vendredi 10 avril 2009

LA CONSCIENCE



(Saint Ignace Evêque du Caucase et de la Mer Noire)

La conscience est un sentiment de l’esprit, humain, subtil, lucide, qui distingue le bien du mal.
Ce sentiment distingue plus clairement le bien du mal que ne le fait l’intellect. Il est plus difficile de séduire l’intellect que la conscience. La conscience lutte longtemps avec l’intellect, car il est séduit et dominé par la volonté qui aime le péché.
La conscience est une loi naturelle (Saint Abba Dorothé, ens.3 sur la conscience).
Avant la loi écrite, la conscience guidait l’homme. L’humanité déchue, progressivement, a fait sienne l’injuste façon de penser à Dieu, au bien et au mal ; la fausse intelligence communiqua son irrégularité à la conscience. La loi écrite devint une nécessité absolue pour être guidé vers la vraie connaissance de Dieu et une activité qui Lui soit agréable.
L’enseignement du Christ, scellé par le saint baptême, guérit la conscience de la malignité par laquelle le péché l’a contaminée (Hebr.10/22) ; la juste action de la conscience qui nous a été rendue, est soutenue, élevée, lorsqu’on suit le Christ.
Un état sain et une action juste de la conscience ne sont possibles que dans le sein de l’Eglise parce que toute pensée injuste (ou fausse) acceptée, a une influence sur la conscience : elle détourne d’une action juste.
Les péchés volontaires enténèbrent, affaiblissent, étouffent, assoupissent la conscience. Tout péché qui n’a pas été purifié par le repentir, laisse une impression qui nuit à la conscience.
Une vie de péché constante et volontaire, met comme à mort la conscience mais il n’est pas possible de la détruire complètement. Elle accompagnera l’homme jusqu’au terrible tribunal du Christ : là elle dénoncera celui qui lui a désobéi.
Selon le commentaire des Saints Pères, « L’adversaire » de l’homme, mentionné dans l’Evangile, c’est la conscience (Matt.5/25). C’est exact, elle est l’adversaire ! Parce qu’elle résiste à toute action contraire à la loi.
Pendant ta vie terrestre, garde la paix avec cet adversaire sur ton chemin vers le ciel, afin qu’il ne devienne pas ton accusateur au moment où ton destin se décidera.
L’Ecriture dit : »Le témoin véridique délivre des âmes » (Prov.14/25) Un témoin véridique, c’est une conscience sans tâche : elle délivrera l’âme qui écoute ses conseils, des péchés avant la mort et des souffrances éternelles après la mort.
Ainsi que la lame du couteau est aiguisée par une pierre, de même notre conscience est aiguisée par le Christ ; elle s’instruit, elle est éclairée par l’enseignement et elle s’exerce par l’accomplissement des commandements évangéliques.
La conscience, éclairée et exercée par l’Evangile, montre à l’homme ses péchés, clairement et en détail, même les plus petits.
Ne fais pas violence à ton adversaire, ta conscience ! sinon tu seras privé de la liberté spirituelle, le péché t’emprisonnera et te liera. Le Prophète s’afflige au nom de Dieu, pour ceux qui ont piétiné la conscience, se sont attaqués à eux-mêmes. « Ephraïm est opprimé, brisé par le jugement, car il a suivi les préceptes qui lui plaisaient » (Osée.5 /11).
Le tranchant de la conscience est très tendre ; il faut le préserver. Il est préservé lorsque l’homme accomplit toutes les exigences de la conscience et lave, par les larmes du repentir, toute transgression d’une exigence quelconque, par faiblesse ou ayant été entraîné ou séduit.
Ne pense d’aucun péché qu’il a peu d’importance : tout péché est une transgression de la loi de Dieu, une action contraire à la volonté de Dieu - le mépris de la conscience.
D’une vétille de transgressions, à première vue insignifiantes, nous passons progressivement à de très grands péchés.
« Qu’est-ce-que ça veut dire cela ? Est-ce-que c’est un péché qui a de la valeur ? Qu’est-ce-qu’un péché ? Mais ce n’est pas un péché ? »
ainsi raisonne celui qui néglige son salut lorsqu’il goûte à la nourriture du péché, interdite par la loi de Dieu. Se basant sur un jugement aussi peu fondé, il méprise constamment sa conscience.
