dimanche 30 novembre 2008

COMME VOUS AVEZ OEUVRE POUR LE PECHE, OEUVREZ POUR LA JUSTICE


SAINT THÉOPHANE LE RECLUS

Homélie du 19 juin 1860. Quatrième Dimanche après la Pentecôte.

Comment exécuter le commandement de l'Apôtre « Comme vous avez œuvré pour le péché,
de même, œuvrez pour la justice. »

Comme le Seigneur est miséricordieux et indulgent ! Il a fait et Il fait encore tant de choses pour nous ! Et comme Il exige peu en retour ! Il nous a parés de Son image, Il a tout soumis sous nos pieds ; après notre chute, Il est venu parmi nous en personne, Il a souffert pour nous et, dans Sa Sainte Église, Il nous a offert les moyens d'être sauvés Il nous a guidés de toutes les façons possibles sur la voie de la justice, Il a promis le Royaume Éternel à ceux qui acceptent de se soumettre. Est-ce si peu ? Et qu'exige-t-Il de nous en retour ? Pas plus que ce que nous offrons de notre plein gré au péché destructeur lorsque nous nous livrons à lui. Comme vous l'avez entendu dans l'épître d'aujourd'hui, l'Apôtre Paul nous dit : « Je parle à la manière des hommes à cause de la faiblesse de votre chair. De même donc que vous avez livré vos membres comme esclaves à l'impureté et à l'iniquité, pour parvenir à l'iniquité, ainsi maintenant livrez vos membres comme esclaves à la justice pour parvenir à la sainteté » (Rom 6,19). C'est-à-dire, œuvrez pour le Seigneur avec un zèle au moins équivalent à celui que vous nourrissiez pour le péché.
Je ne pense pas que quiconque repousserait une si mince exigence ! Il se peut en revanche que le contenu de cette exigence ne soit pas clair pour tous : c'est ce que je me propose de préciser brièvement ici.
Voici ce que dit l'Apôtre Paul : de même que vous aviez livré vos membres comme esclaves à l'impureté, livrez maintenant vos membres comme esclaves à la justice. Les membres sont les membres du corps et les facultés de l'âme. Il suffira donc de les énumérer en précisant comment chacun peut œuvrer pour le Seigneur, à l'opposé de l'œuvre pour le péché, et comprendre ainsi ce que le Seigneur exige de nous.
Quels sont les membres du corps ? les organes des sens (la vue, l'ouïe, l'odorat, le toucher, le goût), ce qui permet le mouvement (les bras, les jambes et tout le corps ; le labeur et le repos), l'usage de la nourriture et de la boisson, la parole. L'âme possède les facultés suivantes : l'imagination et la mémoire, le bon sens et la raison, le désir d'entreprendre, les sensations et les jouissances et, au-dessus de tout cela, la force de l'esprit qui aspire à Dieu (voir Dieu, et se réjouir en Lui), puis, enfin la conscience.
Lorsque l'homme œuvre pour le péché, il œuvre avec tous ses membres ; s'il se tourne vers Dieu, il peut et doit œuvrer de même pour aller vers la justice. C'est dans la nature des choses. Là où est l'homme avec son cœur et sa raison, là est l'homme avec tout son être. Dans sa complexité, l'homme ressemble à une éponge qui absorbe l'eau dans laquelle elle est plongée : ou bien le poison corrupteur du péché, ou bien la justice vivifiante de Dieu.
Voyons comment tout cela a lieu.
Nous possédons les organes des sens. Quand l'homme œuvre pour le péché, il les dirige vers tout ce qui porte la marque du péché et nourrit ce dernier : les yeux scrutent avec volupté, les oreilles aiment entendre des paroles et des chants suaves, l'odorat cherche les parfums qui engendrent la convoitise. Il s'ensuit certains regards, la soif de sensations agréables, l'envie d'avoir la peau douce... Mais si l'homme se détourne du péché et s'asservit à la justice, alors l'œil s'abstient de regarder, l'oreille s’abstient d'écouter ce qui engendre la convoitise. Les sens se tournent vers ce qui est saint et salutaire : regarder les représentations des choses sacrées et écouter des chants pieux ; les sens se refrènent pour limiter autant que possible les impressions et les distractions, afin que l'âme ait davantage de liberté pour être seule avec elle-même et avec son Seigneur bien-aimé. C'est ainsi que les organes des sens s'asservissent à la justice.
Nous avons la faculté de nous mouvoir. Voyons comment l'homme l'utilise quand il œuvre pour le péché : il aime les promenades, les danses ou, pire encore, la paresse et la somnolence, la rapine et le pillage ; chez certains, le jour se transforme en nuit et la nuit en jour. Mais quand il œuvre pour la justice, l'homme s'oblige à marcher sur les seules voies de la justice, à mesurer son temps de sommeil et son temps de veille, son temps de travail ou de repos ; il réfléchit aux endroits où il doit se rendre et dans quel but il s'y rend. À la place des danses il choisit les métanies ; aux promenades désordonnées, il préfère fréquenter l'église, les asiles où règnent la pauvreté et la souffrance. Il habitue ses mains à travailler et à faire l'aumône. Il consacre à la prière une partie de son temps de sommeil...
Nous avons besoin de nourriture et de boisson. Celui qui œuvre pour le péché s'adonne à la gloutonnerie, à la gourmandise, aux festins, à l'ivrognerie. Au contraire, il faut aimer l'abstinence, la mesure dans la nourriture et la boisson ; il faut prendre ses repas en suivant l'ordo de l'Église.
Nous sommes doués de parole. Chez les pécheurs, les mots même deviennent des péchés. Ce sont des bavardages, des paroles vaines, des racontars, des rires, des plaisanteries, des réflexions caustiques et des blasphèmes. Celui qui décide dans son cœur de plaire au Seigneur accomplit avec fidélité le commandement : « Qu'il ne sorte de votre bouche aucune parole mauvaise ». Il sait combien de maux proviennent de la langue.
Ainsi, membre après membre, tout le corps s'asservit à la justice et devient, pour qui cherche le Seigneur, un instrument de salut. Les saints pères disent d'ailleurs avec justesse : « Asservis ton corps à ton âme et tu verras quel ami il est pour toi et quel collaborateur il devient ».
Pour plaire entièrement à Dieu, il faut également asservir à la justice les facultés de l'âme. Il faut brider l'imagination par la vigilance et la concentration : si elle aime à rêver, si elle se délecte d’images mauvaises, il faut, comme dit l'Apôtre, ceindre les reins des pensées. Il faut purifier et remplir de saints souvenirs la mémoire chargée de passions. La volonté, si souvent attirée par des suppositions mensongères, doit être soumise à l'enseignement de la Révélation, parée des connaissances de la Vérité, afin qu'elle pense et comprenne suivant la volonté du Seigneur. La volonté fantasque, asservie aux passions, doit se courber sous le joug des commandements, pour qu'elle puisse n'entreprendre que ce qui est conforme à la très sainte volonté de Dieu. Le cœur avide doit se détourner des beautés sensuelles et se forger un goût pour les choses saintes et célestes, afin d'être prêt à trouver ses délices dans les biens célestes.
Ainsi, faculté après faculté, l'âme entière se soumet à la justice. Celui qui œuvre dans ce sens travaille pour le Seigneur et devient un fidèle serviteur du commandement de l'Apôtre : asservir tous ses membres à la justice plutôt qu’à l'iniquité. Les paroles de l'Apôtre citées au début de ce discours deviennent ainsi limpides.
Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de développer davantage. Tout cela est assez clair pour que chaque conscience désireuse de plaire au Seigneur sache ce qui lui reste à faire. J'ajouterai simplement ceci : à quoi conduisent le péché et la justice ? Quel est le fruit porté par chacun ? L'Apôtre répond que le péché conduit à la mort, et la justice à la vie. Le péché tue et la justice vivifie. Avez-vous observé ce qui se passe quand on verse de l'acide sur un métal ? Comment il le ronge petit à petit, comment il le décompose puis le détruit totalement, lui qui est si dur en apparence, à telle enseigne que l'on devient incapable de dire ce qu'il était auparavant ? Le péché agit de la même façon sur notre être. Il décompose l'âme et le corps comme un poison qui s'infiltre dans les moindres recoins pour tuer. Comme le froid et l'air vicié qui pénètrent dans une serre et tuent chaque plante, chaque fleur, l'une après l'autre, le péché fait périr les facultés de l'âme l'une après l'autre, et les forces du corps tour à tour. Il semble qu'on ait trouvé assez de raisons pour fuir le péché.
À l'inverse, de même que la douceur et l'humidité printanières réaniment tout ce qui fut engourdi durant l'hiver, tout ce que le péché a mis à mort dans notre être se réveille quand l'esprit s'adresse à Dieu et consacre son temps à Lui plaire. Alors, le Soleil de Justice brille dans l'esprit, le souffle de l'amour divin réchauffe l'âme, la grâce vivifiante pénètre et rafraîchit chaque force de l'âme et du corps : Dieu est source de Vie. Celui qui s'en remet à Dieu devient un seul esprit avec le Seigneur, il boit en abondance à cette source intarissable le breuvage de vie. Une telle personne est seule prête pour la vie véritable. Chez les autres règne l'illusion de vivre, même si leur vie est pleine de rebondissements et présente de multiples facettes.
Seigneur ! Envoie Ta lumière et Ta vérité afin que nous puissions distinguer clairement la voie de la vie de celle de la mort, le bien du mal, le feu de l'eau. Devenant ainsi plus sages pour chercher le salut, fais que nous nous asservissions volontairement à la justice, libérés du péché. Fais que le péché ne règne plus dans nos corps meurtris, et que nous ne suivions plus ses convoitises. Amen.-*-*-*-*-*-*-

samedi 29 novembre 2008

DE LA LECTURE DE L'EVANGILE (Saint Ignace Briantchaninov)


