samedi 7 février 2009

HISTOIRE DE L'ICÔNE DE LA MERE DE DIEU DITE "AUX TROIS MAINS"




L’histoire de l’icône « Aux trois mains » remonte au VIIIème siècle. A cette époque troublée, les iconoclastes persécutaient les orthodoxes. L’empereur impie Léon l’Isaurien monta sur le trône de Byzance en 716, et se révolta impudemment contre la vénération des saintes icônes. Il ordonna qu’on les fît disparaître des églises et des maisons, puis qu’on torturât et qu’on éliminât tous les croyants qui continuaient à les vénérer. L’orthodoxie avait bien besoin d’être défendue, et elle le fut en vérité par le grand chantre de notre Eglise, le grand poète et théologien, l’admirable confesseur, le moine (Très-Ressemblant) à Dieu, Jean Damascène.
Jean occupait un poste très important dans le gouvernement du prince de Damas. Il était le principal conseiller du souverain, et jouissait de toute sa confiance dans les affaires de l’état. Comme il avait aussi de nombreuses relations dans l’empire byzantin, il leur fit parvenir des traités de sa composition, où, s’appuyant sur les Saintes Ecritures, la Tradition de l’Eglise et les textes patristiques, il démontrait la nécessité de vénérer les icônes. Ces oeuvres inspirées furent répandues dans tout le monde grec, pour l’affermissement de la foi des croyants et la dénonciation de l’hérésie.
Quand l’empereur hérétique de Byzance eut connaissance de ces écrits, il décida d’en finir avec le bienheureux Jean en le calomniant auprès du prince de Damas. Il utilisa pour ce faire un faussaire de génie, qui écrivit la lettre suivante en imitant l’écriture de Jean :
« Réjouis-toi, Ô, Empereur !
Je suis heureux pour Ta Seigneurie de l’unité de notre foi ! Je viens par la présente t’exprimer mon dévouement et le respect qui convient à ta gloire impériale !
J’informe ta majesté que les Agarénéens gardent notre ville avec négligence et sans vigilance aucune. Leur armée n’est ni nombreuse, ni puissante. Aie pitié de cette ville pour l’amour de Dieu, et envoie sur elle ton armée invincible ! Si ton armée se met en route, qu’elle fasse mine de partir dans une autre direction et fonde soudain sur Damas ! Vous pourrez alors faire passer cette ville sous votre domination sans efforts. Je pourrai moi-même beaucoup vous aider, car la ville et ses accès sont sous ma complète autorité »
L’empereur impie envoya cette lettre à l’émir de Damas avec un commentaire de sa propre main :
« Je considère qu’il n’y a rien de mieux que la paix qui règne entre nous ! Puissions-nous vivre toujours dans une telle amitié ! Il est agréable aux yeux du Très-Haut que nous respections les accords de paix, et ceci suscite Sa louange ! Pour cette raison je tiens à respecter en tout honneur la paix qui a été conclue entre nous.
Mais attention ! Un des chrétiens qui habite ton pays m’envoie régulièrement des lettres en vue de détruire notre accord. Il me promet de me livrer sans peine la ville de Damas si j’envoie mon armée par surprise. Pour te confirmer mes dires, je t’envoie une des lettres que j’ai reçues de ce chrétien. Que ceci soit un gage de la confiance que tu dois accorder à mon amitié ! Tu sais mieux que moi le châtiment que mérite pour sa trahison haineuse celui qui a osé m’envoyer cette lettre ! »
L’émir de Damas crut à ces calomnies et ordonna qu’on tranchât sur-le-champ la main droite de Jean, et qu’on la suspendît sur la grande place de Damas pour dissuader ses complices.
Le soir de cette terrible exécution, la colère de l’émir étant un peu retombée, le bienheureux Jean lui fit parvenir le message suivant : « Ma souffrance ne cesse de croître et ma peine avec elle ! Je ne pourrai trouver de consolation tant que ma main coupée sera ainsi pendue ! Je te prie, Seigneur, de donner l’ordre qu’on me la restitue afin que je l’enterre ! Son inhumation parviendra probablement à apaiser ma souffrance ».
