vendredi 27 mars 2009

HOMELIE SUR LE SAINT BAPTÊME


De Saint Tikhon de Zadonck.


Nous portons tous le nom de chrétien, nous confessons tous l’unique Dieu en trois Personnes, vivant et éternel, nous avons tous été baptisés au Nom de la Sainte et Consubstantielle Trinité, Père, Fils et Saint Esprit. Tous, nous croyons que Jésus-Christ a été crucifié, qu’Il est ressuscité des morts, et nous l’attestons par le signe de la Croix. Tous nous pénétrons dans les saintes églises pour prier, invoquer, chanter et glorifier le saint Nom de Dieu. Tous nous écoutons la sainte parole du Seigneur. Tous, nous communions aux saints et vivifiants mystères du Christ. Nous sommes tous appelés à la vie éternelle et au royaume céleste, et nous disons tous, en lisant le symbole de foi : j’attends la résurrection des morts et la vie du siècle à venir. Gloire à Dieu pour cela, et pour le reste !
En vérité, les sacrements chrétiens sont glorieux et magnifiques ! Mais scrutons-nous bien : sommes-nous pour autant de vrais chrétiens ? Suivons-nous l’exhortation de l’apôtre qui dit : examinez-vous vous-mêmes pour voir si vous êtes dans la foi ? (2 Cor.13,5) On ne peut être chrétien sans la foi. Il est vrai que nous manifestons les signes extérieurs du christianisme, comme nous venons de le dire, mais avons-nous le christianisme à l’intérieur de nous ? L’extérieur en effet n’est rien sans l’intérieur. Sans la vérité, les apparences ne sont qu’hypocrisie. Nous nous glorifions de notre foi, mais en accomplissons-nous les oeuvres, suivant les paroles de l’apôtre : Montre-moi ta foi par tes oeuvres ! (Jac.2,18)
Le nom de chrétien nous vient du Christ : avons-nous crucifié la chair avec ses passions et ses désirs (Gal.5,24), comme il convient à ceux qui confessent le Christ crucifié ? Ressentons-nous intérieurement la joyeuse onction spirituelle (1Jn.2,27) ? Nous croyons à l’Evangile, mais notre vie est-elle digne de lui ? Nous confessons et invoquons le vrai Dieu, mais Lui sommes-nous agréables par notre foi et notre conscience pures, comme Il l’exige de nous ? Nous écoutons la sainte parole de Dieu, mais y sommes-nous attentifs, amendons-nous notre vie dans son sens ? Nous communions aux saints mystères du corps et du sang du Christ, mais en sortons-nous renouvelés au point de devenir des hommes spirituels ? Soyons donc attentifs à tout cela, et à bien d’autres choses encore, regardons comment nous vivons, comment nous pensons, comment nous parlons, comment nous agissons, avec quel cœur nous nous tenons devant Dieu qui voit tout, quel est notre comportement vis-à-vis des autres ! Après avoir réfléchi à tout cela, amendons-nous et devenons chrétiens non seulement de nom, mais par les faits...