Lorsque tu lis l'Évangile, ne recherche pas ton propre contentement, ne recherche ni l'exaltation, ni de sublimes pensées : applique-toi à discerner, sans te tromper, la sainte Vérité.
Ne te contente pas d'une lecture stérile de l'Évangile ; efforce-toi d'accomplir ses commandements, lis-le en acte. Car c'est le livre de la vie, et il faut le lire par la vie.
Ne crois pas que ce soit sans raison si ce Livre très-saint commence par l'Évangile selon saint Matthieu et s'il se termine par l'Évangile selon saint Jean. Matthieu indique surtout comment faire la volonté de Dieu, et ses enseignements conviennent tout spécialement à ceux qui débutent dans le chemin de Dieu. Jean expose l'image de la réunion de Dieu avec l'homme régénéré par les commandements, et cela n'est accessible qu'à ceux qui ont réussi sur la voie de Dieu.
Quand tu ouvres le saint Évangile pour le lire, souviens-toi qu'il décidera de ton destin pour l'éternité. Nous serons jugés conformément à lui, et selon la façon dont nous nous serons conduits ici-bas, par rapport à ce qu'il nous dit ; notre apanage sera la béatitude éternelle ou les supplices sans fin (Jn 12, 48).
Dieu a révélé Sa volonté à ce minuscule grain de poussière qu'est l'homme. Le livre dans lequel est exposée cette suprême et très-sainte volonté est entre tes mains. Tu peux, à ta guise, accepter ou rejeter la volonté de ton Créateur et Sauveur. Ta vie ou ta mort éternelles t'appartiennent : comprends donc combien prudent et raisonnable tu dois être. Ne joue pas avec ton destin éternel !
Prie le Seigneur avec contrition pour qu'Il t'ouvre les yeux et que tu puisses voir les merveilles cachées dans l'Évangile qui est Sa loi (Ps 118, 18). Les yeux s'ouvrent, et la prodigieuse guérison de l'âme malade du péché devient visible, accomplie par la Parole de Dieu. La guérison des maux du corps n'est que le signe de la guérison de l'âme, une preuve pour les hommes charnels, pour les esprits aveuglés par la sensualité (Lc 5, 24).
Lis l'Évangile avec une piété et une attention extrêmes. Ne considère pas qu'il s'y trouve rien de négligeable, indigne d'être étudié. Chaque lettre exhale un rayon de vie. Le mépris de la vie, c'est la mort.
En lisant ce qui est dit des lépreux, des paralytiques, des aveugles, des boiteux, des possédés que le Seigneur a guéris, pense que ton âme porteuse des multiples plaies du péché, captive des démons, est semblable à ces malades. Par l'Évangile, aie foi en ce que le Seigneur qui les a guéris te guérira toi aussi, si tu Le supplies avec zèle.
Acquiers l'état de l'âme qui te rendra capable de recevoir la guérison. Ceux-ci sont aptes qui ont reconnu leur état de pécheur et qui ont décidé de l'abandonner (Jn 9, 39 et 41). Pour le juste orgueilleux, c'est-à-dire pour le pécheur qui ne voit pas son état de pécheur, le Sauveur n'est pas nécessaire, Il ne sert de rien (Mt 9, 13).
La vision des péchés, la vision de l'état de chute dans lequel se trouve l'humanité, est un don particulier de Dieu. Reçois ce don, et le livre du Médecin céleste, l'Évangile, te sera plus facilement compréhensible.
Efforce-toi d'assimiler l'Évangile, par ton intelligence et par ton cœur, afin que ton intellect, pour ainsi dire, « nage » en lui, vive en lui ; tes actes deviendront alors facilement évangéliques. On peut y parvenir en lisant l'Évangile, en l'étudiant de façon constante et avec piété.
Saint Pachome le Grand, l'un des Pères de l'Église les plus connus, savait le saint Évangile par cœur ; par révélation de Dieu, il obligea ses disciples à l'apprendre également. L'Évangile les accompagnait ainsi partout où ils se rendaient, et les guidait en permanence.
Aujourd'hui, donc, pourquoi les éducateurs chrétiens n'apprêteraient-ils pas la mémoire de l'innocent enfant avec l'Évangile, plutôt que de l'encombrer par l'apprentissage des fables d'Ésope et d'autres inanités ?
Savoir l'Évangile de mémoire : quel bonheur, quelle richesse ! Il ne nous est pas possible de prévoir les bouleversements et les malheurs qui nous arriveront au cours de notre vie terrestre. L'Évangile appris par cœur peut être lu par l'aveugle, il tient compagnie au prisonnier, dialogue avec le cultivateur dans son champ bassiné de sueur, éclaire le juge pendant l'audience, guide le vendeur sur le marché, réjouit le malade pendant ses insomnies et dans sa triste solitude.
Ne te pique pas d'interpréter toi-même l'Évangile et les autres livres des saintes Écritures. Les Écritures ont été annoncées par les saints Prophètes et les saints Apôtres, non par volonté humaine, mais par l'inspiration de l'Esprit Saint (2 P 1, 2). Comment une interprétation arbitraire ne serait pas dès lors folie ?
L'Esprit Saint qui a apporté la Parole de Dieu par les Prophètes et les Apôtres, l'a interprétée par les saints Pères. C'est la seule exégèse que la sainte Église Orthodoxe ait acceptée. C'est la seule interprétation qu'accueillent ses véritables enfants.
Celui qui interprète arbitrairement l'Évangile et les Écritures dans leur ensemble, rejette ainsi l'exégèse des saints Pères, c'est-à-dire celle de l'Esprit Saint. Et celui qui refuse l'interprétation des Écritures par l'Esprit Saint repousse, sans aucun doute, les Saintes Écritures elles-mêmes.
La Parole de Dieu, parole de salut, devient alors, pour ces commentateurs téméraires, comme un remugle de mort, un glaive à deux tranchants, dont ils se transpercent eux-mêmes, causant leur perte éternelle (2 P 3, 16 ; 2 Co 2, 15-16). Ainsi sont morts pour l'éternité Arius, Nestorius, Eutychès et d'autres hérétiques tombés dans le blasphème, à cause d'un commentaire arbitraire des Écritures.
« Mais celui sur qui Je porte les yeux, c'est le pauvre et l'humilié, celui qui tremble à Ma parole » (Is 66, 2), dit le Seigneur. Comporte-toi ainsi pour ce qui regarde l'Évangile et le Seigneur qui y est présent.
Abandonne la vie de péché, quitte les attachements et les jouissances terrestres, renie ton âme, et l'Évangile te deviendra alors accessible et intelligible.
Le Seigneur a dit : « Celui qui hait sa vie dans ce monde», c'est-à-dire l'âme pour laquelle, en raison de la chute, l'amour du péché est devenu comme naturel, « la conservera pour la vie éternelle » (Jn 12, 25). Pour qui aime son âme, pour qui ne se résout pas à renoncer à soi-même, l'Évangile demeure fermé. Il en connaît la lettre, mais la parole de vie, en tant qu'Esprit, reste pour lui un voile opaque.
Lorsque le Seigneur était sur terre, en Son très saint corps, beaucoup Le regardaient, sans le voir pourtant. À quoi sert-il que l'homme regarde avec ses yeux de chair, ces yeux que possèdent aussi les animaux, s'il ne voit rien avec les yeux de son âme, l'intelligence et le cœur ? Aujourd'hui encore, nombreux sont ceux qui lisent journellement l'Évangile et qui pourtant ne l'ont jamais lu, et n'en connaissent rien.
Un saint ascète enseigne que si l'Évangile est lu par un intellect pur, il est compris à mesure que l'on réalise en actes ses commandements. Il n'est pas possible d'en acquérir la compréhension exacte et parfaite par ses efforts personnels : c'est un don du Christ (Saint Marc l'Ascète, De la loi spirituelle, chapitre 32, Philocalie, 1re partie).
Ayant établi sa demeure dans Son loyal et fidèle serviteur, l'Esprit Saint fait de lui un lecteur parfait et lui permet, ainsi, par ses propres efforts, de mettre vraiment l'Évangile en pratique.
L'Évangile est l'image des propriétés de l'homme nouveau qui est « le Seigneur du ciel » (1 Co 15, 48). Cet homme nouveau, c'est Dieu par la nature. Son Saint peuple d'hommes croyants, transfigurés par Lui, Il les fait devenir dieux par Sa grâce.
Vous tous qui vous vautrez dans la fange de vos péchés, sale et puante, et qui vous en réjouissez ! Levez vos têtes, regardez le ciel pur : là est votre place ! Dieu vous offre la dignité des dieux. Pourtant, renonçant à cette dignité, vous en choisissez une autre : celle des bêtes les moins pures. Ressaisissez-vous donc ! Quittez votre fange puante, purifiez-vous en confessant vos péchés. Lavez-vous avec les larmes du repentir. Parez-vous des larmes de l'attendrissement. Relevez-vous. Montez au ciel : c'est l'Évangile qui vous y conduira. « Pendant que vous avez la lumière », c'est-à-dire l'Évangile où le Christ est caché, « croyez en la lumière, afin que vous soyez des enfants de la Lumière », des enfants du Christ (Jn 12, 36).

vendredi 28 novembre 2008

SUR LES VICES ET LES VERTUS


(Saint Éphrem le Syrien, Extrait des Discours exégétiques)
Des passions de l’âme

C’est en présence de Ta majesté, Jésus-Christ, mon Sauveur, que je veux dérouler le tableau des amertumes de mon âme, sa malice et sa folie. Mais je publierai en même temps la bonté, la douceur que Tu as fait éclater en moi, Dieu plein de clémence, Qui daignes aimer les hommes. Dès le sein de ma mère, j’ai semé la discorde, j’ai allumé la haine : contempteur malheureux de Ta grâce, je me suis traîné péniblement et avec lenteur sur la route du bien. Mais Toi, Seigneur, en fouillant dans le trésor de Ta miséricorde, Tu n’y as trouvé, Fils unique de Dieu, que du mépris pour mes outrages. Ta grâce, Seigneur, me fait lever la tête, que chaque jour le poids de mes péchés abaisse vers la terre. C’est Ta grâce encore qui me sollicite et m’appelle à la vie éternelle, mais je cours à la mort d’un pas précipité. Je cède, sans combattre, à la détestable habitude de la paresse qui m’entraîne. Oui, l’habitude des passions est chose cruelle et funeste ; car elle presse l’esprit de liens presque indissolubles, et ces liens, je les aime, je leur tends les mains, parce que je me plais à m’en charger. L’habitude me les rend aimables, et je tressaille de joie dans mes chaînes. Plongé dans l’abîme d’iniquité, la joie me sourit encore. L’ennemi renouvelle tous les jours mes fers, car il voit que leur variété me charme. Mais le fourbe se garde bien de m’attacher à ceux qui me déplaisent ; c’est toujours avec ceux que j’aime qu’il m’enchaîne. Il connaît, en effet, toute l’impétuosité de mes désirs, la vivacité de mes passions, et, plus rapide que le regard, sa main me jette les liens qu’il veut.
Alors je soupire, je pleure, je gémis ! Ô honte ! Ô confusion ! Ces fers qui me pressent, c’est ma propre volonté qui les a rivés. Je pourrais les rompre, je pourrais, en un moment, m’arracher à leurs étreintes, je ne le veux pas ; la lâcheté, qui a brisé en moi toute énergie, me retient sous le joug des passions que l’habitude me rend naturelles et volontaires.
Mais ce qu’il y a de plus fâcheux, de plus insupportable, ce qui ajoute à ma honte et à ma douleur, c’est que je prête à mon ennemi le concours de ma volonté. Les chaînes qui me lient, c’est de lui que je les ai reçues ; ces passions qui me tuent font sa joie et son plaisir. Je pourrais m’affranchir de cette servitude, et je ne le veux pas ; il m’est facile de reconquérir ma liberté et je n’y mets aucun empressement. Où trouver une affliction plus amère ? Y eut-il rien de plus honteux, de flétrissure plus grande ? Oui, je l’affirme, de toutes les conditions, la plus déplorable, la plus avilissante, c’est celle d’un homme forcé d’accomplir la volonté de son ennemi. En effet, je connais mes liens, je les sens ; et cependant à chaque heure je travaille à en dérober le spectacle aux yeux des autres, en le cachant sous le manteau de la piété ; mais ma conscience m’accuse et me reproche tous les jours ma faiblesse : « Malheureux ! Pourquoi n’es-tu ni sobre ni vigilant ? Ignores-tu que le jour terrible du jugement est proche ; qu’il est venu enfin ce moment redoutable où tous les voiles doivent tomber ? Lève-toi dans ta force, brise tes chaînes ; tu as en toi le pouvoir de lier et de délier. »
Malgré ces cris de ma conscience, malgré ces reproches, je ne veux pourtant pas m’arracher à mon esclavage en rompant de honteuses entraves. Chaque jour je les baigne de mes pleurs, chaque jour des sanglots sortent de ma poitrine, et chaque jour me retrouve sous l’empire des mêmes passions et agité des mêmes troubles. Malheureux et lâche tout à la fois, je ne fais rien pour le salut de mon âme, et je ne crains pas de tomber dans les filets de la mort. Je jette sur mon corps un beau vêtement de religion et de piété, et mon âme est flétrie par les honteuses pensées qui l’enchaînent. Au dehors, sous les yeux des autres hommes, j’affecte un zèle ardent pour la vertu ; au dedans, une bête féroce semble rugir, triste image de mes désordres. J’ai sur les lèvres des paroles affectueuses et douces, et cependant il n’y a dans ma volonté qu’aigreur, amertume et perversité. Que ferai-je toutefois, quand, au jour du jugement, Dieu fouillant dans toutes ces turpitudes, les étalera devant son tribunal ? Je le sais, les plus grands supplices m’attendent, si mes larmes ici-bas ne désarment pas la colère du souverain Juge.
Toujours miséricordieux, Il suspend son arrêt, parce qu’Il attend que je revienne à Lui. Désirant en effet que tous les hommes entrent dans la vie éternelle, Il ne veut voir personne brûler dans les flammes. Eh bien, donc, Seigneur, Fils unique de Dieu, plein de confiance dans Ta bonté généreuse, me voici suppliant à Tes pieds, daigne, je T’en conjure humblement, tourner les yeux sur moi. Délivre mon âme de sa prison d’iniquité, fais briller dans mon cœur un rayon de la céleste lumière, avant que je paraisse devant le tribunal redoutable qui m’attend, où le repentir ne pourra plus se faire entendre, où le regret sera impuissant. Deux pensées m’assiègent tour à tour : m’affranchir des liens du corps, ou ne plus pécher. Mais soudain, malheureux que je suis ! La crainte me saisit et m’arrête : comment, sans y être préparé, me soustraire à l’arrêt de mon Juge, moi qui suis sans vertu ?
Déchiré par de mortelles angoisses, je crains de demeurer dans la chair, je crains d’en sortir, et j’ignore lequel de ces deux partis je dois adopter ; car, je le vois, je suis lent à me porter au bien. C’est pourquoi je tremble à l’idée de demeurer dans cette chair de péché. Je marche tous les jours environné de pièges, et j’offre l’image d’un marchand sans énergie et sans courage, qui, à toute heure, voit se perdre le fond de son argent et l’intérêt. C’est ainsi que m’échappent les trésors célestes, embarrassé que je suis dans les affaires de la vie, qui m’entraînent au mal. En effet, je sens en moi qu’à chaque instant du jour je suis le jouet des illusions qui m’abusent, et que je me laisse prendre, malgré moi, aux choses que je hais. Je suis en extase devant la perpétuelle beauté des créatures, et je frémis, devant ce merveilleux spectacle, de la difformité, de la laideur de mon âme ; je frémis de cette volonté perverse qui me pousse au mal, et de ces inclinations honteuses qui sans cesse me jettent dans le péché, même au sein de l’affliction ; je frémis de la pénitence que je m’impose tous les jours, quand je vois qu’elle n’a pas de fondement solide ; car ce fondement, je le pose tous les jours, et tous les jours je le renverse de mes propres mains.
Non, la pénitence n’a pas encore jeté en moi de profondes racines ; il y a encore dans mon cœur une pernicieuse mollesse ; je suis esclave de ma lâcheté, et, docile à la volonté de mon ennemi, je m’empresse d’accomplir tout ce qui peut lui plaire. « Qui fera de ma tête une source intarissable d’eau, de mes yeux une fontaine de larmes », qui coulent sans cesse, pour que je pleure devant le Dieu de miséricorde, et qu’en répandant sur moi les bienfaits de Sa grâce, Il m’arrache à cette mer furieuse dont les flots bouleversent mon âme, et à ces tempêtes du péché qui grondent à toute heure sur ma tête ? Le mal triomphe de mes efforts, mes passions victorieuses le rendent incurable. L’espoir de la pénitence, voilà mon attente ; mais trompé par ses vaines promesses, à quel degré d’abaissement ne suis-je pas descendu ? Toujours retenu par cette illusion décevante, j’ai le mot de pénitence sur les lèvres, mais jamais je n’atteins la vertu ; à m’entendre, on dirait qu’elle m’exerce par les plus pénibles travaux, tandis que mes œuvres m’en éloignent sans cesse. La fortune vient-elle me sourire ? Tout succède-t-il au gré de mes désirs ? Je m’oublie promptement moi-même ; mais que le malheur me frappe, soudain je me répands en murmures. Trésors de sainteté, consacrés à jamais au Seigneur, nos pères ont eu à soutenir les rudes épreuves de la douleur et de la tentation, et la main de Dieu a tressé sur leurs fronts la couronne immortelle. Après avoir conquis par la souffrance un renom glorieux, ils sont devenus pour les âges suivants des modèles parfaits et révérés. Souvent, en considérant parmi les Partiarches et les Saints le chaste Joseph, cet homme tout brûlant d’amour pour le Très-Haut, doué de charmes tout célestes, et dans lequel la modestie s’alliait aux grâces du corps, j’admire la sublime patience dont il s’était armé contre les tentations. Ni la sombre jalousie de ses frères, ni l’envie, ne purent altérer la pureté de son âme, et ce serpent plein de ruses et de malice ne put, du fond de son repaire, ternir l’éclat de sa beauté. Il tenait ses yeux attachés sur lui pour le souiller de l’odieux venin de sa malignité.
La prison et les chaînes ne purent non plus ébranler son courage, ni flétrir, en sa brillante fleur, la jeunesse de cet enfant qui dès lors s’était dévoué à son Dieu. Et moi, infortuné que je suis ! Sans avoir eu à lutter contre la tentation, je pèche cependant, et j’irrite la colère de mon Dieu, après avoir éprouvé mille fois les heureux effets de Sa miséricorde ineffable ; je viens encore Te supplier, mon Dieu ! J’implore à genoux Ton immense bonté ! Puisse Ta grâce, comme une source inépuisable, baigner mon cœur de son eau salutaire ! Puissent mon cœur et ma bouche devenir le temple saint, le pur sanctuaire où descende le Roi du ciel ! Puissent les mauvaises pensées, les désirs coupables en être à jamais bannis, et qu’ils ne soient plus comme une caverne de scélérats et de voleurs ! Que ma langue résonne, comme une lyre, sous Ton doigt divin, qu’elle chante Tes louanges et Ta gloire ; que, pendant tout le cours de ma vie, je ne cesse de T’offrir, de cœur et de bouche, l’hommage respectueux du plus sincère amour. L’homme qui tarde, Seigneur, à célébrer Ton nom, et qui ne le fait qu’avec indifférence et tiédeur, est exclu de la vie future.
Jésus-Christ, mon Sauveur, exauce ma prière ; oui, que ma langue, lyre au son mélodieux, fasse retentir partout la puissance de Ta grâce, afin que je puisse expliquer à la terre, dans mes écrits, tout imparfaits qu’ils sont, Ton Saint Évangile, et que, sous l’abri de Ta main, je mérite d’être sauvé encore une fois, quand la majesté de Ta gloire remplira d’effroi toutes les créatures. Seigneur, Fils unique de Dieu, reçois, comme un don, la prière de Ton serviteur. Je suis un pécheur, mais un pécheur sauvé par Ta grâce. Gloire soit rendue à Celui qui sauve le pécheur dans Sa miséricorde !