Son tranchant s’émousse, sa lumière s’affaiblit, dans l ‘âme se répandent les ténèbres et le froid de la négligence et de l’insensibilité. L’insensibilité devient à la fin un état habituel dans l’âme. Souvent elle en est satisfaite ; souvent elle le reconnaît comme un état agréable à Dieu - comme la tranquillité de la conscience -, tandis qu’il est la perte du sentiment d’une vie spirituelle dans la grâce, l’endormissement et l’aveuglement de la conscience.(St Jean Climaque.ch.18)
Lors d’un tel état, lors du terrible enténèbrement et de l’insensibilité, divers péchés entrent librement dans l’âme, ils y installent une tanière pour eux. S’étant endurcis dans l’âme, les péchés deviennent des habitudes aussi fortes que la nature et, parfois, plus fortes qu’elle. Les habitudes des péchés s’appellent les passions. L’homme ne s’en aperçoit pas, mais imperceptiblement, il devient enchaîné de partout par le péché, il en est captif, il est dans l’esclavage.
Celui qui méprise constamment les rappels de la conscience, qui s’est permis de tomber dans l’esclavage du péché, celui-là, uniquement avec l’aide particulière de Dieu, pourra briser les chaînes de cet esclavage et vaincre les passions qui se sont transformées en des propriétés naturelles.
Bien-aimé frère ! Garde ta conscience avec le plus d’attention possible et de soins. Garde ta conscience à l’égard de Dieu : accomplis tous les commandements de Dieu, tant ceux qui sont visibles pour tous, que ceux qui sont visibles pour personne, visibles et connus uniquement par Dieu et ta conscience.
Garde ta conscience à l’égard du prochain, ne te contente pas uniquement d’une bonne apparence de ton comportement avec le prochain ; cherche de ton côté que ta conscience elle-même soit satisfaite de ton comportement. Elle sera satisfaite lorsque non seulement tes actions, mais aussi ton cœur, auront le comportement commandé par l’Evangile.
Garde ta conscience à l’égard des objets évitant le superflu, le luxe, la négligence, et souviens toi que tous les objets que tu utilises sont des créations de Dieu, des dons de Dieu à l’homme.
Garde ta conscience à l’égard de toi-même. N’oublies pas que tu es l’image et la ressemblance de Dieu, que tu as l’obligation de présenter cette image, dans la pureté et la sainteté, à Dieu Lui-Même.
Malheur, malheur, si le Seigneur ne reconnaît pas Son image, s’Il n’y trouve aucune ressemblance avec Lui-Même. Il prononcera une sévère condamnation : « Je ne vous connais pas » (Matt.25/12). L’image indécente sera jetée dans le feu inextinguible de la géhenne.
Une joie infinie remplira l’âme si le Seigneur, l’ayant regardé, y reconnaît la ressemblance avec Lui-Même, voyant en elle la beauté que par Son infinie bonté, Il lui a attribuée lors de la création, la renouvelant et l’augmentant lors de la Rédemption, beauté que l’âme a acquise en accomplissant les commandements évangéliques, et en s’éloignant de tout péché. Amen

mercredi 1 avril 2009

DU CHRISTIANISME INTERIEUR


Archiprêtre Jean Jouravsky
(Suite)
Mais une autre question douloureuse torture ceux qui cherchent le salut : qui sera notre guide sur cette voie dangereuse et inconnue ? Cette question en effraie plus d’un ! On ne trouve plus d’anciens expérimentés. Il n’y a plus de maîtres spirituels dans l’art de la vie secrète en Christ. Les Saints Pères n’affirment-ils pas que sans guide spirituel il est impossible de trouver le salut? Alors, que faire ?
Dieu est admirable dans Sa sagesse... Il nous a déjà laissé une parole de réconfort par la bouche de Ses saints, les antiques hommes de prière. Il a dit par leur bouche que les maîtres pneumatophores des derniers temps seraient les écrits sages en Dieu des Saints Pères (Cf. Saint Païssy Velitchkovsky, le saint hiérarque Ignace et d’autres encore). A ces écrits des Saints Pères, il convient d’ajouter aussi les tribulations de toutes sortes, selon la parole d’Abba Ischirion et d’autres Pères.
Jadis, les Saints Pères du désert égyptien de Scété s’entretenaient prophétiquement sur les dernières générations : « Qu’avons-nous fait ? », disaient-ils. L’un d’eux, le grand Ischirion, répondit : « Nous avons accompli les commandements de Dieu ! » Et comme on lui demandait : « Que ferons ceux qui viendront après nous ? », il répondit : « Ils auront une pratique deux fois moindre que la nôtre ». On lui demanda encore : « Et que feront ceux qui viendront après eux ? » « Ils n’auront pas du tout de pratique monastique, mais les tribulations seront permises pour eux. Ceux qui résisteront seront supérieurs à nous et à nos Pères ! » Voilà la vraie consolation de l’Esprit Saint pour les serviteurs de Dieu qui cherchent le salut en ces derniers temps dans les tribulations du monde. N’oublions jamais la grâce de cette consolation !