Avec l’aide de la grâce, nous sommes devenus chrétiens : efforçons-nous donc de garder le christianisme à l’intérieur de nous-mêmes ! Nous avons reçu le baptême au Nom de l’unique Dieu en trois Personnes, nous avons reçu les arrhes de la sainteté et l’absolution de nos péchés : efforçons-nous de conserver ce trésor céleste jusqu'à la fin ! Nous confessons Jésus-Christ crucifié, efforçons-nous de Le suivre par la foi, de prendre notre croix et de marcher à Sa suite ! Nous invoquons le Dieu céleste : efforçons-nous de Lui être agréables par des moeurs célestes ! Nous écoutons la parole de Dieu : efforçons-nous de vivre selon son enseignement ! Nous attendons la résurrection des morts et la vie du siècle à venir : efforçons-nous de vivre ici-bas de façon à en être dignes, nous détournant des vanités du monde pour n’aspirer qu’aux seuls biens éternels ! Nous nous approchons de la sainte et céleste table des mystères du Christ : veillons à ce que ce Pain céleste et vivifiant devienne notre vie, notre sanctification, notre lumière, notre rénovation, notre joie, et notre consolation spirituelle ! C’est en agissant ainsi que nous montrerons notre foi par nos oeuvres. C’est ainsi que nous serons des chrétiens non seulement de nom mais dans les faits. Que Dieu ait compassion de nous et nous bénisse, qu’Il fasse resplendir sur nous Sa face, et qu’Il ait pitié de nous, pour qu’on connaisse sur la terre Ta voie, et parmi toutes les nations, Ton salut ! (Ps.66,2-3)



2)-Le Sauveur, notre Seigneur, a prononcé une parole destinée à nous affermir et nous consoler : Celui qui a la foi et sera baptisé, sera sauvé. Qu’est-ce qui pourrait consoler davantage l’âme fidèle du baptisé que cette promesse du salut éternel ? Chrétiens bien aimés ! Rendons gloire à Dieu de croire au saint Evangile et d’avoir été éclairés par le saint baptême ! Contemplons la puissance du saint baptême, comprenons ce que nous étions avant lui et ce que nous sommes devenus après, et nous recevrons une grande consolation ! Le saint baptême nous a libérés de tout mal et nous a fourni la grâce de Dieu, qui est la vraie béatitude. Avant le baptême nous étions loin de Dieu, mais le saint baptême nous a rapprochés de Lui. Nous étions les ennemis de Dieu, et maintenant nous nous sommes réconciliés avec Lui et Lui avec nous. Nous étions les enfants de la colère, et maintenant nous sommes les réceptacles de la miséricorde divine. Nous étions les enfants des ténèbres et du diable, et maintenant nous sommes les enfants de Dieu et de la lumière. Souillés par le péché, nous avons été lavés, sanctifiés et justifiés. Perdus, nous avons reçu le salut. Les portes de la vie éternelle et du Royaume céleste étaient fermées, maintenant elles sont ouvertes, et ceux qui ont conservé la grâce du saint baptême peuvent les franchir sans obstacle. Nous recevons tous ces bienfaits de Dieu Lui-même dans le saint baptême, gratuitement, sans mérite de notre part, uniquement grâce à l’amour que Dieu porte aux hommes. Et d’ailleurs, quel mérite pourraient avoir ceux qui étaient perdus ? Gloire à la bonté de Dieu, gloire à Son amour pour l’homme, gloire à Sa miséricorde, gloire à Sa générosité ! Que le Nom du Seigneur soit béni dès maintenant et à jamais ! C’est le Fils Unique de Dieu, Jésus-Christ notre Sauveur, qui a obtenu pour nous de Dieu cette grande miséricorde. Il l’a obtenue par Son sang très précieux et par Sa mort. Chrétiens bien aimés ! Souvenons-nous de notre saint baptême, cherchons comment mener une vie digne de lui, afin qu’il ne devienne pas une plus grande condamnation au jugement du Christ, où sera examinée chaque parole, chaque action et chaque pensée criminelle !
3)-Ô grâce ! Ô amour de Dieu pour l’homme ! Ô surabondance de grâce ! Les pauvres et les pécheurs rejetés sont devenus enfants de Dieu ! L’apôtre même s’en étonne quand il dit : « Voyez quel amour le Père nous a témoigné pour que nous soyons appelés enfants de Dieu ! » (1Jn.3,1) Quoi de plus étonnant qu’un pécheur transformé en enfant de Dieu ? Et c’est l’amour de Dieu pour l’homme qui accomplit cela ! Quoi de plus glorieux que d’être appelé et de devenir enfant de Dieu ? Et c’est la grâce de Dieu qui offre cela à l’homme ! S’il est glorieux d’être l’enfant d’un roi terrestre, il est bien plus glorieux encore d’être l’enfant de Dieu, le Roi céleste ! Cet honneur, cette gloire, cette dignité, cette noblesse et ce titre dépassent incomparablement tous les titres du monde. Gloire à Dieu pour cela, gloire à l’Ami de l’homme ! Les chrétiens sont les enfants de Dieu, ils sont aussi héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ (Rom.8,17). Alors, qui doivent-ils craindre ? Pourquoi devraient-ils redouter les calomniateurs, les ennemis, le diable, les démons, la mort, l’enfer, puisque Dieu les protège ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? (Rom.8,31)
Nous recevons ce grand don de Dieu lors du baptême. Là, nous naissons de Dieu et recevons ce titre glorieux. Chrétiens bien aimés, rappelons-nous le saint baptême et la grande miséricorde qui a été manifestée à notre intention ! Nous sommes devenus enfants de Dieu ! Gloire à Dieu pour cela !