jeudi 27 novembre 2008

SE CRUCIFIER SOI-MÊME EST NECESSAIRE POUR RETROUVER SON ETAT ORIGINEL


SAINT THÉOPHANE LE RECLUS
(Homélie du 26 mars 1861.
Troisième Dimanche du Grand Carême)

Après avoir chanté hier « Réjouis-toi, pleine de grâce », nous chantons aujourd’hui « Nous nous prosternons devant Ta Croix, ô Maître ». Hier, nous avons glorifié la Très Sainte Mère de Dieu, car le Très-Haut est descendu vers nous grâce à Elle ; aujourd’hui, nous La louons encore car Elle est le mystérieux Paradis qui a permis la croissance de l’arbre vivifiant de la Croix. Hier, la Sainte Église voulait nous élever jusqu’à la joie de la libération, aujourd’hui, Elle veut nous donner la force de supporter les tribulations de la Croix. Que peut bien signifier une telle coïncidence ? Quelle leçon peut-on tirer de cela ?
Il n’y a pas de véritable joie, si l’on ne porte pas sa croix. Tu veux te réjouir ? Porte d’abord ta croix ! La joie est le but, et la croix, le moyen d’y parvenir. Tu veux la première, désire la seconde ! Même si la réunion des fêtes chrétiennes mentionnées précédemment est le fruit du hasard et ne se produit que cette année, il n’est pas inutile d’expliquer en quoi le chemin vers la joie passe par la croix.
La joie, l’allégresse nous appartiennent par nature : Dieu a créé l’homme à Son image et à Sa ressemblance. Le Créateur étant tout-clément, l’homme devait sortir de Ses mains en état de béatitude. C’est donc ainsi qu’il était au début, bienheureux intérieurement et extérieurement. Mais par la suite, à cause de l’envie du diable, il fut séduit et transgressa le commandement divin. Le péché le détériora, il changea la joie et l’allégresse en trouble et en crainte. Dieu décida alors de le châtier en lui ôtant sa demeure extérieure, conformément à son nouvel état intérieur. Des tribulations et des tristesses de toutes sortes commencèrent à l’accabler.
Il semble clair maintenant que celui qui souhaite la joie et l’allégresse doit anéantir la gangrène qui s’est installée en lui avec la chute et retrouver son état premier. A ce moment-là, la joie et l’allégresse redeviendront aussi naturelles que la respiration. Que faire donc pour obtenir cela ? Il faut se crucifier. Voici pourquoi.
Regardons le mal qui s’est introduit avec la chute : l’Apôtre Paul l’appelle homme ancien ou pécheur. Saint Macaire le Grand commente cela en disant qu’un autre homme est entré en nous, un homme complet avec tous ses membres. Il s’est greffé sur l’homme sorti des mains du Créateur et l’a étouffé ; il l’a pénétré de telle façon que la tête s’installa sur la tête, les mains sur les mains, les pieds sur les pieds, et ainsi chaque membre sur le membre correspondant. Il l’a étouffé à tel point que l’homme originel fut presque invisible et que seul l’homme pécheur se mit à agir en maître. La joie de vivre disparut, car ce n’était plus l’homme vrai qui vivait, mais le pécheur pour qui la joie était si peu naturelle. À sa création, l’homme originel était juste, c’est-à-dire croyant, il craignait Dieu, il était plein d’espérance, pieux, miséricordieux, doux, humble, pur, bienveillant, tempérant, actif, en bref, paré de toutes les vertus divines. L’homme pécheur en était l’antithèse : incroyant, sans crainte de Dieu, ennemi de la prière, ne comptant que sur lui-même, lubrique, envieux, malveillant, paresseux, adonné aux plaisirs des sens, accablé de toutes sortes de passions et de sentiments vicieux. Lorsque ce dernier prit le dessus sur le premier, celui-ci commença à souffrir, à être esclave, oppressé. Ayant perdu sa liberté d’action, il s’affligea et vécut dans la peine.
Par exemple, lorsqu’une offense surgit, l’homme juste veut pardonner, le pécheur exige une vengeance, et comme l’un et l’autre vivent dans la même personne, le combat et le trouble naissent, dans l’agitation et la douleur. Si une tierce personne vit dans le bonheur et l’honneur, l’homme juste est prêt à se réjouir, tandis que le pécheur appelle l’envie. Si un

mendiant s’approche, l’homme juste, dans sa bienveillance, veut partager tout ce qui lui reste ; le pécheur, au contraire, par amour de soi et par cupidité, veut tout garder pour soi. Un plaisir sensuel est en vue, l’homme juste le rejette pour préserver sa pureté alors que le pécheur se jette dans le plaisir et l’impureté. Et ainsi, dans tous les domaines, le pécheur ne laisse aucune liberté à l’homme pur, il le tient en esclavage, dans une amère servitude. C’est pour cette raison que nous ne pouvons connaître la joie tant que nous sommes l’esclave du péché.
Nous voyons bien maintenant qu’il faut mettre à mort le pécheur pour retrouver la joie de vivre. L’Apôtre dit qu’il faut déposer l’homme ancien avec ses œuvres, crucifier la chair avec ses passions et ses convoitises, c’est-à-dire monter sur la croix.
Après la mort de l’homme pécheur, l’homme juste sera libéré et, pouvant agir librement, il pourra vivre dans l’allégresse. Plus précisément, on peut dire que c’est le pécheur qui sera crucifié en nous ; cependant, comme il avait pris le temps de se coller intimement à nous, cette mort sur la croix ne peut pas ne pas nous faire souffrir nous-mêmes. De la même façon, en médecine, quand le médecin opère une tumeur, la partie nuisible est ôtée mais tout le corps souffre. Quand on crucifie le vieil homme, on procède à l’ablation de ce qui est nuisible, contre nature, inique, de ce qui nous défigure, mais nous ne pouvons pas ne pas souffrir car tout cela était devenu une partie intégrante de nous-mêmes. Voilà pourquoi déposer l’homme ancien s’appelle aussi se crucifier. Cela ressemble fort à l’action de s’arracher la peau : quelle douleur on éprouve alors ! Mais dans le cas présent, cette douleur produit la joie et de tels fruits !
Ainsi, mes frères, la croix est nécessaire, et nous devons absolument monter sur elle. Mais comprenez bien : c’est l’homme rajouté que l’on crucifie. Et nous, nous ne sentons la douleur qu’au moment de son ablation. En réalité, nous ne nous crucifions pas mais nous nous affranchissons de l’esclavage et des chaînes, nous nous guérissons.
Tout se passe comme pour un prisonnier qu’on libérerait, tandis qu’il portait des chaînes depuis si longtemps qu’elles avaient pénétré sa chair : même s’il a mal, il supporte la douleur volontairement et avec joie, car il sait qu’il obtiendra la consolation de la liberté, une allégresse sans fin. Supportons nous aussi avec sérénité la douleur du crucifiement de l’homme ancien : nous entrerons bientôt dans la liberté des enfants de Dieu. Il ne peut en être autrement. Ou bien nous souffrons pour toujours dans l’esclavage du péché, ou bien nous souffrons un peu pour entrer dans la consolation de l’affranchissement du péché.
Il faut encore garder ceci en mémoire : la consolation de la croix n’est pas seulement due à l’espérance des biens futurs : on ressent déjà sur le moment même l’effet de la grâce, la joie de la guérison qui commence à gagner tout notre être spirituel. Il s’agit donc seulement de décider de monter sur la croix et de vouloir crucifier en nous tout ce qui est coupable, sous quelque forme que cela soit. Lorsqu’on aura infligé une telle défaite à l’homme pécheur dans les racines même de sa vie, retirer le reste ne présentera ni difficulté, ni douleur. Plus on prendra l’habitude du sacrifice, plus on se libérera des chaînes du péché, plus l’homme intérieur se montrera, membre après membre, et enfin dans sa perfection, sans vilenie, sans défaut, comme recréé par Dieu dans la justesse et la ressemblance de la vérité.
Sachant cela, mes frères, courons pour monter sur la croix, en pensant, non pas à la douleur d’un moment, mais à la consolation du salut. Ceci est le seul chemin vers la liberté des enfants de Dieu, la seule porte par laquelle on pénètre dans la joie du Seigneur. Tu désires te réjouir ? Crucifie-toi ! Ayant déposé le vieil homme, tu revêtiras l’homme nouveau, tu apparaîtras parfait par l’esprit, l’âme et le corps, comme un digne fils du rétablissement futur de toutes choses.
En souhaitant à tous de trouver cette bonne voie, je vous rappelle également qu’il faut assumer aussi les croix qui nous sont imposées par la vie sans que nous les ayons voulues, tant intérieures qu’extérieures, en gardant en tête l’heureux dénouement, pour pouvoir les porter avec plus de courage et de patience. Amen.