On trouve aussi la consolation en acceptant volontairement les tribulations, en pliant sous le joug sans chercher à s’en dégager : les tribulations acceptées conduisent au Royaume. C’est par beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le Royaume des Cieux (Act.14,22). Telle est la volonté de la Providence : nous devons nous soumettre sans trouble, porter nous-mêmes les tribulations, et leur soumettre notre volonté. Le salut réside actuellement dans l’humble soumission à la Providence. Nous devons fermement graver dans nos pensées le fait qu’aujourd’hui, ce ne sont plus ni les anciens ni les confesseurs qui nous éduquent pour la Vie Eternelle, mais les diverses et innombrables tribulations. Les tribulations sont nos maîtres pneumatophores et nos guides dans la prière. Dieu dirige nos vies aujourd’hui non par l’intermédiaire d’anciens expérimentés, mais par l’abondance des cruelles tribulations.
C’est pourquoi, il nous faut nous soumettre à chaque tribulation, la saluer jusqu’à terre comme un ancien expérimenté, et embrasser avec amour sa sainte main qui nous bénit comme un père. Nous trouverons la sagesse et l’illumination dans cette humble pratique spirituelle, et nous puiserons des forces dans les écrits sages en Dieu des Saints Pères, et tout particulièrement dans les écrits pleins de grâce du saint hiérarque Ignace Briantchaninov qui expérimenta lui-même la voie spirituelle des tribulations, et put ensuite la décrire avec une précision et une clarté prophétique. Ce sage hiérarque reçut le grand don de vivre de façon spirituelle dès ses jeunes années, et de pouvoir décrire clairement et intelligemment la vie secrète absolument inaccessible aux intelligences théologiques « théoriques ».
La vie spirituelle est la véritable théologie. Elle seule peut dévoiler l’intelligence cachée des Pères. Le Saint hiérarque Ignace a suivi cette voie, c’est pourquoi il s’est approprié l’esprit des Pères et a pu exposer avec une clarté et une justesse inimitables leur enseignement sur la prière de l’esprit. Les écrits patristiques sur ce sujet sont sages devant Dieu mais souvent peu accessibles. L’évêque Ignace a su lever le voile grâce à toutes les tribulations qu’il rencontra dans sa vie de prière.
La Sagesse divine et la compréhension des Saintes Ecritures s’éclaircissent à la mesure de la pratique selon Dieu. Demeurant en permanence dans une telle pratique, le saint hiérarque a éclairci les Pères jusqu’aux limites du possible, volant ainsi au secours de notre faible compréhension.
Pour tous ceux qui cherchent le salut aujourd’hui, l’Esprit de Dieu a offert comme maître le saint hiérarque Ignace et ses sages écrits. On ne peut trouver meilleur guide sur la voie spirituelle dans toute la littérature de l’Eglise. Il est lu non seulement chez nous, mais aussi en Orient et notamment au Mont Athos. D’ailleurs, de nombreux adeptes du labeur spirituel sont déjà venus de la Sainte Montagne pour vénérer sa tombe et obtenir ses saintes prières comme autant d’aides précieuses sur la voie des tribulations. Nous pouvons nous appuyer sans la moindre hésitation sur les écrits pneumatophores et accessibles de l’évêque Ignace. Il nous guideront sur la voie du salut et du perfectionnement spirituel. Ainsi pensent de nombreux athlètes spirituels de notre époque. Le saint hiérarque Ignace a pleinement commenté le commandement du Seigneur : Ce que Je vous dis, Je le dis à tous : veillez ! (Marc13,37), commandement repris par l’Apôtre : Priez sans cesse ! (1Thes.5,17). Récemment, l’Esprit Saint a éclairci la valeur secrète de la prière incessante en plaçant sur les lèvres pleines de grâces de l’homme de prière de Cronstadt ces mots : Garde ton esprit !