Mais on exige des enfants qu’ils soient semblables à leurs parents : ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit (Jn.3,6). Etant nés de Dieu, les chrétiens doivent Lui être semblables. Montrons-le par des actes ! Dieu est saint, soyons saints nous aussi ! Dieu est bon car Il fait lever Son soleil sur les bons et les méchants et Il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes (Mt.5,45). Soyons bons nous aussi, faisons du bien à nos amis et à nos ennemis, à ceux qui nous aiment comme à ceux qui nous haïssent. Dieu est miséricordieux : soyons nous aussi miséricordieux envers nos frères dans le besoin. Dieu nous aime : aimons-nous les uns les autres ! Dieu pardonne nos transgressions après notre repentir : pardonnons nous aussi aux autres. L’apôtre nous y exhorte : devenez les imitateurs de Dieu, comme des enfants bien-aimés (Eph. 5,1). Lorsque nous manifesterons un tel caractère, nous deviendrons véritablement les enfants de Dieu capables de recevoir en héritages les biens qui leur ont été promis en Jésus-Christ notre Seigneur.
Le saint baptême est la porte par laquelle les baptisés pénètrent dans la sainte Eglise, deviennent la famille de Dieu et cohabitent avec les saints. Mais rappelons-nous qu’avant le baptême, il y a des reniements et des promesses :
*)Nous avons renié satan et toutes ses oeuvres mauvaises. Satan est un esprit malin et méchant (Dieu l’avait créé bon, mais il s’est éloigné de Dieu avec ses partisans. D’ange de lumière, il est devenu ange des ténèbres, il était bon, mais il est devenu méchant et malin). Voici ses oeuvres : le service des idoles, l’orgueil, la malice, le mensonge, la flatterie, la ruse, l’envie, la méchanceté, la rapine, la fornication, l’adultère, l’impureté, la calomnie, le blasphème et tous les autres péchés. C’est lui qui a inventé le péché. C’est lui qui a séduit nos ancêtres au paradis, les incitant à pécher, et à s’éloigner de Dieu. Avant notre baptême, nous avons renié cet esprit méchant et ses oeuvres mauvaises.
**)Nous avons renié la vanité, l’orgueil, et le faste de ce monde, ayant été appelés et renouvelés pour la vie éternelle.
***)Nous avons promis au Christ, Fils de Dieu, qui est Un avec le Père et l’Esprit Saint, de Le servir dans la foi et la vérité, et de Le suivre.
****)Une alliance s’est ainsi instaurée entre Dieu et nous. Nous avons renié satan, et promis à Dieu de Lui être fidèles. Dieu nous a reçus dans Sa suprême miséricorde et nous a promis l’héritage du royaume et la vie éternelle. Nous qui étions souillés par le péché, Il nous a lavés dans le bain du baptême, Il nous a sanctifiés et justifiés, comme dit le prêtre au nouveau baptisé : vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés, vous avez été justifiés (1Cor.6,11)
Chrétiens bien aimés ! Rappelons-nous ces reniements et ces promesses, et regardons bien si nous les avons gardés. Il est grave de mentir à Dieu, il est dangereux de se présenter devant Lui comme des menteurs. Regardons bien si nous ne sommes pas retournés vers satan. De quel côté nous trouvons-nous, du côté de satan, ou du côté du Christ ? On appartient à celui pour qui on œuvre, à celui dont on exécute la volonté. Renier le Christ ne veut pas seulement dire renier Son saint Nom et ne pas Le confesser comme Fils de Dieu et Sauveur : celui qui transgresse Ses commandements sans crainte et avec effronterie Le renie aussi ! Tel est l’enseignement des apôtres : ils font profession de connaître Dieu, mais ils Le renient par leurs oeuvres (Tite1,16). Il est donc clair que l’homme peut renier Dieu non seulement en parole, mais aussi par des actes. Si quelqu’un commet l’adultère ou la fornication, il renie le Christ et retourne vers satan. Si quelqu’un s’irrite contre son prochain ou cherche à lui nuire, il renie le Christ et retourne vers satan. Si quelqu’un vole les biens de son prochain ou l’en dépossède, il renie le Christ et retourne vers satan. Si quelqu’un trompe ou séduit son prochain, il renie le Christ et retourne vers satan... Car à chaque fois, il ne tient pas la promesse faite à Dieu et Lui ment. Bien aimés, examinons notre conduite et notre vie : de quel côté sommes-nous, du côté du Christ ou de Son adversaire, du bon côté ou du mauvais côté, avec ceux qui se sauvent ou avec ceux qui périssent ? Celui qui n’est pas avec le Christ est avec le diable, il est l’adversaire du Christ. Le Seigneur Lui-même l’a dit : Celui qui n’est pas avec Moi est contre Moi (Mt.12,30).