mercredi 26 novembre 2008

VIE DU SAINT APOTRE ANDRE LE PREMIER-APPELE


Saint André, premier appelé des apôtres du Christ, naquit dans la ville de Bethsaïde. Jonas, son père, était juif. Son frère n’était autre que Saint Pierre, le prince des apôtres. Dès l’enfance, André dédaigna l’agitation de ce monde, aussi préféra-t-il plus tard la virginité au mariage.
En ce temps-là, Jean (le saint précurseur et baptiste du Seigneur) prêchait le repentir près du Jourdain. André vint à l’entendre et décida de tout quitter pour marcher à sa suite et devenir son disciple. Plus tard, son maître lui désigna Jésus du doigt en disant « Voici l’Agneau de Dieu » ; aussi se sépara-t-il de lui pour suivre le Christ, en compagnie d’un autre de ses disciples (on dit que ce disciple était Saint Jean le Théologien, qui rapporte ces détails dans son Evangile).
La lecture des livres prophétiques montra clairement à Saint André que Jésus était vraiment Celui qui devait venir dans le monde. Peu après, André rencontra son frère Simon-Pierre et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie ! » Puis il le conduisit auprès de Jésus. Un autre jour, comme les deux frères pêchaient au lac de Tibériade, le Seigneur, qui passait par là, les appela : « Suivez-Moi, et Je vous ferai pêcheurs d’hommes ! » C’est à ce moment-là qu’André et son frère Pierre posèrent leurs filets pour suivre définitivement le Christ. André fut ainsi le premier à suivre le Seigneur Jésus-Christ pour devenir Son disciple, d’où son surnom de premier appelé.
Après la passion volontaire du Seigneur, Sa résurrection et Son ascension, Saint André reçut l’Esprit Saint, qui descendit sur les apôtres sous la forme de langues de feu. Les terres de mission furent distribuées, et le sort lui désigna la Bithynie, la Propontide, Chalcédoine et Byzance, la Thrace et la Macédoine, les rivages de la Mer Noire, la vallée du Danube, la Thessalie et la Grèce, l’Achaïe, Anisos, Trébizonde, Héraclée et Amastris.
Saint André traversa ces villes et ces contrées beaucoup moins vite que ne fusait sa parole. Il connut de nombreuses souffrances et maintes tribulations en prêchant le Christ. Mais, soutenu par l’aide toute-puissante du Seigneur, il supporta pour Lui tous ces malheurs avec joie. Il fut en particulier cruellement traité dans la ville de Sinope : on l’y traîna à terre par les bras et par les jambes, on le frappa à coups de gourdins, on le lapida, on lui brisa les doigts et les dents. Cependant, par la grâce de son Sauveur et Maître, il sortit indemne de ces tourments et put poursuivre son périple vers de nouvelles contrées : Néocésarée, Samosate, Alania, Avasgia, Zicheia, et la région du Bosphore. Par la suite, il s’embarqua pour la Thrace et la petite ville de Byzance, où il fut le premier à prêcher le Christ. Il enseigna des foules nombreuses, institua des presbytres, et nomma Stachys (dont parle Saint Paul dans l’épître aux romains) premier évêque de Byzance.
Après Byzance, Saint André endura les maux du labeur apostolique en prêchant le Christ dans la région du Pont et de la Mer Noire, en Scythie et en Chersonèse. Poussé par la providence, il remonta le Dniepr à travers la Russie jusqu’aux collines de Kiev, où il s’arrêta pour passer la nuit. Au matin, comme il s’éveillait, il dit à ses disciples : « Voyez-vous ces monts ? Croyez-moi, la grâce de Dieu resplendira sur eux ! Il y aura ici une grande ville. Dieu veut y édifier de nombreuses églises et illuminer ces terres par le saint baptême ! » Il fit l’ascension des collines, les bénit, et planta une croix, annonçant la future conversion du peuple russe par l’entremise du trône apostolique de Byzance. Il traversa ensuite d’autres lieux plus au nord, et parvint même à l’emplacement du futur Novgorod-le-Grand.
Plus tard, il se rendit à Rome, en Epire et en Thrace, où il affermit les chrétiens, nommant évêques et docteurs.
Après avoir instruit de nombreuses contrées, Saint André partit pour le Péloponnèse, et se rendit à Patras en Achaïe. Il s’installa chez un dénommé Sokiès, qui était alité et gravement malade. Il le guérit, et toute la ville se convertit au Christ. Saint André libéra également des liens cruels de la maladie Maximilla, la femme du proconsul, qui crut au Christ avec le sage Stratoklès, son beau-frère. Et l’apôtre guérit encore beaucoup d’autres malades en leur imposant les mains. Quand le proconsul Egéatus rentra de voyage, il apprit toutes ces conversions, laissa éclater sa fureur, et fit mettre Saint André en croix. Le récit des souffrances du saint apôtre, composé par les presbytres et les diacres de la terre d’Achaïe, est parvenu jusqu’à nous. Ecoutons-le !
Pour témoigner des souffrances du saint apôtre André, que nous avons vues de nos yeux, nous les presbytres et les diacres de l’Eglise d’Achaïe, nous avons résolu d’écrire à toutes les Eglises d’Orient et d’Occident, du nord et du midi, établies au nom du Christ. Paix à vous, et à tous ceux qui croient au seul Dieu, parfait et trine, vrai Père éternel du vrai Fils engendré, vrai Esprit Saint procédant du Père et reposant sur le Fils ! Nous avons été initiés à la foi par Saint André, apôtre de Jésus-Christ, et, selon nos moyens, nous rapporterons ici ses souffrances, auxquelles nous avons assisté, que nous avons vues de nos yeux.
Dès son retour dans la ville de Patras, le proconsul Egéatus voulut contraindre les chrétiens à sacrifier aux idoles. Comme Saint André passait par chez lui, il lui dit :
-Ô, toi qui juges les hommes ! Il serait bon que tu connaisses ton propre Juge, qui siège dans les cieux, et que tu L’adores à ton tour ! Quand tu auras adoré le vrai Dieu, tu te détourneras de ceux qui ne sont pas des dieux !
-Serais-tu cet André qui détruit les temples des dieux, et conseille au peuple cette nouvelle foi magique, que les empereurs de Rome ordonnent de détruire ?
-Les empereurs de Rome ignorent comment le Fils de Dieu est venu dans le monde pour le salut des hommes, et comment Il a clairement démontré que les idoles ne sont pas des dieux, mais des démons impies et hostiles au genre humain. Ces démons incitent les hommes à fâcher Dieu, pour qu’Il se détourne et cesse de les écouter. Et lorsque Dieu, irrité, se détourne des hommes, les démons les séduisent et les leurrent à loisir, afin qu’une fois leur corps déposé, ils ne puissent emporter rien d’autre avec eux que leurs péchés !
-Lorsque votre Jésus a prêché ces paroles de bonne femme, les juifs L’ont cloué sur la croix !
-Si seulement tu voulais connaître le mystère de la croix... Par amour pour nous, le Créateur du genre humain a souffert sur la croix, non pas sous la contrainte, mais de Sa propre volonté ! J’en suis moi-même témoin. Il a prédit devant nous Sa passion et Sa résurrection au troisième jour. Alors qu’Il était assis avec nous pour le dernier repas, Il a désigné le traître, parlant du futur aussi clairement qu’on évoque le passé. Puis Il s’est rendu volontairement sur les lieux de la trahison, afin de tomber entre les mains des juifs.
-Je suis étonné qu’un sage puisse suivre quelqu’un qui accepte la crucifixion, volontairement ou non !
-Grand est le mystère de la croix ! Veux-tu l’entendre ? Je te l’exposerai !
-Ce n’est pas un mystère, mais un châtiment de criminel !
-Ce châtiment cache le renouvellement du genre humain. Mais daigne seulement m’écouter !
-Je t’écouterai patiemment, mais tu subiras toi aussi le « mystère » de la croix, si tu ne fais pas ce que j’ordonne !
-Si je craignais le châtiment, je n’aurais jamais glorifié la croix !
-C’est par folie que tu loues la croix, et par insolence que tu ne crains pas la mort !
-Je ne crains pas la mort, non par insolence, mais à cause de ma foi. Précieuse est la mort des saints, et funeste celle des pécheurs... Mais écoute donc le mystère de la croix ! Après avoir entendu la vérité, tu trouveras la foi. Et avec elle, tu pourras recouvrer ton âme.
-On recouvre ce qu’on a perdu. Mon âme est-elle perdue, que tu m’incites à la recouvrer par je ne sais quelle foi ?
-C’est ce qu’il te faut apprendre ! Je m’en vais t’entretenir de la perdition des âmes humaines, afin que tu saches comment le salut fut accompli par la croix !
Le premier homme a laissé entrer la mort par l’arbre de la transgression : il convenait donc au genre humain de l’extirper par l’arbre des souffrances. Le premier homme fut créé d’une terre pure : il convenait donc au Christ, Homme parfait, Fils de Dieu, et Créateur du premier homme, de naître d’une Vierge pure. Il Lui incombait de restituer à l’humanité la vie éternelle, en repoussant l’arbre de la convoitise par l’arbre de la croix. Le premier homme pécha en tendant les mains vers la doucereuse nourriture de l’arbre interdit : il fallait donc que le Fils de Dieu étendît sur la croix Ses mains innocentes de toute intempérance, et goûtât l’amertume du fiel. Ainsi, Il assuma notre mort pour nous faire don de Son immortalité.
-Tiens donc de tels discours à ceux qui t’obéissent ! Mais puisque tu n’obéis pas à mes ordres, puisque tu refuses de sacrifier aux dieux, je m’en vais te faire donner le bâton, et te crucifier sur cette croix que tu glorifies !
-J’offre chaque jour au seul vrai Dieu, au Dieu Tout-Puissant, non pas la fumée de l’encens, non pas la viande des boeufs et le sang des boucs, mais l’Agneau innocent qui S’est sacrifié sur l’autel de la croix. Les fidèles communient à Son corps très pur et boivent Son sang très précieux. Cet Agneau reste intact et vivant, bien qu’Il se soit vraiment offert en sacrifice. Tous mangent vraiment Son corps, et tous boivent vraiment Son sang, et, comme je l’ai dit, Il demeure intact, vivant et sans tâche.
-Comment cela se peut-il être ?
-Si tu veux le savoir, deviens un disciple, et tu l’apprendras !
-Tu m’enseigneras cela par tes souffrances !
-Je m’étonne qu’un sage puisse dire des choses insensées. Comment des supplices pourraient-ils révéler les mystères de Dieu ? Tu viens d’entendre parler des mystères de la croix et du sacrifice : si tu crois au Christ, Fils de Dieu, crucifié par les juifs et seul vrai Dieu, je te dévoilerai comment, bien que mis à mort, Il vit, comment, bien qu’immolé et mangé, Il demeure intact dans Son royaume.
-S’Il est immolé et mangé par les hommes, comme tu le dis, comment peut-Il rester vivant et intact ?
-Si tu crois de tout ton coeur, tu pourras connaître ce mystère. Sinon, tu ne le connaîtras jamais !
Irrité, Egéatus fit jeter l’apôtre en prison. Une foule nombreuse se rassembla aussitôt de tous les coins de la contrée pour tuer le proconsul et faire sortir Saint André de sa cellule. Mais le saint apôtre leur interdit d’agir ainsi, disant : « N’échangez pas la paix de notre Seigneur Jésus-Christ contre une agitation diabolique ! Quand notre Seigneur fut condamné à mort, Il montra de la patience, Il ne contredit pas, Il ne cria pas, Sa voix ne résonna pas à la croisée des chemins. Taisez-vous donc, vous aussi, et gardez la paix ! Non seulement il ne convient pas que vous vous opposiez à mon supplice, mais il faut que vous vous prépariez vous-mêmes, comme de bons soldats du Christ, à supporter patiemment les menaces, et à subir les coups et le martyre. Une seule peur est redoutable : celle qui n’a pas de fin. Les menaces terrifiantes des hommes ne sont que fumées. Elles disparaissent rapidement. Redoutons les souffrances sans fin ! Les douleurs temporelles sont brèves, aisément supportables. Quand elles durent, elles deviennent si grandes qu’elles chassent l’âme du corps. Mais les maux éternels sont cruels. Ils s’accompagnent des sanglots et des pleurs incessants qu’Egéatus ne craint pas. Préparez-vous aux tribulations temporelles ! Elles préparent la joie éternelle, les réjouissances, et un règne florissant et sans fin avec le Christ ! »
Saint André instruisit ainsi les gens toute la nuit. Au matin, le proconsul Egéatus s’assit au tribunal et fit mander l’apôtre :
-As-tu réfléchi, vas-tu renoncer à cette folie et cesser de prêcher le Christ ? Ne veux-tu donc pas te réjouir avec nous dans cette vie ? Quelle folie de courir volontairement au devant des souffrances !
-Je me réjouirai avec toi quand tu croiras au Christ et rejetteras les idoles. Le Christ m’a envoyé dans ce pays et je Lui ai déjà acquis beaucoup de gens...
-C’est bien pour cela que je t’oblige à sacrifier ! Puissent ceux que tu as leurrés abandonner la vanité de ton enseignement, et offrir aux dieux d’agréables libations ! Il n’y a plus une ville en Achaïe où les temples des dieux ne se soient pas vides ! Les dieux doivent maintenant retrouver par toi leur dignité ! Tu les as courroucés, tu dois les apaiser ! Ainsi nous resterons amis. Sinon, tu paieras le déshonneur des dieux par les supplices et tu seras pendu sur cette croix que tu glorifies !
-Ecoute, fils de la mort ! Ecoute, paille destinée au feu éternel ! Ecoute donc le serviteur du Seigneur et l’apôtre de Jésus-Christ ! Jusqu’ici, je t’ai parlé avec douceur, car je voulais t’enseigner la sainte foi, je voulais que tu comprennes la vérité comme un homme raisonnable, je voulais que tu rejettes les idoles pour adorer le Dieu qui vit dans les cieux. Mais puisque tu t’obstines dans ton effronterie, puisque tu crois que je crains les supplices, invente donc pour moi ce qu’il y a de plus pénible ! Mon union avec le Roi sera d’autant plus agréable qu’auront été pénibles les tortures !
A ces mots, Egéatus fit étendre l’apôtre sur le sol. Sept groupes de trois hommes se relayèrent pour le frapper. Puis on le présenta de nouveau au juge :
-Ecoute-moi, André, ne verse pas ton sang en vain ! Si tu n’entends pas raison, je te crucifierai !
-L’esclave de la croix du Christ ne désire plus que la mort sur la croix ! Toi, tu peux encore éviter la mort éternelle : il te suffit de croire au Christ en éprouvant ma patience. Ta perte m’attriste davantage que les souffrances, qui prendront fin dans un jour ou deux. Mais les tiennes ne cesseront jamais, même après mille ans ! Ne multiplie pas les douleurs, n’allume pas pour toi-même le feu éternel !
Au comble de la fureur, Egéatus ordonna la crucifixion. Il ne fit pas clouer, mais attacher les mains et les pieds de l’apôtre, afin d’accroître les souffrances et de retarder la mort.
Comme les serviteurs du tyran escortaient leur victime, la foule se rassemblait en demandant à grands cris en quoi cet homme juste et ami de Dieu pouvait bien être coupable, et pour quel motif on le conduisait à la croix. Mais André priait le peuple de ne pas s’opposer à ses souffrances. Il marchait avec joie sans cesser d’enseigner. Quand il fut en vue du lieu du supplice, il aperçut la croix et s’écria à voix haute : « Réjouis-toi, croix sanctifiée par la chair du Christ, ornée par Ses membres comme par des perles ! Avant que le Seigneur n’ait été pendu sur toi, tu étais terrible aux yeux des hommes. A présent, tu es aimable et désirable ! Les fidèles savent quelle joie tu renfermes, à quelle rétribution tu prépares. Je m’approche de toi avec joie et audace, reçois-moi dans l’allégresse ! Je suis disciple de Celui qui fut pendu sur toi ! Reçois celui qui t’a toujours aimée, qui a toujours voulu t’embrasser ! Ô, croix si bonne ! Tu as acquis des membres mêmes du Seigneur ta notoriété et ta beauté ! Depuis longtemps je te désire, je t’aime avec ferveur, je te cherche en permanence, et voici que je te trouve prête à assouvir le désir de mon coeur ! Arrache-moi aux hommes pour me rendre à mon Maître ! Qu’Il me prenne donc, puisque c’est par toi qu’Il m’a racheté ! »
Ayant prononcé ces paroles, l’apôtre ôta ses vêtements, et les confia à ses bourreaux. On lia ses mains et ses pieds par des cordes, et on le pendit à la croix. Quelques vingt mille personnes assistaient à la scène, criant à l’injustice. Parmi elles, Stratoklès, le propre frère d’Egéatus. Mais Saint André affermissait les croyants et les incitait à supporter avec patience les souffrances temporelles, qui sont sans comparaison avec la rétribution à venir.
Bien plus tard, le peuple se dirigea vers la maison d’Egéatus en criant : « Un maître saint, digne, doux, et sage, ne doit pas souffrir ainsi ! Qu’on le descende de la croix ! Voilà déjà deux jours qu’il est pendu sans cesser d’enseigner la vérité ! » Egéatus craignit la foule. Il partit sur-le-champ libérer André. Quand il le vit arriver, celui-ci lui dit :
-Pourquoi es-tu venu, Egéatus ? Si c’est pour croire au Christ, la porte de la grâce s’ouvrira devant toi, comme je te l’ai promis ! Mais si tu es seulement venu me délier, sache que je refuse qu’il en soit ainsi, tant que je serai vivant ! Je ne veux pas descendre de la croix ! Je vois déjà mon Roi, je L’adore déjà, je me tiens devant Lui ! Et je m’attriste pour toi car la perdition éternelle t’attend ! Préoccupe-toi de toi-même tant qu’il en est encore temps, afin de ne pas le regretter quand ce sera trop tard !
Les serviteurs du tyran tentèrent de détacher l’apôtre, mais ils ne le purent, car leurs mains s’engourdissaient. Saint André dit alors d’une voix forte : « Seigneur Jésus-Christ, ne permets pas que je sois détaché de la croix ! J’y suis pendu pour ton Nom ! Reçois-moi, ô mon Maître ! Je T’aime, je Te connais, je Te confesse, je désire Te voir, et je T’appartiens ! Seigneur Jésus-Christ, reçois mon esprit dans la paix, il est temps pour moi de venir près de Toi et de Te voir, Toi l’objet de mon désir ! Reçois-moi, bon Maître, ne permets pas que je sois détaché de la croix avant de T’avoir rendu mon esprit ! » Comme il disait cela, une lueur vive comme l’éclair illumina le ciel et vint l’envelopper, de sorte que plus personne ne pouvait le fixer du regard. Elle demeura une demi-heure autour de lui, puis déclina. Quand elle se fut estompée, le saint apôtre avait rendu son âme au Seigneur.
Ce fut Maximilla, la sainte et chaste femme du proconsul, qui, dès qu’elle eut appris la mort de l’apôtre, décrocha son corps avec révérence, l’oignit de précieux aromates et le coucha dans un tombeau qu’elle destinait à sa propre sépulture. Egéatus, courroucé contre le peuple, méditait sa vengeance, se préparant à calomnier Maximilla devant l’empereur. Pendant qu’il ruminait de noires pensées, le démon fondit sur lui et le battit à mort au beau milieu de la ville. Quand il l’apprit, son frère Sratoklès qui croyait au Christ ordonna de l’inhumer, mais ne réclama aucun de ses biens. Il ajouta même : « Ne permets pas, mon Seigneur Jésus-Christ, que j’aie à toucher quoi que ce soit des biens de mon frère, afin que je ne sois pas souillé par ses péchés ! Comment a-t-il a osé tuer Ton apôtre qui aimait les vrais biens ! »
Tout ceci arriva le dernier jour de novembre en Achaïe, dans la ville de Patras, où, par les prières de l’apôtre, de nombreux bienfaits sont accordés au peuple jusqu’à aujourd’hui. Tous furent saisis de crainte devant les événements, et crurent à notre Dieu et Sauveur, qui veut que tous soient sauvés et parviennent à la connaissance de la Vérité. A Lui, gloire dans les siècles des siècles ! Amen.
Ainsi prend fin le récit composé par les presbytres et les diacres d’Achaïe. Bien des années plus tard, les reliques du saint apôtre André furent transportées à Constantinople par le saint martyr Artémios, sur l’ordre de Saint Constantin le Grand. Elles furent déposées à l’autel, dans la lumineuse église des Saints-Apôtres, aux côtés du saint apôtre et évangéliste Luc et du saint apôtre Timothée, disciple de Saint Paul.