La pratique spirituelle commence par le repentir
De l’essence du repentir selon l’intelligence des Saints Pères

La pratique spirituelle qui consiste à garder son esprit par la prière incessante commence par ces mots : « Aie pitié ! » Le repentir est la base de tout. Chez celui qui éprouve un véritable besoin de repentir, une telle pratique spirituelle s’avère d’un grand secours, car le coeur crie vers Dieu de façon incessante. La prière incessante, qui ne s’interrompt ni de jour ni de nuit, n’est rien d’autre que le service angélique. Ce souvenir spirituel incessant de Dieu est l’activité propre de notre nature mentale, de notre âme, sur la terre comme au ciel.
En outre, on constate que cette pratique est salutaire aussi pour ceux qui n’éprouvent pas encore un authentique besoin de repentir. Cette petite prière réussira à attirer dans leur coeur une grande grâce : celle de percevoir la grande sainteté de Dieu, et d’éprouver la sainte craint présence. A partir de là, leurs yeux ne tarderont pas à s’ouvrir sur leur néant intérieur, sur leur péché, ils se verront comme poussière et cendre. Leurs âmes en viendront très vite au cri intérieur incessant : « Aie pitié ! »
Le cri du débutant est faible, mais par la suite, comme l’enseignent les Pères, il grandira, s’accompagnant de beaucoup de larmes et d’une grande douleur qui brise non seulement le coeur mais aussi le corps.
La grâce de la prière agit sur l’homme entier de façon inconcevable et ineffable. L’âme, cette merveilleuse, incorporelle et intelligente création de Dieu, qui jusqu’alors ne se voyait pas, tant elle était enténébrée par les passions, se découvre soudain de ses yeux intérieurs, et constate qu’elle est revêtue des haillons puants de ses pensées, de ses rêveries et de ses convoitises. Elle avait endossé ces hardes pour vivre en sympathie avec les démons, mais voici que sous l’action de la prière, elle se met à crier et verser des larmes. Elle fait alors l’expérience du prophète qui dit : Je suis comme l’eau qui s’écoule et tous mes os sont disloqués ; mon coeur est comme de la cire, il se fond au milieu de mes entrailles. Ma vigueur s’est desséchée comme un tesson, et ma langue s’est collée à ma gorge ; Tu m’as fait descendre dans la poussière de la mort (Ps.21;15-16). Oui, l’esprit se confesse à Dieu par ces paroles, et le coeur par des larmes et une douloureuse contrition, comme disent les Pères.
Cette humble pratique provoque une grande douleur du coeur, mais aussi l’étonnant et divin mystère de la naissance d’en haut. Voilà le véritable sacrement de pénitence pour l’âme qui a soif de salut. Dieu y manifeste Sa grâce de manière tout à fait perceptible. La grâce sauve l’âme et le corps des passions et purifie l’esprit du naufrage des pensées.
Par cette pratique, l’esprit se concentre, la prière devient attentive, l’âme prie avec grande crainte et révérence. La prière de Jésus est une prière de repentir, elle est le chemin qu’il faut emprunter pour trouver son âme, pour aller vers Dieu. Il n’est pas d’autre chemin...
Dans leur science spirituelle bénie, les Pères enseignent que le vrai repentir est l’alliance de trois vertus spirituelles, de trois pratiques : - purifier l’esprit
- supporter les tribulations
- prier sans cesse (Saint Marc l’Ascète)
Bien sûr, la prière incessante est le fondement de l’affaire. Elle ouvre les portes du divin mystère du repentir. L’esprit se charge de purifier les pensées et le coeur de purifier les désirs. Mais c’est à l’âme qui prie qu’est donnée la stabilité dans les tribulations. C’est pourquoi les Pères, et notamment Saint Jean Climaque, ont donné à la prière le nom glorieux de reine des vertus.
Le vrai repentir engendre la prière incessante, qui n’est autre que la vie spirituelle selon Dieu. Voilà la pratique spirituelle cachée des Pères dans leur quête du salut. Nous serons nous aussi sauvés si nous marchons sur le chemin du repentir. Le repentir est le fondement d’une prière salutaire.
Le repentir commence quand l’âme qui prie prend conscience de sa perte, renie satan et ses oeuvres, et part à la découverte de Dieu en lui promettant de vivre avec une bonne conscience. Alors, elle appelle à l’aide Celui qui peut la sauver : « Aie pitié et sauve ! » Repentir et prière sont inséparables, ils ne font qu’un. Ils occupent toute la vie terrestre de l’âme qui se repent.
L’âme fait ses premiers pas sur le chemin salutaire du repentir lors de la confession devant le père spirituel. Elle y montre son intention de rejeter le venin du serpent avec lequel elle s’est empoisonnée. Ce moment est aussi poignant et douloureux pour elle qu’indispensable et salutaire.