Bien aimés, soyons prudents ! Restons avec le Christ tant que nous sommes dans ce monde, comme nous l’avons promis lors de notre baptême. Soyons ici-bas avec le Christ pour être aussi avec Lui dans le siècle à venir, car il a fait une promesse : là où je suis, là aussi sera Mon serviteur (Jn.12,26). Servons-Le ici-bas comme notre Roi et notre Dieu, afin qu’Il nous reconnaisse comme Ses serviteurs au jour du jugement, nous ouvre les portes de la joie éternelle, et nous incorpore dans l’armée de Ses fidèles serviteurs !
Lors du baptême, nous nous renouvelons pour la vie sainte des chrétiens, nous nous dépouillons du vieil homme pour revêtir l’homme nouveau et spirituel, nous rejetons les moeurs mauvaises du vieil Adam pour adopter les bonnes moeurs du Nouvel Adam, Jésus-Christ, et nous devenons de nouvelles créatures. Celui qui est en Christ est une nouvelle créature. C’est pour cette raison que le saint baptême s’appelle baptême de la régénération (Tite3,5). Avant le baptême nous étions morts, le péché nous avait tués, nous étions incapables de toute bonne action : que peuvent bien faire des morts ? Pour Dieu nous étions comme des gens qui n’existent pas : car pour Lui, ne sont vivants que ceux qui sont morts au péché. Dans le saint baptême, la grâce de Dieu nous vivifie, et puisque nous avons renié le péché, nous sommes renouvelés pour une vie sainte et pieuse.
Chaque chrétien connaît une double naissance : une première naissance selon la chair, une seconde selon l’Esprit. Il reçoit la première de ses parents, selon qu’il est écrit : dans l’iniquité j’ai été conçu, et dans les péchés ma mère m’a enfanté (Ps.50,7). Dans la seconde naissance, l’homme naît à nouveau à une vie spirituelle, sainte et céleste. Il reçoit cette vie du Christ, et avec elle le nom de chrétien, qui vient de Christ, car on porte le nom de celui de qui on est né.
Les attributs de la naissance selon la chair sont l’orgueil, la présomption, l’arrogance, la vanité, la suffisance, le mépris du prochain. Les attributs de la naissance selon l’Esprit sont l’humilité, l’abaissement de soi, la conscience de son indignité.
A la première naissance revient l’absence de foi ; à la seconde revient la foi.
A la première appartient la hardiesse, à la seconde la crainte de Dieu.
A la première appartiennent l’insoumission, l’indocilité, la désobéissance et la résistance à Dieu ; à la seconde la soumission, la docilité, l’obéissance.
Après la première naissance, on néglige l’honneur et la gloire de Dieu ; après la seconde, on s’en préoccupe et on les désire.
Après la naissance selon la chair, on fonde son espoir sur soi-même, sur son honneur, sa richesse et sa force, sur l’homme et sur les créatures ; après la seconde, on n’espère qu’en Dieu seul.