lundi 24 novembre 2008

"DU REPENTIR" SAINT IGNACE BRIANTCHANINOV


« Repentez-vous et croyez à l'Évangile ! Repentez-vous, car le Royaume des Cieux est tout proche. » (Mc 1,15 ; Mt 4, 17). Par ces paroles commence la prédication du Dieu-homme, paroles qu'Il ne cesse de prononcer jusqu'à nos jours au travers de l'Évangile. Lorsque le péché du monde s'est accru, le médecin tout-puissant est descendu vers nous. Il est descendu dans le pays de notre exil, de nos angoisses et de nos souffrances, celles qui précèdent les tourments éternels de l'enfer. Il annonce à tous les hommes la bonne nouvelle de la délivrance, de la consolation, de la guérison, sans exception aucune. « Repentez-vous ! » LA puissance du repentir se fonde sur la puissance de Dieu : quand le Médecin est tout-puissant, nul doute que la médecine soit également toute-puissante.
Ainsi, tout au long de sa prédication sur la terre, le Seigneur appelait à Lui ceux que le péché rendait malades, sans considérer jamais qu'il pût exister des péchés inguérissables. Aujourd'hui encore, Il continue d'appeler chacun de nous, promettant et accordant la rémission de tous les péchés, la guérison de tout mal dû au péché.
Ô pèlerins terrestres ! Que vous vous élanciez ou que vous soyez entraînés sur la voie large, au milieu du chahut incessant des soucis terrestres, des distractions et des réjouissances, parmi les fleurs mêlées aux ronces piquantes, que vous vous pressiez sur cette route qui vous conduit vers une fin connue de tous, mais que tous ont oubliée – l'obscurité de la tombe – puis vers une éternité plus effrayante encore, arrêtez-vous ! Rompez le charme d'un monde qui vous retient captifs ! Prêtez attention à ce que vous annonce le Sauveur, prêtez toute l'attention qu'il faut à Ses paroles! « Repentez-vous et croyez à l'Évangile », vous dit-Il, « repentez-vous, car le Royaume des Cieux est tout proche ».
Il est indispensable, pèlerins terrestres, que vous prêtiez attention à cette sollicitation essentielle, utile et salutaire, sans quoi vous descendrez dans la tombe, vous parviendrez au seuil, puis aux portes de l'éternité, sans avoir compris ce qu'est l'éternité, ni les obligations de celui qui y entre, et vous ne vous serez préparés que des justes châtiments à cause de vos péchés. Le péché le plus lourd, c'est manquer d'attention aux paroles du Christ, c'est négliger le Christ. « Repentez-vous ! »
Le chemin de la vie terrestre est mensonger, trompeur : il semble aux débutants un parcours infini, plein de réalités ; mais ceux qui l'ont accompli savent qu'il s'agit d'un chemin bien court, jalonné de vains rêves. « Repentez-vous ! »
La gloire et la richesse et tous les autres acquis et privilèges périssables, que le pécheur aveuglé passe sa vie terrestre à entasser, toutes les forces de l'âme et du corps, il doit y renoncer au moment où, malgré soi, l'âme est dépouillée de son vêtement corporel, puis conduite par des anges implacables au jugement du Dieu de Justice, ce Dieu qu'elle ne connaît pas, parce qu'elle L'a dédaigné. « Repentez-vous ! »
Les hommes s'agitent, se hâtent d'acquérir des connaissances négligeables, éphémères, qui ne leur permettent que de satisfaire les besoins, les commodités et les fantaisies de la vie terrestre. La connaissance et l'œuvre véritablement nécessaires, pour lesquelles la vie terrestre nous a été léguée, c'est la connaissance de Dieu et la paix que nous établissons avec Lui par l'intermédiaire du Rédempteur. Or, ceci, nous le négligeons totalement. « Repentez-vous ! »
Frères ! Examinons objectivement notre vie terrestre, à la lumière de l'Évangile : elle est insignifiante. Tous les biens que nous possédons nous sont repris par la mort et, souvent même bien avant la mort, à la suite de circonstances inopinées. Ces biens périssables, qui disparaissent si vite, ne valent pas d'être appelés des biens ! Ce sont des leurres plutôt, ou des rets. Ceux qui s'y trouvent pris, ceux qui y sont empêtrés sont privés des véritables bien spirituels, de ces éternels biens célestes qu'apportent la foi en Christ et le fait de le suivre sur le chemin mystérieux de la vie évangélique. « Repentez-vous ! »
Quel terrible aveuglement que le nôtre ! Quelle preuve irréfutable de notre chute ! Nous voyons la mort frapper nos frères. Nous savons qu'elle nous attend, nous aussi, immanquablement, pour très bientôt, peut-être, tant il est vrai qu'aucun homme ne vit éternellement sur la terre. Nous voyons le bonheur d'ici-bas abandonner certains hommes avant même leur mort, nous le voyons souvent se transformer en malheur, avant-goût journalier de la mort. Malgré ce témoignage patent que nous recevons de notre propre expérience, nous ne briguons que les biens temporels, comme s'ils étaient éternels. Toute notre attention se porte vers eux. Dieu est oublié. Majestueuse et terrifiante, l'éternité est oubliée ! « Repentez-vous ! »
Frères, les biens périssables nous trahiront infailliblement : la richesse trahira les riches, la gloire les glorieux, la jeunesse les jeunes, la sagesse les sages. Tout au long de son errance sur la terre, l'homme ne peut acquérir qu'un seul bien, éternel, essentiel : la connaissance véritable de Dieu, la réconciliation et l'union avec Lui, celles que nous donne le Christ. Pour bénéficier de ces dons souverains, il faut se dépouiller de sa vie de péchés, il faut la haïr. « Repentez-vous ! »
« Repentez-vous ! » Qu'est-ce que se repentir ? Cela veut dire reconnaître, regretter ses péchés, les abandonner et n'y point revenir, selon la réponse donnée par un grand et saint Père de l'Église. De nombreux pécheurs devinrent ainsi des saints, de nombreux hors-la-loi des hommes justes.
« Repentez-vous ! » Bannissez non seulement les péchés manifestes, les meurtres, les pillages, l'adultère, la calomnie, le mensonge, mais aussi les distractions pernicieuses, les jouissances charnelles, les pensées iniques, absolument tout ce que défend l'Évangile. Lavez votre vie passée dans le péché par les larmes d'un repentir sincère.
Ne te dis pas, dans un moment d'acédie et d'affaiblissement de l'âme : « J'ai commis de grands péchés. Par une longue vie passée à pécher, j'ai contracté de coupables habitudes ; avec le temps, elles me sont devenues naturelles, elles rendent mon repentir impossible ». Ces sombres pensées, c'est ton ennemi qui te les souffle, car tu ne l'as pas encore décelé ni compris. Il connaît la puissance du repentir, il craint que le repentir ne te soustraie à son pouvoir, et il s'applique à t'en détourner, en faisant passer pour faible la toute-puissante médecine de Dieu.
Le repentir t'est prescrit par ton Créateur, Lui qui t'a créé à partir de rien. Il Lui est d'autant plus facile de te créer à nouveau, de changer ton cœur. D'un cœur qui aime le péché, Il peut faire un cœur qui aime Dieu, d'un cœur sensuel, charnel, mal intentionné, voluptueux, un cœur pur, spirituel, saint.
Frères ! Apprenons à connaître l'ineffable amour que Dieu porte à l'humanité déchue. Le Seigneur s'est incarné pour prendre sur Lui les supplices que les hommes méritent, et par le supplice du Très-Saint, racheter les coupables. Qu'est-ce qui l'a attiré à nous, ici sur cette terre, dans le pays de notre exil ? Sont-ce nos mérites ? Certes pas ! C'est notre état malheureux, où nous ont précipités nos péchés, qui L'a conduit à nous.
Pécheurs, reprenons courage ! C'est justement pour nous que Le Seigneur s'est fait homme. Il s'est chargé de nos maux avec une incroyable miséricorde. Cessons donc de tergiverser. Cessons de perdre courage et de douter. Emplis de foi, de zèle et de gratitude, abordons le repentir afin de nous réconcilier avec Dieu. « Quant au méchant, s'il renonce à tous les péchés qu'il a commis, observe toutes mes lois et pratique le droit et la justice, il vivra, il ne mourra pas. On ne se souviendra plus de tous les crimes qu'il a commis, il vivra à cause de la justice qu'il a pratiquée » (Ez 18, 21-22). Telle est la promesse que Dieu fait au pécheur, par la bouche de Son grand prophète.
Adressons à l'amour que le Seigneur manifeste pour nous une réponse à la mesure de nos forces imparfaites, une réponse dont nous soyons capables, créatures déchues : repentons-nous ! Mais ne nous contentons pas uniquement de paroles. Ne témoignons pas seulement de notre repentir par quelques brèves larmes, par une participation tout extérieure aux offices divins, en accomplissant les rites dont se contentaient aussi les pharisiens. En plus de nos larmes et de notre piété apparente, cultivons les dignes fruits du repentir : transformons notre vie coupable en une vie évangélique.
« Pourquoi mourir, maison d'Israël ? » (Ez 18, 31). Pourquoi la mort éternelle est-elle, chrétiens, la rançon de vos péchés ? Comment se fait-il que vous emplissiez l'enfer, comme si le repentir tout-puissant n'existait pas dans l'Église du Christ ? Ce don infiniment bon a été accordé à la maison d'Israël, c'est-à-dire aux chrétiens : à n'importe quel moment de la vie, quels que soient les fautes, il agit avec une force égale : il lave tout péché, sauve quiconque a recours à Dieu, fût-ce au dernier période de la vie.
« Pourquoi mourir, maison d'Israël ? » Les chrétiens subissent une mort éternelle parce qu'ils ne cessent, tout au long de leur vie terrestre, de transgresser les promesses qu'ils ont faites lors du saint baptême, ils ne cessent de servir le péché. Ils périssent parce qu'ils n'accordent aucune attention à la Parole de Dieu qui leur parle du repentir. Dans les derniers instants qui précèdent la mort, ils ne savent pas profiter de la toute-puissante force du repentir. Ils sont incapables d'en profiter parce qu'ils ne savent rien du christianisme, ou parce qu'ils en savent si peu et d'une manière si confuse, qu'une telle connaissance pourrait aussi bien être appelée ignorance.
« Par ma vie » , dit le Seigneur pour renforcer l'assurance des croyants face aux mécréants et gagner l'attention des inattentifs : « Par ma vie, oracle du Seigneur, je ne prends pas plaisir à la mort du méchant, mais à la conversion du méchant qui change de conduite pour avoir la vie » (Ez 33, 11) « Pourquoi mourir, maison d'Israël ? »
Dieu sait combien les hommes sont faibles, Il sait qu'après leur baptême, ils continuent de commettre des transgressions. Il instaura donc dans Son Église le sacrement du repentir qui purifie les péchés commis après le baptême. Le repentir doit accompagner la foi en Christ, il doit précéder le baptême en Christ. Après le baptême, il rédime la transgression des obligations de celui qui croit en Christ et qui a été baptisé en Lui.
Quand de nombreux Hiérosolymites et des habitants de toute la Judée se rassemblaient sur les rives du Jourdain, auprès de Jean, prédicateur du repentir, pour être baptisés par lui, ils lui confessaient leurs péchés. Ils les confessaient, remarque un saint Écrivain , non que saint Jean le Baptiste eût besoin de connaître les péchés de ceux qui venaient, mais pour que le repentir persistât : il fallait unir la confession des péchés au regret d'y être tombé.
L'âme qui se sait obligée de confesser ses péchés, dit le même saint Père, est retenue, comme par un frein, de commettre à nouveau les mêmes péchés ; au contraire, nous commettons sans crainte les péchés que nous n'avons pas confessés, car nous demeurons dans les ténèbres .
La confession des péchés détruit l'intimitié que nous avions avec eux. La haine que nous leur témoignons est l'indice du véritable repentir, de la décision de mener une vie vertueuse.
Si tu t'es accoutumé aux péchés, confesse-les plus souvent, et tu seras bientôt délivré de leur domination, tu suivras avec facilité et allégresse le Seigneur Jésus-Christ.
L'homme qui trompe continuellement ses amis voit ceux-ci devenir ses ennemis, et se détourner de lui, comme d'un traître qui cause leur perte. De même, les péchés s'éloignent de l'homme qui les confesse, parce qu'ils trouvent leur fondement et puisent leur force dans l'orgueil de la nature déchue et parce qu'ils ne tolèrent ni la dénonciation ni la honte.
L'homme qui pèche de son gré, tout exprès, dans l'espoir du repentir, agit sournoisement envers Dieu. La mort frappe sans crier gare celui qui se livre à des péchés volontaires et prémédités, espérant ensuite pouvoir se repentir, car le temps sur lequel il comptait pour se consacrer aux vertus ne lui est pas donné .
Le sacrement de la confession absout résolument tous les péchés commis en parole, en acte ou en pensée. Pour effacer du cœur la propension au péché qui y est enracinée, il faut du temps, il faut demeurer continuellement dans le repentir. Un repentir constant réside dans un esprit contrit en permanence, dans la lutte contre ses pensées (logismoi) et ses sentiments, par lesquels se manifestent les passions tapies dans le cœur. Il consiste également en la répression des sentiments charnels et de ceux du ventre, en une prière humble, une confession fréquente.
Frères ! Nous avons délibérément perdu la sainte pureté, étrangère non seulement à tout acte coupable, mais à la connaissance même du mal, cette pureté, cette lumière spirituelle, où les mains du Créateur nous ont fait naître. Mais nous avons également perdu la pureté qui nous fut donnée lorsque nous avons été recréés par le baptême. Sur le chemin de la vie, à cause de nos péchés, nous avons tachés nos vêtements que le Rédempteur avait blanchis. Il nous reste encore un peu d'eau pour nous laver : les larmes du repentir. Qu'adviendra-t-il de nous, si nous dédaignons encore cette absolution ? Nous nous présenterons devant Dieu, avec des âmes défigurées par le péché. Il jettera alors sur notre âme souillée un regard sévère et la condamnera au feu de la géhenne.
« Lavez-vous », dit Dieu aux pécheurs, « purifiez-vous ! Ôtez de Ma vue vos actions perverses ! Cessez de faire le mal. Allons ! Discutons ! » (Is 1, 16 et 18). Quel est donc le jugement de Dieu, ce jugement de repentir auquel Dieu appelle sans cesse le pécheur durant sa vie terrestre ? Lorsque l'homme reconnaît ses péchés, lorsqu'il se décide à se repentir sincèrement et qu'il s'amende, Dieu le juge ainsi : « Quand vos péchés seraient comme l'écarlate, comme neige ils blanchiront ; quand ils seraient rouges comme la pourpre, comme laine ils deviendront » (Is 1, 18). Mais si le chrétien méprise le repentir, cet appel divin plein de miséricorde, alors Dieu le condamnera sans appel à la perdition. « Cette bonté de Dieu », dit l'Apôtre, « te pousse au repentir » (Rm 2, 4). Dieu voit les péchés que tu commets sous Ses yeux, la ribambelle de péchés dont ta vie tout entière est faite. Il attend ton repentir et te laisse libre, dans le même temps, de choisir entre ton salut et ta perdition. Tu abuses pourtant de Sa bonté et de Sa longanimité ! Tu ne t'amendes pas ! Ta négligence s'accroît ! Le mépris que tu témoignes pour Dieu et pour ta propre éternité grandit en toi ! Tu ne t'occupes que de multiplier tes péchés, aux péchés précédents tu en ajoutes de nouveaux, plus grands encore ! « Par ton endurcissement et l'impénitence de ton cœur, tu amasses contre toi un trésor de colère, au jour de la colère où se révélera le juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses œuvres : à ceux qui par la constance dans le bien recherchent gloire, honneur et incorruptibilité, la vie éternelle ; aux autres, âmes rebelles, indociles à la vérité et dociles à l'injustice, la colère et l'indignation. Tribulation et angoisse à toute âme humaine qui s'adonne au mal » (Rm 2, 5-9). Amen