Au cours de la confession, l’âme s’humilie mystérieusement devant Dieu, elle amorce un tournant de la terre vers le ciel, de la chair vers l’esprit.
Même si la confession est un outil désagréable et douloureux (surtout au début), l’âme ne peut pas se libérer sans elle du poison avalé soit avec plaisir, soit par méfiance envers Dieu, soit par un entraînement aveugle. En rejetant le poison par le sacrement de confession, l’âme se libère aussi de ses conséquences en entreprenant une vie de repentir. Sur cette voie salutaire de l’humilité, l’âme malade rencontre la grâce amicale de Dieu qui lui offre un remède tout-puissant et réconfortant : la sainte communion au Corps et au Sang du Seigneur. Ce remède oeuvre pour la vie éternelle, il est une aide efficace pour mener une vie juste, sainte, éternelle, une aide pour tendre quotidiennement vers une vie spirituelle, céleste et sensée. En communiant aux Divins Mystères, l’âme communie à la Source Immortelle de la Vie dans la Grâce, qui commence par le repentir et la prière. Désormais, le repentir embrasse toute son activité, tant intérieure qu’extérieure.
Extérieurement, l’âme commence à supporter avec patience les afflictions, les ennuis, les offenses, les tribulations, les malheurs et les maux corporels. Avec une humble conscience chrétienne, elle dit : « Je reçois ce qu’ont mérité mes crimes ! » Voilà la patience et l’humilité, voilà le vrai repentir selon Dieu ! Voilà l’activité par laquelle l’âme trouve son salut ! Si le divin sacrement de confession n’engendre pas cela, c’est que l’âme s’en est approchée sans humilité et sans repentir : elle n’a donc pas reçu la grâce de se conduire de cette manière, qui attirera à son tour d’autres grâces...
Le sûr chemin de l’humilité passe par notre prochain. Le meilleur moyen de trouver l’humilité consiste à se faire des reproches et à s’humilier devant le prochain. S’humilier devant le prochain et devant les événements c’est s’humilier devant Dieu. Voilà le fondement secret du repentir actif et de la prière spirituelle. Cette prière ne se greffe pas sur l’âme qui ne s’humilie pas intérieurement devant le prochain et les circonstances, elle ne supporte pas l’orgueil. Nous pouvons ainsi éprouver de façon sûre notre état spirituel. Si nous remarquons avec douleur que la prière de l’esprit ne s’accommode pas de nous, qu’elle ne parvient même pas à demeurer sur notre bouche, c’est que nous sommes orgueilleux devant notre prochain et devant Dieu. La grâce de la prière n’a pas supporté notre orgueil. Cette constatation tristement salutaire nous conduira au vrai repentir, réchauffera notre prière, la rendra plus humble, fera jaillir les larmes, et nourrira le cri que nous adressons à Dieu : « Aie pitié ! » La prière de l’esprit ne va pas sans larmes de repentir, sans humilité. La grâce de la prière ne s’offre qu’à l’humilité, c’est à elle qu’elle dévoile son mystère.
A l’église, l’âme pécheresse confesse des lèvres son repentir : le repentir est alors en fleurs. Dans la vie quotidienne, elle le confesse par une vie patiente, par les oeuvres : là, le repentir donne du fruit. Si après la confession, nous ne nous amendons pas par notre vie, alors notre repentir est stérile et désagréable à Dieu. Dieu en effet exige de nous que nous produisions un fruit digne du repentir (Mt.3,8) par l’amendement de notre vie.
Faire pénitence à l’église sans modifier sa vie quotidienne, ce n’est pas se repentir, c’est accomplir une tromperie, c’est se leurrer soi-même, c’est montrer que nous vivons encore dans un paganisme qui a besoin d’être éclairé. Par un tel repentir nous nous trompons nous-mêmes, mais nous ne trompons pas Dieu. Nous offensons Sa bonté qui attend toujours notre conversion : la pénitence est un pacte avec Dieu pour une seconde vie (Saint Jean Climaque).
Sans amendement, il n’y a pas de repentir. Le repentir renouvelle pour nous le don puissant et divin de la grâce qui nous sauve du péché. Il nous fait pénétrer dans une vie nouvelle, la vie de la grâce. Il n’y a pas de vie spirituelle sans conversion. Sans le don du repentir, nous ne pouvons pas acquérir l’esprit de prière. C’est seulement dans le repentir que s’enflamme le feu de la prière qui consume la matière du péché (Saint Jean Climaque). Le repentir est le mystère vivant du renouvellement de l’homme entier, du changement de toute sa vie. Le repentir est une seconde piscine baptismale, celle des larmes qui régénèrent l’âme pécheresse pour une vie spirituelle et divine.