La colère, la fureur, la méchanceté, le désir de vengeance en paroles ou en actes vont de pair avec la naissance selon la chair ; la douceur, l’absence de méchanceté et la patience vont de pair avec la naissance spirituelle.
D’un côté un amour propre démesuré, de l’autre l’amour de Dieu et du prochain.
Et de même, l’avarice, la cupidité, l’inclémence, l’intérêt exclusif pour soi-même ; ou bien la miséricorde, la générosité, la compassion.
L’envie et le mal ; ou bien l’amour, la pitié pour le malheur d’autrui et la joie de son bonheur.
La flatterie, la malignité, le mensonge, la ruse, l’hypocrisie ; ou bien la simplicité et la vérité.
La rapine et le vol ; ou bien la vérité.
L’impureté, l’intempérance et la concupiscence ; ou bien la pureté, la chasteté et l’abstinence.
L’amour du monde, la convoitise de la chair et des yeux, l’orgueil de la vie, les pensées terrestres ; ou bien le mépris du monde et de ses vanités, les pensées célestes, et la recherche des biens éternels.
Les bonnes moeurs vont donc avec l’esprit, et les mauvaises avec la chair. Nous venons de voir quels sont les fruits de la naissance selon la chair et quels sont ceux de la naissance spirituelle. Lorsque les saintes écritures nous commandent de nous éloigner du péché, elles nous commandent de nous éloigner des fruits de la première naissance ; et lorsqu’elles nous commandent de faire le bien, elle nous commandent de porter les fruits de la seconde naissance. Eloigne-toi du mal et fais le bien ! (Ps.33,15). Quiconque prononce le Nom du Seigneur, qu’il s’éloigne de l’iniquité ! (1 Tim.2,19)
Chrétiens bien aimés ! Grâce à Dieu, nous sommes nés et renouvelés dans le saint baptême ! Examinons-nous pourtant pour savoir si nous portons les fruits de la nouvelle naissance, si nous vivons d’une façon conforme à ce qu’elle exige de nous : n’allons-nous pas nous présenter stériles devant le Seigneur ? N’allons-nous pas entendre cette terrible parole : Je ne vous connais pas ! (Mt.25,12)
Nous venons de voir que tout chrétien a une double naissance. Ces deux naissances s’opposent l’une à l’autre. Ce qui est né de la chair est chair et ce qui est né de l’Esprit est esprit (Jn.3,6). De cette opposition découle un combat entre la chair et l’esprit : la chair s’élève contre l’esprit et l’esprit contre la chair. La chair veut tuer l’esprit et l’esprit veut tuer la chair. La chair veut posséder l’esprit et l’esprit veut posséder la chair. La chair veut s’enorgueillir, s’élever, être magnifiée ; l’esprit refuse, il veut être humble. La chair veut se mettre en colère, se fâcher, quereller, se venger, mais l’esprit refuse, il veut tout pardonner avec douceur. La chair recherche la fornication et l’adultère, mais l’esprit se tourne vers la chasteté. La chair veut voler et piller, mais l’esprit veut distribuer ses biens. La chair ruse, flatte, ment, trompe, agit avec hypocrisie, mais l’esprit agit dans la simplicité et la vérité. La chair veut haïr, mais l’esprit veut aimer. La chair recherche l’oisiveté et la paresse, mais l’esprit s’en détourne pour courir vers les oeuvres saintes. La chair recherche les promenades, le vin, les banquets et les festins ; l’esprit recherche la modération et le jeûne. La chair recherche la gloire, l’honneur et la richesse, mais l’esprit les méprise et convoite les biens éternels.
Ainsi l’esprit s’élève contre la chair et la chair contre l’esprit. Le chrétien a été renouvelé, il doit donc vivre selon l’esprit, il doit soumettre la chair à l’esprit : marchez selon l’esprit et vous n’accomplirez pas les désirs de la chair ! (Gal.5,16) Il faut crucifier la chair avec ses convoitises (Gal.5,24). N’ayez pas soin de la chair pour en satisfaire les convoitises ! (Rom.13,14) Il faut s’abstenir des convoitises charnelles qui font la guerre à l’âme (1Pi.2,11). Nous avons été ensevelis avec Lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions, nous aussi, dans une vie nouvelle (Rom.6,4). Chrétiens bien aimés ! Faisons un retour sur nous-mêmes : menons-nous le bon combat, accomplissons-nous l’exploit salutaire, avons-nous renouvelé notre vie, résistons-nous aux tendances et aux désirs de la chair, ne permettons-nous pas au péché de régner sur nous et de nous posséder ?