dimanche 23 novembre 2008

HISTOIRE DE L'ICONE DE LA MERE DE DIEU DITE: D'IVIRON OU PORTAÏTISSA.


Pendant la période iconoclaste, cette sainte icône apartenait à une pieuse veuve qui vivait avec son fils unique près de la ville de Nicée en Asie Mineure. Cette veuve pieuse qui vénérait profondément la sainte icône, la gardait dans l’église aménagée près de sa maison.
L’Empereur iconoclaste Théophile avait dépêché partout ses émissaires pour détruire les saintes icônes, et ils vinrent aussi à Nicée chez la pieuse veuve. Cette dernière réussit à faire patienter les soldats jusqu’au matin, leur promettant une grosse somme d’argent. En effet, elle passa toute la nuit en priant la Reine des Cieux de protéger son fils et l’icône ; elle porta ensuite l’icône avec son fils au bord de la mer et l’y jeta , la confiant à la Providence et à la Très Sainte Mère de Dieu.
C’est avec joie qu’elle vit l’icône se tenir debout sur la surface des flots au lieu de tomber à plat comme on pouvait s’y attendre. L’icône se dressa donc d’abord face à la rive et ensuite, glissant sur les vagues, elle s’éloigna vers l’ouest, échappant au regard de la veuve. Réconfortée par cette vision, la veuve bénit Dieu et rendit grâce à la Toute Sainte. Ceci se passait vers la moitié du IXème siècle.
Un siècle plus tard, vers 980, les moines du monastère georgien Iviron sur la rive ouest de la péninsule du Mont Athos, virent une étrange manifestation. Une colonne de feu se dressait de la mer jusqu’au ciel devant le monastère ; entre les vagues et la colonne se trouvait une icône. L’agitation fut grande chez les moines. Ils tentèrent d’approcher l’icône en bateau au son des prières et des chants mais à chaque tentative, elle s’éloignait d’eux. Une fois retournés à la rive, l’icône s’approchait à nouveau. Le trouble était grand car aucune prière n’y faisait, plusieurs jours et plusieurs nuits durant.
A cette époque, un ascète georgien, Gabriel, homme purifié par la prière et la grâce et qui vivait reclus dans une grotte au-dessus du monastère, eut une vision : La Très Sainte Mère de Dieu lui apparut en songe et Elle lui ordonna d’annoncer à l’higoumène son intention de donner son icône comme aide et protection à la communauté. Gabriel devait s’approcher sans crainte sur les flots pour prendre l’icône. Cette nuit même en présence de tous les moines restés à chanter sur la rive avec des banières et des encensoirs, Gabriel monta dans une barque, navigua jusqu’à l’icône et, ô miracle, le voilà marchant sur les flots comme jadis le chef des Apôtres Pierre, allant à la rencontre du Christ. Il prit l’icône dans ses mains et la porta lui-même au monastère où on célébra pendant trois jours et trois nuits les offices d’action de grâce.
Plusieurs siècles passèrent et l’icône restait objet de vénération des moines dans l’église centrale du monastère appelée Catholicon.
Vers le XVème siècle, lors de la prise de Constantinople par les Ottomans, il y eut des incursions de Turcs au Mont Athos où ces derniers se sont livrés au pillage des monastères et même plusieurs moines ont été massacrés par eux.
Dans le monastère d’Iviron, des événements prodigieux eurent lieu. L’icône de la Mère de Dieu disparut. On la chercha partout sans la trouver bien qu’elle fût une icône de grande dimension. Finalement, on s’aperçut qu’elle se trouvait sur le mur au-dessus de la porte d’entrée du monastère. Chose étrange ! On la transporta de nouveau dans l’église, mais le même fait se reproduisit le lendemain et le jour suivant. La Mère de Dieu apparut finalement à l’higoumène et lui dit : « Annonce à la communauté que mon icône doit rester près des portes. Je ne veux pas être gardée mais c’est Moi qui vous garderai non seulement dans cette vie mais dans l’autre... Tant que mon icône sera dans votre monastère, ma miséricorde et ma grâce ne tariront pas ». (C’est pourquoi l’icône a été appelée depuis la Portaïtissa, celle qui garde la porte).
A ce moment-là, un groupe de Turcs vinrent pour piller le monastère. Arrivant aux portes, qui étaient évidemment closes, l’un d’eux, mû par un esprit malin, prit sa lance et l’envoya sur le visage de la Mère de Dieu. La lance toucha le cou de la Vierge et aussitôt, une plaie se vit sur le cou et du sang s’écoula en abondance. A la vue de ce miracle, les Turcs paniquèrent et prirent la fuite. Seul, celui qui a commis le crime resta sur place comme mort. Au petit matin, les moines ouvrirent les portes du monastères et trouvèrent ce Turc à terre, presque sans souffle. On l’amena à l’intérieur où l’on prit soin de lui. Lorsqu’il fut revenu à lui, il demanda pardon à l’higoumène pour le crime qu’il commit et voulut se faire baptiser. On le baptisa et on lui donna le nom de Gabriel. Mais toute sa vie il refusa d’être appelé Gabriel et il demanda à être appelé Barbaros (barbare en français) ; il porta toute sa vie la pénitence, ce qui lui valut d’être compté parmi les saints. Il est vénéré sous le nom de Barbaros et ses reliques se trouvent au monastère du Mont des cellules.
Un autre miracle accompli par l’icône enseigna aux moines du monastère la nécessité fondamentale d’être toujours hospitalier.
Au XVIIème siècle, un pèlerin affamé vint et sonna à la porte du monastère. Le frère portier lui ouvrit pour savoir ce qu’il voulait :
« J’ai très faim, est-ce que je peux avoir un peu de pain?
-As-tu de l’argent ?, lui demanda le moine !.
-Non, je n’en ai pas ! répliqua le pèlerin.
-Alors pas de pain ! » Et il referma la porte du monastère.
Fatigué et tout triste, le pélerin s’assit sous un arbre en se lamentant sur son sort. Mais soudain il vit une dame de bon augure, portant un enfant dans ses bras, et qui lui demanda :
« Que veux-tu, pourquoi es-tu si triste ?
-Ô Madame! J’ai faim et je n’ai même pas d’argent pour m’acheter un pain.
-Prends cette pièce, et va acheter du pain. » Et elle lui tendit une merveilleuse pièce en or.
Tout joyeux, le pélerin s’en alla frapper à nouveau à la porte du monastère et le frère portier lui ouvrit :
« Alors, te voilà revenu !
-Oui, et cette fois j’ai de quoi payer ! » Et, il lui tendit la pièce d’or.
-Etonné, le moine prit la pièce et la regarda, elle valait trop cher mais cette pièce ne lui semblait pas étrange. Il se souvint que sur l’icône de la Mère de Dieu à l’église, il y en avait une semblable, don d’un grand prince. Pour se rassurer il entra à l’église et, surprise ! la pièce manquait sur l’icône. Il sonna alors les cloches, et tous les moines se rassemblèrent avec leur higoumène. On questionna le pèlerin qui leur assura que c’était une dame portant un enfant dans ses bras qui la lui a donnée. On l’amena à l’église où il put reconnaître en effet la dame et l’enfant sur l’icône. Et depuis ce temps-là, jamais on n’a refusé de secourir quelqu’un qui était dans la nécessité.
Par sa sainte icône, la Mère de Dieu accomplit un grand nombre de miracles qu’il est impossible de citer ici. Nous n’en évoquons qu’un seul, important pour le Mont Athos. En ce lieu, survenaient fréquemment des famines, mais avec l’aide de Dieu et de Sa Très Sainte Mère, tout s’arrangeait pour le mieux. En 1854, la famine fut si grande que les moines fuyaient la mort. Sur les quarante mille moines de la Sainte Montagne, seuls mille restèrent et encore, en hésitant beaucoup. Alors, la Reine des Cieux apparut à des ermites et leur dit : « De quoi avez-vous peur ? Bientôt tout sera terminé et la montagne se remplira à nouveau de moines. Tant que mon icône sera dans le monastère d’Iviron, ne craignez rien et restez dans vos cellules. Mais lorsque je sortirai du monastère, que chacun prenne son sac et parte où il pourra ».
On fit plusieurs copies de cette icône qui à leur tour se révélèrent miraculeuses, telle celle qu’on fit pour un empereur russe dont la fille était paralysée. Quand la fille entendit que l’icône arrivait du Mont Athos, elle se releva guérie. En réponse à cela, le Tsar lui offrit un habillement magnifique en or qui la couvre jusqu’à maintenant.Qu’à travers son icône , la Mère de Dieu nous protège tous. Amen. Récits recueillis sur place d’après les témoignages des frères du monastère d’Iviron (Mont Athos).