L’émir eut pitié de sa victime et ordonna qu’on lui rendît sa main. Jean entra dans sa cellule, verrouilla sa porte, se prosterna devant l’icône de la Vierge et de son Enfant Eternel. Déposant sa main inanimée au bout de son bras, il pria du fond du coeur, avec force larmes et gémissements, implorant la Mère de Dieu de le guérir :
« Ô, Souveraine ! Mère Immaculée qui enfanta mon Dieu ! Voici que ma main droite a été tranchée en défendant la cause de ton icône divine ! Tu connais la lutte qu’elle a menée contre la méchanceté de l’Isaurien ! Hâte-toi de me manifester ton aide et de guérir ma main ! La Droite du Très-Haut qui s’est incarnée de toi opère beaucoup de miracles par tes prières. Je t’implore d’intercéder pour la guérison de ma main droite! Ô, Mère de Dieu ! Que ma main écrive tout ce que tu lui accorderas d’écrire pour ta gloire, pour celle de ton Fils, et pour le soutien de la foi orthodoxe. Tout ce que tu veux t’est possible, Ô Souveraine, car tu es la Mère de Dieu ! »
Après avoir prié, Jean tomba dans un profond sommeil au cours duquel il eut un songe. La Mère de Dieu lui apparut, le regarda de ses yeux lumineux et compatissants, et lui dit :
« Voici que ta main est saine ! Ne t’inquiète plus ! Utilise-la désormais pour travailler avec courage comme tu l’as promis dans ta prière ! Qu’elle soit créative et prompte à la composition ! »
Quand Jean se réveilla, il trouva sa main guérie. Son esprit se réjouit fortement et il versa des larmes de gratitude devant Dieu et Sa Mère Toute-Sainte. Comme témoignage de sa condamnation passée, une cicatrice comparable à un fil rouge apparaissait à l’emplacement de la mutilation.
La nouvelle de la guérison miraculeuse se répandit rapidement à Damas et l’émir en fut informé. Il fit venir Jean et lui demanda quel médecin lui avait recollé sa main, comment il s’y était pris, à quelle vitesse avait eu lieu la guérison et la réanimation. Jean lui raconta le miracle et dit : « Le Seigneur Lui-même l’a guéri grâce à l’intercession de Sa Mère Toute-Sainte ! ».L’émir, apprenant cela, s’écria : « Malheur à moi ! J’ai prononcé un jugement injuste et j’ai fait châtier celui qui n’était pas coupable ! Ô, homme de Dieu ! Je te rends ton premier poste, et l’honneur qui t’est dû ! Sois mon premier conseiller ! »
Mais Jean le modeste refusa les honneurs et le rang. Il quitta Damas pour le monastère Saint-Sabbas-le-Sanctifié, dans le désert de Judée, et se consacra à la vie monastique. Par la suite, il fit placer en bas de l’icône une main en argent (selon d’autres sources il fit peindre une main), en souvenir de sa guérison miraculeuse, et comme signe de reconnaissance. C’est pour cela qu’on appela l’icône, l’icône « aux trois mains ».
Jean prit l’icône avec lui au monastère Saint-Sabbas où elle demeura jusqu’au XIIIème siècle. A cette époque, le saint archevêque Sabbas de Serbie fit un pèlerinage en Terre Sainte et visita le monastère. On lui fit cadeau de la sainte icône, ainsi que d’une autre icône de la Mère de Dieu dite « l’Allaiteuse », et il les ramena toutes les deux en Serbie.
Au temps de la conquête de la Serbie par les turcs, les orthodoxes, qui craignaient pour l’avenir de l’icône « aux trois mains », la placèrent sur le dos d’un âne qu’ils laissèrent partir tout seul, au gré de la providence. L’âne marcha jusqu’au Mont Athos et s’arrêta non loin des portes du monastère serbe de Chilandari (dont le nom signifie « bouche du lion »). Les moines accueillirent avec joie le cadeau de la Mère de Dieu, et le portèrent dans la grande église. Par la suite, on a peint le voyage de l’icône à dos d’âne et son arrivée au monastère dans un petit oratoire situé sur le chemin de la mer, à l’endroit précis où les anciens du monastère rencontrèrent l’âne. Depuis, on fête chaque année l’événement avec beaucoup de solennité.