Seuls appartiennent au Christ ceux qui ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises (Gal.5,24). A quoi cela sert-il de s’appeler chrétien et de ne pas l’être ? Ce n’est pas le titre qui fait le vrai chrétien, c’est l’exploit contre la chair et le péché. Il ne faut pas accorder au corps tout ce qu’il exige. Il exige de la nourriture, de la boisson, du repos, des vêtements : donnons-lui ce dont il a besoin ! Mais quand il demandera ce qui est contraire à la volonté de Dieu et à ses commandements, ne lui accordons pas, afin d’être des chrétiens non seulement par le nom, mais dans les faits !
Il est impossible de décrire (et de déplorer comme il convient) l’état du chrétien qui commet le péché après avoir reçu le saint baptême. Il avait acquis par grâce de Dieu l’espérance de la béatitude, et voilà qu’il se précipite dans un malheur qu’il aurait pu éviter ! On peut même dire qu’il tombe dans un malheur encore plus grand : il avait presque atteint la connaissance de la vérité, il avait découvert la voie de la béatitude éternelle, et il n’a pas voulu la suivre ! Il avait promis à Dieu de Le servir, mais il Lui a menti. Il avait été lavé, sanctifié, justifié, mais a fait fi de tout cela. Il était devenu enfant de Dieu, mais il s’est privé de ce titre glorieux. Il était devenu enfant de la vie éternelle et du royaume, mais il a perdu cet héritage. Mieux valait pour eux n’avoir pas connu la voie de la justice que de se détourner après l’avoir connue (2Pi.2,21).
Dans quel grand malheur tombe le chrétien qui commet l’iniquité ! Au début, ce n’est pas visible, les yeux du corps ne perçoivent rien. Seuls les yeux de l’âme en ont connaissance. Mais ce grand malheur sera visible quand nos actes secrets ou manifestes seront dévoilés au monde entier, lors du second avènement du Christ ! A ce moment-là, le pauvre chrétien comprendra tout, il verra son malheur et sa perte.
En vérité, cet état mérite qu’on verse beaucoup de larmes. Il est comparable à l’état de l’homme qui, sorti du bain, se souille de nouveau dans la saleté et les excréments. Voilà ce qui arrive au chrétien qui sort du bain du baptême et se profane par l’iniquité. Il est comme celui qui, après avoir quitté les haillons pour la pourpre et le lin fin, se dévêt des beaux atours pour retrouver ses anciennes hardes. Lors du baptême, nous quittons nos haillons pour revêtir le vêtement de justification du Christ, mais voilà que nous rejetons ce vêtement magnifique pour remettre les haillons du péché... Nous sortons des ténèbres du péché vers la lumière du Christ, puis nous retournons aux ténèbres. Nous quittons, par la grâce du Christ, le dur labeur et la prison du diable, puis nous retournons vers cette calamité. Nous sortons du fossé profond de l’éternelle perdition, puis nous y retombons... Le chien est retourné à ce qu’il avait vomi, et la truie à peine se roule dans son bourbier (2Pi.2,22).
Et qui se trouve dans ce triste état ?
-Les adultères, les fornicateurs, et tout ceux qui se souillent d’une façon quelconque.
-Les voleurs, les pillards, les ravisseurs, et ceux qui accaparent de façon injuste le bien d’autrui.
-Les gens méchants et ceux qui attentent à la vie d’autrui.
-Les trompeurs, les rusés, les hypocrites, et tous ceux qui agissent de façon fausse.
-Les blasphémateurs, les calomniateurs, ceux qui profèrent des injures.
-Les juges iniques qui ne respectent ni la justice, ni les serments, mais qui s’attachent aux dons et aux récompenses.
-les maîtres qui font souffrir leurs serviteurs, qui les accablent de travail ou de taxes.