vendredi 21 novembre 2008

NOTES TROUVEES RECEMMENT DANS LES MARGES DU CAHIER DES PLANTES DU POTAGER (SAINT SILOUANE DU MONT ATHOS)



L’âme douce et humble est meilleure que ces fleurs, son parfum en est plus suave. Le Seigneur a paré les fleurs de beauté, mais comme Il aime l’homme plus que les fleurs, Il lui a donné l’Esprit Saint, plus doux que le monde entier et si agréable à l’âme. Si nous Le connaissions, nous L’aimerions bien davantage que nous n’aimons les fleurs.

Dieu créa les fleurs pour l’homme, afin que l’âme glorifie le Créateur et L’aime à travers la création. Il ne faut pas oublier Dieu, même un seul instant dans la journée. Il nous aime, aimons-Le nous aussi et demandons Sa miséricorde et la possibilité d’accomplir Ses commandements : c’est en les mettant en pratique que nous Le connaîtrons. Il est notre coeur, notre désir, notre joie et notre espérance.

A présent, montons au ciel en esprit car notre Seigneur y demeure et regarde la terre avec miséricorde. Il se réjouit beaucoup si nous nous repentons de nos péchés et si nous désirons vivre saintement. Avec Lui, le ciel entier se réjouit de notre repentir. C’est la Grâce de l’Esprit Saint qui m’a donné cette assurance. Gloire au Seigneur et à Sa miséricorde!

Tu aimes les fleurs, mais aimes-tu le Seigneur et tes ennemis qui t’offensent? Si tu les aimes, c’est bien. Seigneur mon Dieu, aide-moi à T’aimer comme T’aiment les Saints. Ils vivaient sur la terre en travaillant de leurs mains mais leur âme était en Dieu qui leur donnait la force. Ils rendaient grâce à Dieu pour les tribulations et humiliaient leur âme. Le Seigneur les honora pour leurs efforts et leur humilité.

Malheur à moi qui suis sur la terre, qui foule aux pieds la sainte terre et souille l’air qui m’entoure ! Malgré tout, le Seigneur m’aime et me donne la vie chaque jour, chaque heure et chaque seconde et, dans Sa miséricorde, attend que je me repente, que je m’humilie et que je sois éternellement avec Lui. Notre Seigneur nous aime, Il a souffert et fut couché dans une mangeoire pour nous. Le ciel entier s’étonnait : le Fils de Dieu dans une crêche! Il est venu pour nous sauver, pour nous ouvrir le paradis où Il est lui-même et d’où Il nous appelle :

« Là où Je suis sera aussi Mon serviteur » (Jn.12,26). Lors de la Transfiguration sur le mont Thabor, le Seigneur a montré Sa Gloire à Ses disciples qui se prosternèrent dans la crainte et la vénération : voilà où le Seigneur mène l’homme ! C’est comme cela que nous devons vivre, en nous efforçant d’être agréables à Dieu !

Par la grâce de l’Esprit Saint et la contemplation de la création, Dieu se fait connaître de qui Il veut et comme Il le veut. En contemplant la création, l’homme s’étonne de la sagesse de Dieu : comment a-t-Il pu créer le ciel et la terre et toutes les créatures ? L’âme connaît Dieu par l’Esprit Saint, autant que la grâce Le dévoile et L’enseigne. Jésus Christ se révèle dans l’Esprit Saint comme Il le veut, l’âme voit Sa bonté, Sa miséricorde, Son amour, Sa douceur et Son humilité. Dieu dévoilera tout à l’âme par l’Esprit Saint. Quand elle acquiert l’amour du Seigneur, l’âme est entièrement préoccupée par Lui.

Pour nous chrétiens, la vie sur terre est facile : notre âme est sereine et douce. Elle est habituée à s’humilier et pour cela le Seigneur lui accorde Sa grâce avec miséricorde. La grâce nous enseigne à aimer Dieu de toute notre âme et notre prochain comme nous-mêmes : voilà notre vie en Dieu. C’est pour cela que nos ennemis nous envient et veulent nous faire oublier Dieu. Cependant, nous continuons à L’aimer et nous trouvons en Lui le repos car nous sommes soutenus par Sa grâce. Par elle, le Seigneur nous accorde de comprendre qu’il y a des gens qui Lui ressemblent: ce sont ceux qui accomplissent les commandements. D’autres ressemblent à l’ennemi: ce sont ceux qui le suivent. Il n’y a rien d’étonnant à cela. Du chêne naît un chêne et du bouleau un bouleau.

Ainsi nous les chrétiens, nous avons l’Esprit Saint qui nous éclaire, nous instruit et nous aide dans le bien. Comme une mère aimante lave son enfant de toute impureté, le Seigneur nous pardonne et nous sanctifie avec miséricorde, pourvu que nous nous repentions de toute notre âme. « Venez à Moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés et Je vous donnerai du repos » (Mt.11,2/8). Comme il est doux et agréable à l’âme d’être en Dieu, pour peu qu’elle sache se conduire avec droiture et humilité, tendue vers les commandements. Regardons les fleurs : toutes sont créées pour nous. Comme Dieu nous aime ! Pourvu que nous L’aimions et que nous accomplissions Ses saints commandements.

Mon esprit est souillé, mais parfois cependant le Seigneur m’éclaire grâce aux prières des Saints Pères qui vivent ici dans le monastère. Ce sont des anges dans la chair bien qu’ils travaillent de leurs mains. Ils marchent sur la terre mais ils aiment le Seigneur dans le secret de l’âme et l’humilité de l’esprit, comme des anges.

Les Saints aiment verser des larmes devant Dieu. Leur esprit est joyeux mais ils éprouvent de la peine pour ceux qui vivent mal, comme moi. Comment le savons nous? Par l’Ecriture Sainte! Les Saints versent beaucoup de larmes pour nous car l’Esprit Saint repose sur eux. Il est Amour, Il vit dans leur âme en leur enseignant l’amour et l’humilité. Il rend toute chose facile pour l’âme.

Ce serait bon que l’âme apprenne à verser des larmes et à prier Dieu pour le monde entier. Beaucoup de moines font ainsi. Le Seigneur protège les moines de la Sainte Montagne grâce aux prières des Saints et de la Mère de Dieu. Je crois et je sais qu’Elle aime les moines obéissants qui se confessent fréquemment et qui refusent les mauvaises pensées. La Mère de Dieu s’afflige beaucoup pour ceux qui vivent dans la négligence et l’impureté : Ceux-là n’ont pas l’Esprit Saint dans l’âme mais l’affliction, l’acédie et l’irritation.

Je rends grâce au Seigneur qui nous a créés et éclairés par le saint baptême, qui nous a donné Son Sang et Son très Saint Corps et nous a permis de Le connaître, Lui si miséricordieux. Il ne se souvient pas de nos péchés, comme l’attestent les Saintes Ecritures et l’expérience. Au contraire, Il attend notre repentir avec miséricorde. Ceux qui se repentent vivront éternellement en Dieu et L’aimeront, Lui seront chers comme des enfants. Le Seigneur aimera Sa création et les hommes aimeront leur Créateur et se réjouiront éternellement en Dieu.

Les âmes qui connaissent Dieu par l’Esprit Saint pensent déjà à Lui ici sur la terre et n’ont pas de difficulté à L’aimer. Cela serait si bien si tous les hommes connaissaient Dieu ! Oh, comme ce serait bien si tous sur la terre vivaient dans l’amour et l’humilité! Seigneur très miséricordieux, accorde que tous Te connaissent ! Tu es cher à nos âmes.

Ton humilité surprend nos âmes. Bien que merveilleuse et indescriptible, elle peut être connue par l’Esprit Saint qui rend l’âme humble et la réjouit. Comme c’est merveilleux quand Il établit sa demeure dans une âme ! C’est alors bon, réjouissant et facile de vivre.

Gloire au Seigneur très miséricordieux qui nous aime tant et nous accorde Sa grâce ! Elle nous apprend à Le connaître et à garder Ses saints commandements. Par eux, l’âme trouve le repos de Dieu. Notre joie, le Seigneur très miséricodieux, aime les pécheurs et leur accorde la grâce du Saint Esprit. Elle est douce et il n’y a rien sur la terre à quoi on puisse la comparer. Voilà ce que nous accorde la miséricorde du Seigneur!

L’homme qui ne connaît pas Dieu est comparable à une bête sans raison mais celui qui L’a connu peut L’aimer. Il se fait connaître par l’Esprit Saint et non par un esprit ordinaire. Connaître le Seigneur, c’est une grande grâce de Dieu pour nos âmes. Les rois terrestres ne connaissent pas Dieu mais les moines savent combien le Seigneur les aime et eux-mêmes aiment le Seigneur. « J’aime ceux qui M’aiment et Je glorifierai ceux qui Me glorifient.» Il est bon d’être avec Dieu, l’âme se repose en Lui. Aime Dieu celui qui accomplit Ses commandements. L’orgueilleux ne peut pas aimer Dieu. Celui qui aime manger beaucoup ne peut pas aimer Dieu comme il faut. Pour aimer Dieu, il faut se priver de tout ce qui est terrestre, n’être attaché à rien et ne penser qu’à Dieu, à Son amour et à la douceur de l’Esprit Saint.

L’âme qui a connu le Seigneur se languit de Lui nuit et jour et Le cherche avec des larmes : elle ne peut pas oublier la douceur de l’Esprit Saint. Comme un roi ne peut oublier sa gloire et sa table si on l’en dépossède, l’âme qui a connu le Seigneur ne peut être tranquille tant que la grâce ne la rassasiera pas de la miséricorde de Dieu. Aurais-je été un novice riche en miséricorde divine si je n’avais pas connu le Seigneur ? J’aurais été incapable de supporter tant de tentations de la part des ennemis si le Seigneur n’avait eu pitié de moi. Ce sont Ses bontés et Ses largesses envers le pécheur que je suis dont je parle ici. Gloire au Seigneur pour Sa miséricorde et Son amour ! Quant à moi, je suis un grand pécheur, je ne suis pas digne de la grâce.

UN MOT SUR LA SAINTE OBEISSANCE
EN QUOI ELLE EST SUPERIEURE
AU JEUNE ET A LA PRIERE

L’obéissance nous rend humbles. Parfois, de mauvaises et orgueilleuses pensées nous obligent à jeûner et à prier. Le novice accomplit toutes ses obédiences avec la bénédiction de son starets, pensant que c’est le Seigneur qui inspire son père spirituel. S’il prend l’habitude de voir les choses ainsi, il trouvera facilement son salut par l’obéissance. L’obéissant possède toutes les vertus. La prière du coeur, l’humble attendrissement et les larmes lui sont accordés. Il aime le Seigneur et craint de l’offenser par la désobéissance car le Seigneur est miséricordieux et lui donne des pensées humbles et saintes. Il aime le monde et lui offre ses prières et ses larmes. La grâce instruit l’âme pour prix de l’obéissance.

Il faut penser que c’est le Seigneur Lui-même qui nous a conduit ici, à cet endroit, chez ce starets. Accorde-nous Seigneur, de trouver notre salut, car l’ennemi a beaucoup de ruses. Celui qui confesse ses pensées à son starets sera sauvé car le père spirituel a reçu l’Esprit Saint pour nous sauver.

Gloire à Toi Seigneur pour Ta miséricorde, parce que Tu veux notre salut ! Tu nous aides à Te connaître ! Tu es bon Seigneur et combien la grâce de l’Esprit Saint est douce ! Tes Saints Apôtres parcoururent la terre et parlèrent de Toi avec tant de chaleur que toutes les âmes croyantes sentirent un changement s’opérer en elles et se réjouirent par la grâce de Dieu.

Le Seigneur accorde à tous de Le connaître et surtout aux simples gens obéissants. Le roi et prophète David était berger et le cadet de sa famille et le Seigneur l’aimait pour sa douceur. (Les doux sont toujours obéissants.) Il écrivit le Psautier inspiré par l’Esprit Saint qui demeurait en lui. Le prophète Moïse aussi était berger chez son beau-père : voilà de l’obéissance ! La Mère de Dieu était obéissante et les Saints Apôtres aussi. Le Seigneur Lui-Même nous a indiqué cette voie. Gardons-la et nous recevrons sur terre les fruits de l’Esprit Saint. Il nous apprendra tout ce qui est bon.