Au début du XVIIème siècle, l’higoumène du monastère vint à mourir. Les moines se réunirent comme d’habitude pour élire un successeur, mais il advint qu’ils se disputèrent sans parvenir à un accord. Un jour, alors qu’on célébrait les matines, les moines découvrirent l’icône « aux trois mains » sur le trône de l’higoumène, au milieu de l’église. Ils la rapportèrent dans le sanctuaire, pensant que le responsable de l’entretien du sanctuaire était la cause de ce déménagement. Mais le jour suivant, ils trouvèrent l’icône à la même place. Ce fait étrange se reproduisit de nombreuses fois, malgré les précautions prises et la fermeture des portes de l’église. Finalement, la Mère de Dieu révéla elle-même sa volonté à l’un des ermites du monastère : « C’est moi qui serai votre Supérieur, afin que la paix et la charité ne diminuent pas entre vous à cause de l’élection d’un nouveau supérieur ! ».
Depuis lors, l’icône « aux trois mains » demeure sur le trône de l’higoumène au milieu de l’église. Jusqu’à aujourd’hui, il n’y a plus d’élection d’higoumène au monastère de Chilandari, c’est un intendant qui organise et dirige la vie des frères. Il a le second rang derrière la Mère de Dieu. Les prêtres se prosternent deux fois devant l’icône, l’embrassent et inclinent la tête devant elle comme devant leur supérieur pour obtenir la bénédiction de commencer chaque office liturgique.
Comme la Mère de Dieu dirige elle-même le monastère, elle n’a pas manqué de temps à autre de montrer de façon miraculeuse qu’elle en prend soin. Pendant la guerre russo-turque par exemple, les turcs envahirent la Sainte Montagne et logèrent dans les monastères pendant environ neuf ans. Mais pas un n’entra au monastère de Chilandari. Selon leurs dires, ils voyaient souvent une femme splendide marcher sur les remparts, ne laissant aucune possibilité à un homme de l’approcher.
En 1661, on amena à Moscou une copie de l’icône « aux trois mains » (le 28juin), et le Patriarche Nicon la déposa au monastère de la Résurrection de la Nouvelle-Jérusalem.
En 1668, le Métropolite Léonce du Mont Athos était en visite au monastère de la Nouvelle-Jérusalem. Il rapporta une anecdote au sujet de l’icône de Chilandari. Un iconographe de ce monastère voulut un jour représenter la Mère de Dieu. Il fit une esquisse à la craie, sortit du skite pour un bref instant et revint dans son atelier. Il vit une troisième main sur le dessin. Pensant à une plaisanterie des frères, il l’effaça rageusement. Mais pendant la nuit, la main réapparut sur l’icône. Le phénomène se reproduisit trois fois. Pour finir, une voix surprit l’iconographe au travail : « Ne t’aventure plus à effacer la troisième main, car telle est ma volonté ! ». C’est ainsi qu’il reproduisit une icône « aux trois mains » qui fut glorifiée par de nombreux miracles.
L’icône « aux trois mains » est très vénérée en Russie, et les copies abondent. Sur cette icône, le regard de la Mère de Dieu est direct, touchant, plutôt dur. On a composé en 1880 un office et un acathiste à son intention.
Saint Jean Damascène a écrit une hymne célèbre pour remercier la mère de Dieu de sa guérison miraculeuse, hymne qui remplace dans la liturgie de Saint Basile le non moins célèbre « Il est digne en vérité,... ». Voici les paroles de ce chant :
« En Toi se réjouissent, Ô Pleine de grâce, toute la création, la hiérarchie des anges et le genre humain. Ô Temple sacré, Ô Paradis spirituel, Ô Gloire virginale, c’est en Toi que Dieu s’est incarné, en Toi qu’est devenu petit enfant notre Dieu d’avant les siècles ! De ton sein Il a fait un trône, Il l’a rendu plus vaste que les cieux. Ô Pleine de grâce, toute la création se réjouit en Toi et te glorifie ! ».


Extrait du livre « La vie de la Mère de Dieu sur la terre »

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