-Les marchands qui vendent un mauvais article pour un bon, un objet bon marché au prix d’un objet précieux, un article en mauvais état à la place d’un neuf...
-Ceux qui se livrent à la sorcellerie ou invitent des sorciers chez eux.
-Ceux qui transgressent, contre leur conscience et sans crainte aucune, les commandements de Dieu.
Chrétiens bien aimés, jadis lavés dans le bain du saint baptême, scrutons-nous ! Quelques-uns d’entre nous n’ont-ils pas quitté le Christ pour retourner vers le diable ? Celui qui accomplit les oeuvres du diable est déjà retourné vers le diable, et c’est lui qu’il sert : il a renié le Christ ! Malheur à toi, chrétien qui commets des péchés après le baptême, pour le pays de Sodome, il y aura moins de rigueur au jour du jugement que pour toi ! (Mt. 11,24) Pauvre chrétien ! Examine-toi et prend garde à ne pas être pour l’éternité le prisonnier du diable et de la perdition, car Le feu ne s’éteint point et le ver ne meurt point !
Ô Dieu ! Aie pitié de Tes créatures raisonnables, que Tu as créées à Ton image !
Pour ceux qui ont péché après le saint baptême, il ne reste qu’un espoir : un repentir véritable. Gloire à Dieu pour cela ! Gloire à Dieu, nous ne sommes pas encore perdus ! Pécheurs, il reste encore un espoir ! Les largesses de Dieu ne sont pas encore taries, le repentir est encore prêché aux pécheurs, la bonne parole est encore annoncée aux pauvres, la miséricorde du Roi Céleste est encore publiée partout, les portes ne sont pas encore fermées, la grâce de Dieu est encore accessible à tous, l’Evangile de l’Agneau qui a lavé les péchés du monde est encore prêché, le royaume de Dieu est encore annoncé, les pécheurs repentants peuvent encore être sauvés, et avec eux les publicains et les adultères, qui peuvent encore entrer dans le royaume de Dieu. Notre Dieu miséricordieux appelle à Lui tous ceux qui se sont détournés, et Il attend, promettant Sa miséricorde.
Le Père qui aime Ses enfants recevra Ses fils prodigues revenus d’un pays lointain, Il les donnera Ses plus beaux vêtements, leur mettra à chacun un anneau au doigt et des chaussures aux pieds, Il ordonnera à toute Sa famille de se réjouir pour eux.
Anges, réjouissez-vous, et vous, les élus ! Les pécheurs sont revenus vers Moi ! Ces hommes que J’avais créés à Mon image et à Ma ressemblance, et qui étaient perdus, sont maintenant sauvés ! Les morts reviennent à la vie, les courbés sont redressés !
Gloire à Ta miséricorde, Seigneur, gloire à Tes largesses !
Pauvres pécheurs ! Pourquoi vous attarder dans un pays lointain, pourquoi ne pas retourner vers votre Père ? Pourquoi mourir de faim ? Pourquoi mettre le comble à l’iniquité et manger des carouges ? Dans la demeure du Père, l’abondance règne et les mercenaires sont rassasiés. Le Père vous attend avec ferveur. Ses yeux guettent avec amour et miséricorde, Il regarde arriver ceux qui reviennent vers Lui et Lui sont chers. Il courra se jeter à votre cou, vous couvrira des baisers de Son saint amour. Il ne vous grondera pas, Il ne retiendra ni vos péchés ni vos iniquités. Les saints anges et les élus se réjouiront pour vous. Entrons en nous-mêmes, lavons-nous, courons vers notre Père et disons-Lui avec humilité et regret : Père, j’ai péché contre le ciel et contre Toi, je ne suis plus digne d’être appelé Ton fils, traite-moi comme l’un de Tes mercenaires ! (Luc15,18-19) Hâtons-nous, pécheurs, pendant qu’il n’est pas trop tard ! Hâtons-nous, tant que le Père nous attend, tant que les portes de Sa sainte demeure ne sont pas fermées ! Faisons pénitence tant que Sa miséricorde s’exerce encore, afin de ne pas connaître la justice de Dieu, la condamnation éternelle ! Amen.

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