Si le repentir ne change pas notre vie, c’est qu’il ne contient pas cette contrition que tout pécheur doit ressentir devant Dieu, c’est que nous n’avons pas acquis la grâce qui affranchit du péché et renouvelle la vie chrétienne. Ainsi, nous sommes morts et étrangers au Christianisme. Le Christianisme est le mystère de la régénération pour la vie divine. Celui qui est étranger à la vie chrétienne est étranger à Dieu, il est mort-né, c’est-à-dire païen. Or les païens sont les ennemis du Christ, même s’ils se nomment chrétiens, car ils insultent le Fils de Dieu par leur vie et crucifient pour leur part le Fils de Dieu (Hb.6,6)
Dans ce qui précède, nous venons de parler de l’activité extérieure de l’âme qui se repent devant Dieu. L’activité intérieure, elle, est invisible, mentale, spirituelle. Elle s’accomplit secrètement devant Dieu, dans le combat contre les pensées et perceptions qui s’opposent à la pénitence. Sans cette pratique intérieure, l’amendement extérieur est très fragile et résiste difficilement aux passions. En outre, il peut rapidement engendrer un pharisianisme orgueilleux et désagréable à Dieu. Par la pratique intérieure, l’âme manifeste dès ici-bas la direction secrète de sa volonté spirituelle, elle montre son penchant pour l’éternité.
Pour toute cette activité, pour la patience dans les tribulations, pour le combat contre les pensées, les rêveries et les convoitises, l’âme a besoin d’une aide d’en haut, d’une force divine. C’est la prière qui la lui procure. La prière est la source de la force envoyée par la Grâce. Par la prière de repentir, l’âme arrache au ciel une aide vivante et efficace.
Comme les tribulations, les pensées et perceptions de toutes sortes accablent l’âme. Elles sont ses compagnes permanentes. Au milieu de tout cela, la prière incessante est l’activité spirituelle et salutaire par excellence. La prière incessante est un repentir permanent devant Dieu, une conscience sincère et profonde que « je reçois ce qu’ont mérité mes crimes ». Toute l’activité de l’âme ici-bas est embrasée par le repentir salutaire.
Celui qui chemine sur la voie de la prière sans chercher le repentir est sur le chemin de l’orgueil. Il recherche des états spirituels élevés et se leurre. Sa prière ne modifie pas sa vie, elle ne l’entraîne pas du matériel et du charnel au spirituel nourri par la grâce. Mais celui qui, par une humble prière baignée de larmes, modifie sa vie devant Dieu et purifie constamment ses pensées dans les larmes du repentir, celui-ci est sur la bonne voie, la voie des Saints Pères.
Qu’est-ce donc encore une fois que le repentir ? C’est un esprit qui purifie ses pensées, qui supporte avec patience les tribulations, et pratique la prière incessante. Ceci est la juste activité spirituelle ici-bas, l’activité normale de l’âme pénitente. Par cette activité, elle trouve le salut, et entre déjà dans ce monde dans une vie nouvelle, secrète, spirituelle, angélique, la vie de l’immortalité divine que nous accorde le Seigneur Jésus-Christ. C’est uniquement par cette activité qu’elle perçoit le mystère du Royaume des Cieux qui se trouve au milieu de nous.
Telle est la façon éclairée de comprendre le vrai repentir avec l’intelligence sage en Dieu des Pères. La prière incessante n’est pas une activité ennuyeuse et mécanique, elle est constamment vivante et spirituelle. Elle accomplit le mystère spirituel du repentir permanent.
La prière incessante ne s’installe pas immédiatement dans l’âme qui se repent. Elle se développe progressivement, comme le repentir dont elle provient, et surtout pas d’une manière mécanique. Sans le repentir, elle ne peut pas s’embraser. C’est seulement dans le repentir que s’enflamme le feu de la prière qui consume la matière du péché, disait Saint Jean Climaque. Plus le repentir est profond, plus la prière est profonde. D’abord verbale, elle devient fréquente et mentale, et enfin attentive. Avec le concours de la Grâce, la prière attentive introduit l’âme repentante dans le mystère de la prière intérieure, de la prière du coeur, de la prière incessante, c’est-à-dire dans la communion sensible, vivante et incessante avec Dieu.[#][#][#]