Les désobéissants souffrent des mauvaises pensées. Que le Seigneur nous enseigne l’obéissance et nous pourrons voir Sa bonté en abondance déjà sur cette terre. Notre esprit sera toujours occupé par Dieu, notre âme sera humble, instruite par la grâce divine. Lorsque je vins au monastère, je fis la connaissance d’hommes admirables et je compris que je ne valais pas un seul de leurs doigts ni même un des chiffons qui entourent leurs pieds. Comme on peut se tromper, tomber dans l’orgueil et pécher!

Par les hommes justes nous arrivent la joie et l’allégresse. Le saint évêque Nicolas vint chez nous et nous apporta beaucoup de joie. L’Apôtre nous dit que l’Esprit Saint a établi les évêques à l’image du Christ et nous donne la joie et l’allégresse lorsque nous les regardons. L’Esprit les pare de lumière et nous les aimons beaucoup. De la même façon, les disciples aimaient le Seigneur en regardant Sa face et s’en réjouissaient. Notre Seigneur donne l’Esprit Saint à la terre et Il demeure sur les évêques orthodoxes.

Ô Evêques de lumière ! Conduisez-nous au Père Céleste, nos âmes en ont soif jour et nuit. Nous avons connu le Seigneur par l’Esprit Saint. Il nous a incités à L’aimer et à Le contempler. Il nous fait craindre de L’offenser par l’orgueil et la désobéissance. Gloire à notre Dieu !

Si nous vivons selon notre volonté propre, nous nous faisons souffrir nous-mêmes mais si nous vivons selon la volonté de Dieu, tout va bien, tout est joyeux et calme. L’âme se languit sur la terre et elle pense à Adam au paradis. Elle désire voir le paradis en esprit, y voir les arbres, savoir de quelles couleurs ils sont, de quelle hauteur, s’ils touchent les nuages ou bien s’ils sont bas et touffus, savoir qui les a plantés. Ô Adam notre père, parle-nous du paradis et dis-nous comment est notre Seigneur. Tu Le connais. Il a créé le paradis et tu connais Son calme et Sa douceur. Ô Adam, tu vois nos maux et nos tribulations sur la terre : dis-nous comment éviter les tribulations, si c’est possible. Sur la terre, il n’y a pas de consolation, rien que la tristesse qui ronge l’âme.

Soumets-toi à la volonté de Dieu et les tribulations en seront amoindries, il sera plus facile de les supporter car l’âme se reposera en Dieu et trouvera en Lui la consolation. Le Seigneur aime l’âme de celui qui s’en remet à Sa volonté et à celle de ses pères spirituels.

Une âme dissimulée ne dit pas ses péchés à son père spirituel et tombe dans le leurre. Elle veut atteindre les sommets mais c’est un désir satanique comme l’a dit Saint Seraphim de Sarov. Nous avons besoin de chasser les passions de l’âme et du corps et d’éviter le leurre.

Adam ! Adam qui vis dans les cieux et qui vois la gloire du Seigneur, qui écoutes les chants de louange au Seigneur, dis-nous comment notre Seigneur est magnifié ! Chante pour apaiser nos souffrances, si c’est possible, afin que toute la terre t’entende et que le chagrin soit oublié. Au ciel, les chants sont exécutés sous l’inspiration de l’Esprit Saint, ils sont agréables et apportent aux âmes paix et joie. Vivons dans la paix et l’amour. Apportons au Seigneur des louanges pour Sa grande miséricorde ! Il nous aime infiniment. Il nous a donné Son Fils bien-aimé Jésus Christ qui nous appelle à Lui : « Venez à Moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés et je vous donnerai du repos ». Là sont la joie et l’allégresse. Quel est donc ce repos ? Le repos dans l’Esprit Saint que trouvent les chrétiens orthodoxes qui accomplissent les commandements de Dieu. J’ai des regrets, pourquoi n’ai-je pas accompli les commandements ? J’ai été privé de l’amour de Dieu et de la douceur de l’Esprit Saint que possèdent les moines qui ont oublié le monde et s’attachent à aimer le seul Seigneur. Il leur accorde pour cela la paix de l’âme et du corps. C’est là la paix céleste, il faut la garder. Si vous la perdez, vous pleurerez comme Adam chassé du paradis. Adam pleura bien des années et cria vers Dieu. Il fut soumis à de grandes souffrances car il avait beaucoup aimé auparavant.

Ô paradis céleste ! Quel est celui que tu abriteras pour qu’il contemple la Face du Seigneur et Sa Gloire et qu’il entende le chant des Chérubins? Quelle est l’âme qui verra cela ? Il faut être humble pour que le Seigneur aime l’âme et lui accorde comme repos éternel de voir Sa face et de contempler Sa miséricorde! Mais comment vivre sur la terre pour voir la Face du Seigneur ? Gloire au Seigneur et à Sa miséricorde! Il nous a tellement aimés qu’Il nous a ouvert le paradis pour y contempler Sa puissance ! Ô tous les habitants des cieux, vous voyez la Face du Seigneur, vous regardez Sa beauté et Sa gloire !

Nous sommes en état de guerre. S’il arrive à quelqu’un de pécher, qu’il aille vite chez son père spirituel et qu’il lui raconte tout. Que celui-ci se tienne avec une étole. Crois ceci : tu t’es amendé et à présent le démon que tu avais reçu par erreur est sorti de toi. Mais si tu ne te repens pas, tu ne pourras pas t’amender jusqu’à la tombe. Les démons entrent et sortent de notre corps. Si l’homme s’est irrité, le démon est entré, et s’il s’est humilié, le démon est sorti.

Si le démon se tient devant toi quand tu commences à prier Dieu, ne te permets pas de faire la moindre métanie mais humile-toi et dis : « Personne au monde n’est pire que moi » et le démon disparaîtra sur le champ. Il craint l’humilité et celui qui éprouve de la contrition face à ses péchés. Il craint aussi une confession sincère. Si tu entends les conversations des démons en toi, n’aie pas peur: ils vivent dans ton corps mais pas dans ton âme. Humilie-toi, aime le jeûne et la tempérance, et ne bois ni vin ni vodka.

Il y avait des démons en moi mais je ne savais pas combien. Plus tard, j’ai su combien de démons il y a dans l’homme. Si l’homme a volé et ne s’est pas confessé, il y en a un. S’il a tué et ne s’est pas confessé, il y en a deux. S’il s’est enivré, il y en a trois. S’il a désobéi au père spirituel ou au starets, il y en a quatre. S’il a amassé de l’argent, il y a en lui beaucoup de démons.

Celui qui suit sa volonté propre et se confesse incomplètement verra les démons demeurer dans son corps et troubler son esprit, même s’il communie aux Saints Mystères. Si tu veux que les démons te quittent, humilie-toi, sois obéissant et désintéréssé, aime accomplir tes obédiences avec exactitude et confesse-toi sans rien passer.

Le père spirituel se tient avec une étole, dans l’Esprit Saint, et ressemble à notre Seigneur Jésus Christ. L’Esprit Saint a été donné aux Saints Apôtres par le Seigneur et ensuite aux évêques. Les prêtres et les pères spirituels ont l’ Esprit Saint. Une fois un starets a vu un père spirituel sous l’apparence du Christ. Voyez comme le Seigneur nous aime malgré nos nombreux péchés. Il faut remercier Dieu et L’aimer beaucoup comme Il nous aime.

Le Seigneur aime les âmes courageuses qui espèrent fermement en Lui. Le Seigneur a eu beaucoup pitié de moi. A cause de l’orgueil, j’ai subi une grande attaque de démons qu’il m’a été permis de voir ; grâce à l’humilité, le Seigneur m’a pardonné.

Les fleurs nous rappellent le paradis terrestre dans lequel vivait Adam avec le Seigneur. En compagnie du Seigneur, Adam était dans la joie car il aimait Dieu avec une conscience pure. Lorsqu’il pécha, il perdit sa pureté et il vécut par la suite beaucoup de malheurs dans son exil. Adam versait des larmes de chagrin mais il ne perdait pas espoir et vivait dans le repentir. Voilà un exemple pour nous et nous devons imiter Adam dans la patience et le repentir. Le Seigneur eut pitié de nous et Il nous donna Son Fils bien aimé qui nous aima tellement qu’Il nous offrit Ses souffrances et donna aux Apôtres l’Esprit Saint et établit les évêques. L’Esprit vit dans les pères spirituels qui sont à l’image et à la ressemblance du Christ et à qui il est donné de nous sauver, nous les brebis. Il nous faut aimer nos pasteurs et avoir pour eux un profond respect. Si nous pouvions voir dans quelle grâce de l’Esprit Saint ils se trouvent ! Le Seigneur ne nous l’accorde pas car nous sommes orgueilleux et nous ne nous aimons pas les uns les autres. Si nous obéissons à nos pasteurs, le Seigneur nous révélera les mystères de Dieu. Comme le Seigneur nous aime malgré nos nombreux péchés!

Comme le Seigneur nous aime ! L’Esprit Saint nous fait connaître cet amour. Gloire au Seigneur et à Sa miséricorde pour nous aimer autant ! Il se laisse connaître et nous montre Sa miséricorde et combien est douce la grâce de l’Esprit Saint.

Combien il nous faut vivre dans l’humilité, l’obéissance et la tempérance, combien il nous faut nous repentir à toute heure et aimer le Seigneur ! A l ‘âme qui se repent, le Seigneur accorde le don de l’Esprit Saint qui nous conduit à aimer Dieu sans jamais nous en rassasier. Il réchauffe les âmes par Sa grâce comme le soleil réchauffe toutes les plantes. Mais contrairement au Seigneur, les rayons du soleil ne pénètrent pas partout. Le Seigneur ne permet pas au pécheur de Le connaître et de jouir de Sa grâce. Lorsque l’âme aimera le Seigneur, elle ne voudra plus aimer autre chose car la Grâce est douce et attire tout à elle. Voilà comment les Saints verront au ciel la gloire du Seigneur.

L’âme aimera Dieu et ne pourra plus se détacher de cet amour. Pour que le Seigneur nous aime, il nous faut demander l’esprit d’humilité. Il veut que nous L’aimions et que nous nous humilions par amour pour Lui. Ne perds pas l’espoir qu’Il délivrera le pécheur qui se repent, même si, comme moi, il a vécu dans le leurre et a entendu les démons discuter en lui. Une confession au père spirituel les fera sortir. L’Esprit Saint qui remet les péchés par l’entremise du confesseur a été donné depuis l’Incarnation du Seigneur. Si tu n’as pas la foi, demande-la à Dieu et Il t’instruira. Le Seigneur attend que nous Lui adressions nos demandes simplement, comme un enfant à sa mère. Si nous sommes orgueilleux, nous ne recevrons rien. Il nous faudra alors demander l’humilité. Le Seigneur nous permettra ensuite de voir les filets de l’ennemi. Que la grâce de Dieu vienne à notre aide et nous vaincrons les passions. Gloire au Seigneur et à Sa miséricorde ! Il nous fait savoir ce qui se passe au ciel et comment y vivent nos aînés qui ont mené une vie agréable à Dieu dans l’humilité, l’amour et toutes les vertus. L’Esprit Saint nous laisse entrevoir comment ils ont été consolés, comment ils aiment Dieu et comment Il les aime.

La beauté du paradis nous est inconnue et nous ne pouvons pas nous y rendre car notre âme n’est pas humble et cet orgueil est l’obstacle qui pousse le Seigneur à nous cacher ce qui se passe dans les cieux. Le Seigneur a montré le paradis à des Saints vraiment humbles mais notre esprit n’a pas pu comprendre clairement la description qu’ils en ont faite. Cependant le Seigneur a dit : « Le Royaume est au-dedans de vous ». A l’intérieur de nous, il n’y a pas de jardins, mais dans les chrétiens orthodoxes, il y a l’Esprit Saint. Voilà, nous sommes heureux, nous vivons sur la terre et le Royaume Céleste est en nous. Mais pourtant, le péché ne vit-il pas en nous, n’est-il pas caché dans notre âme et dans notre corps ? Pour le chasser, le Seigneur nous a donné les pères spirituels. Ils nous purifient par le repentir et l’Esprit Saint habite en eux. Lorsque le confesseur dit la parole, le péché se consume dans l’âme et elle ressent la liberté et la paix. Si l’âme apporte le repentir, le Seigneur nous fera connaître la joie et l’allégresse : alors le Royaume sera en nous.

A chaque instant, il faut fortement humilier son âme jusqu’à ce qu’elle soit humble, même pendant le sommeil. Les Saints aimaient s’humilier et pleurer, c’est pourquoi le Seigneur les aimait et Se laissait connaître. Combien le Seigneur est bon et comme est douce la grâce de l’Esprit Saint qui nous a permis de Le connaître. L’Esprit Saint entre en premier dans l’âme et ensuite le Seigneur Jésus Christ Se fait connaître immédiatement ; la joie est alors ineffable. Chers frères, efforçons-nous de nous vaincre réellement afin que nos âmes connaissent Dieu. Cette joie est immense. L’âme la désire insatiablement. La miséricorde divine pour les pécheurs est grande. Le Seigneur nous donne de Se faire connaître. Comme Il est miséricordieux, comme Il nous aime ! Cet amour est connu par l’Esprit Saint. Voilà comment l’Esprit Saint vit dans notre Eglise Orthodoxe.

Si nous sommes humbles, le Seigneur nous permet de voir le paradis chaque jour. Le malheur est que nous ne sommes pas humbles et c’est pourquoi nous nous faisons la guerre à nous-mêmes. Le Seigneur accorde Sa sainte aide à celui qui se vainc lui-même en récompense pour ses efforts et son humilité.