvrit de plantes et se peupla de divers animaux. La terre, créée, ornée et bénie par Dieu était sans défaut, emplie de beauté: "Dieu vit tout ce qu'Il avait fait et voici que cela était très bon" (Gen. 1,31). Aujourd'hui la terre présente à nos yeux un tout autre aspect. Nous ne la connaissons pas dans sa sainte virginité initiale mais dépravée et maudite, déjà condamnée à être consumée (Pierre.3,10). Elle avait été créée pour l'éternité.

Au commencement, elle n'avait pas besoin d'être cultivée (Gen.2,5), produisant d'elle même en abondance des céréales, des légumes, des fruits et d'autres plantes nutritives d'excellente qualité. Aucun végétal n’était nuisible ni corruptible ou soumis à la maladie. La corruption, les maladies et l'ivraie apparurent à la suite de la chute de l'homme comme l'attestent les paroles que Dieu dit à Adam en le chassant du paradis :

"Elle produira des épines et des ronces" (Gen.3,18). Au moment de la création, on ne trouvait sur la terre que de bonnes et belles choses, adaptées à la vie éternelle et bienheureuse de ses habitants.

Les changements du temps n'existaient pas : l'atmosphère était immuablement claire et saine. Il ne pleuvait pas non plus : un flot montait de la terre et arrosait toute la surface du sol (Gen.2,5‑6). Les animaux vivaient en parfaite harmonie, se nourrissant de la verdure des plantes (Gen. 1,30). Puis la colère du Créateur transforma la terre : "Maudit sera le sol à cause de toi" (Gen.3,17), dit‑Il à l'homme qui avait transgressé Son commandement. La bénédiction Divine disparue, un dérèglement général apparut immédiatement, signe avant‑coureur de la destruction finale qui s'avèrerait nécessaire. Quand la malédiction tomba, les vents sifflèrent, les tempêtes se déchaînèrent, les éclairs brillèrent, le tonnerre gronda, accompagnées de pluies, de neige, de grêle, d'innondation et de tremblements de terre. Les animaux cessèrent d’aimer l'homme et de lui obéir comme ce dernier fit avec Dieu. L'animosité s'instaura entre l'homme et les animaux.

L'homme en soumit quelques-uns par la force en les asservissant ; contre d'autres, il mena une guerre implacable et meurtrière. Très peu de bêtes lui restèrent attachées, triste souvenir de l'ancien amour disparu : en majorité, elles s'éloignèrent et se cachèrent de lui dans d'épaisses forêts, de vastes plaines, des gorges de montagnes ou des grottes obscures. Lorsqu'elles le rencontraient par hasard, elles jetaient sur leur ancien maître des regards sauvages et inamicaux, comme si elles voyaient en lui un criminel, ennemi de Dieu : certaines détalaient, d'autres se lançaient sur lui avec acharnement pour le tailler en pièces. L'animosité s'installa également au sein même de l'espèce animale; la malédiction qui frappait la terre eut des retombées sur la nature des bêtes : abandonnant la nourriture qui leur était destinée, elles commencèrent à se dévorer.

Nos ancêtres avaient été condamnés à connaître la mort à cause du péché et ils en sentirent les prémices dans leur âme et dans leur corps après l'éloignement de la grâce Divine, mais ils en connurent les conséquences visibles sur les animaux. Ce sont ces derniers probablement qui commirent les premiers meurtres puis l'homme commença à égorger des bêtes pour le sacrifice (Gen.4,4) et enfin la mort apparut parmi les hommes avec le meurtre du juste Abel par Cain le criminel (Gen.4,8). Avant la chute, la mort n’existait pas dans le monde. Elle y entra par le péché (Rom.5,12), l'envahit rapidement, le contamina, le détériora de manière incurable. Cette détérioration devint inévitable, comme conséquence naturelle du mal mortel. Au dernier jour de ce monde ancien et vétuste, la terre sera consumée, les astres tomberont du ciel, comme les fruits du figuier arrachés par le vent, le ciel lui‑même sera roulé comme un vêtement et disparaîtra (IIPierre.3, 10; Apo.6,14) Les quelques indications que nous livre la Genèse sur l'état premier de la Terre nous montre quelle énorme et triste transformation elle dut subir après la chute et ce changement nous est complètement inconcevable.

Plus haut, nous avons fait allusion à deux mondes: le visible et l'invisible (la création du monde est décrite dans les chapitres 1 et 2 de la Genèse). Cette conception des choses est très relative: notre état de chute nous suggère d'appeler monde visible la partie de la création que nos yeux perçoivent et monde invisible celle qu'ils ne perçoivent pas. En fait, cette distinction n'existe pas. (Les sens des Saints, renouvelés par l'Esprit Saint, ont une perception beaucoup plus vaste du monde que ceux des pécheurs qui demeurent dans la chute. D'ailleurs même pour ces derniers, la distinction visible‑invisible est rendue très arbitraire par les longues‑vue, les téléscopes, les microscopes et d'autres moyens mécaniques). Nous classons dans le monde invisible les anges et la partie de l'univers dans laquelle ils évoluent. La Genèse ne dit rien de la création des anges mais on peut déduire de l'Ecriture Sainte qu'ils furent créés avant le monde visible. La Bible nous décrit seulement la création du monde visible, c'est à dire matériel, et encore de façon relative: nulle part il n'est question des choses situées hors de la terre, sauf si celles‑ci ont une place dans la vie de l'homme.
L'Esprit Saint ne décrit de la création du monde que ce qui est essentiel pour nos besoins et s'abstient de nourrir notre curiosité, sachant combien notre raison présomptueuse abuse des connaissances. Par exemple, nous savons des astres qu'ils sont créés dans le but d'éclairer la terre et de marquer les temps, les jours et les années (Gen 1, 14‑15). La Parole de Dieu ne procure que les connaissances indispensables pour mener une vie pieuse et agréable à Dieu, qui fera de l'homme la demeure de l’Esprit Saint. C'est de manière originale, et non pas selon ce monde que l'Esprit enseigne à son « vase raisonnable » la doctrine élevée de la Vérité Divine, qui est tellement intolérable pour la sagesse chamelle et psychique. (Jean.16, 12‑13; ICor.2,13). Rappelons que la création du monde fut accomplie en six jours et fut terminée par la création de l'homme.

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